ENVIRONNEMENT
Entretien des cours d’eau : réunion pédagogique à destination des agriculteurs

Marine Martin
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Jeudi 25 juillet, une réunion pédagogique sur la réglementation des cours d'eau a eu lieu à Lagorce, sur une parcelle du vigneron Laurent Eldin. Elle a rassemblé les services de l'État, l'Office français de la biodiversité (OFB), des représentants professionnels agricoles et des agriculteurs.

Entretien des cours d’eau : réunion pédagogique à destination des agriculteurs
Sophie Elizéon, Christel Cesana et Benoit Claret ont échangé sur les problématiques de l'entretien des cours d'eau. ©prefecture_07

À l’automne 2023, une crue a submergé une partie des parcelles de vigne de Laurent Eldin, vigneron, situées le long du cours d’eau qui serpente entre Voguë et Lagorce. « L’eau est montée aux deux tiers de la parcelle, il n’y avait plus aucun écoulement. » Propriétaire de la moitié du ruisseau, l’agriculteur a alors engagé des travaux de broyage de la végétation, de nettoyage « pour refaire le lit tel qu’il était il y a 30, 40 ans. On pensait bien faire. Je ne savais pas que même en tant que propriétaire, il fallait faire des déclarations pour cela », confesse-t-il. Depuis, la situation s’est régularisée, confirme Sophie Elizéon.

Alors, pour endiguer le manque d’information sur la réglementation en vigueur, la préfecture de l’Ardèche et l’OFB ont organisé une réunion pédagogique. La rencontre a débuté par une présentation théorique suivie d’une visite sur le terrain près du lit de la rivière. L’objectif était d’expliquer la réglementation des interventions dans les cours d’eau, les actions autorisées ou non et les conséquences des travaux non conformes.

Conséquence de l’aménagement des cours d’eau

L’OFB a démontré que la modification des cours d’eau, par l’enlèvement de matériaux, sable, sédiments ou graviers, entraîne une uniformisation du lit, ce qui compromet la fonctionnalité naturelle du cours d’eau. Cette uniformisation réduit le pouvoir filtrant et dégrade la qualité de l’eau. De plus, l’absence de graviers et de sédiments augmente l’évaporation, entraînant une élévation de la température de l’eau, une concentration accrue des polluants, un développement des algues et des assecs. La suppression de la ripisylve, qui stabilise les berges et retient l’eau dans le sol, a des effets similaires.

Un entretien régulier au fil du temps, par les propriétaires

À travers un guide distribué aux agriculteurs propriétaires riverains (voir ci-contre), l’OFB a souligné l’importance de l’entretien régulier des cours d’eau, pour gérer les embâcles et la végétation, incluant l’élagage des rives, l’enlèvement des branches et des troncs encombrants, tout en évitant les opérations d’essouchage. En revanche, les interventions plus substantielles, telles que le curage ou la modification du profil du cours d’eau, relèvent des travaux d’aménagement ou de restauration.

Mais souvent, les agriculteurs se retrouvent avec des cours d’eau qui n’ont pas été entretenus depuis plusieurs années. « Il y a 20 ou 30 ans, chaque petite ferme entretenait son cours d’eau avec ses brebis, et cela se passait très bien. Aujourd’hui, nous faisons face non seulement au changement climatique, mais aussi à la désertification des campagnes », observe Marc Soboul, vigneron à Vinezac. De plus, le nettoyage des rivières est une tâche à ajouter au planning déjà chargé des agriculteurs. Et pour couronner le tout, « certains craignent de réaliser des interventions non conformes et choisissent donc de ne pas entretenir », conclut Marc Soboul. « Si vous avez un projet dont vous n’êtes pas certain quant à la réglementation, il est crucial d’informer les services spécialisés qui peuvent vous fournir des conseils, tels que la DDT, le sous-préfet ou les syndicats de rivières », recommande alors, Sophie Elizéon, préfète de l’Ardèche, aux agriculteurs.

Des enjeux économiques pour les agriculteurs

« Mais si les travaux n’ont pas été autorisés, l’agriculteur devra déplacer ses vignes, entraînant une perte de rentabilité », explique un agriculteur aux représentants de l’État. Selon Christophe Mittenbuhler, chef du service environnement à la DDT, cet enjeu se situe à plusieurs niveaux : « Il faut considérer à la fois l’échelle de la parcelle et celle d’un bassin-versant global. La réglementation cherche à trouver un équilibre entre les activités humaines et les ressources naturelles ». Benoît Claret renchérit alors : « Une approche systémique est essentielle. Le déploiement de ces actions vise à permettre à l’Homme de vivre sur le territoire, de se nourrir et de conserver la capacité de nourrir les autres, tout en les accompagnant et en assurant leur sécurité. Si nous nous contentons de protéger uniquement la parcelle ou l’environnement, cela entraînerait des conséquences néfastes pour l’ensemble ».

Christel Cesana, présidente de la FDSEA, souligne de son côté les contraintes portées par les agriculteurs : « Même si nous aménageons des tournières (bandes enherbées) de 7 mètres, elles finissent par disparaître, érodées par les cours d’eau. Alors, comment faire lorsqu’on a des emprunts à rembourser ? Parfois, il faut pouvoir reprendre à la nature ce qu’elle nous a pris », martèle-t-elle. Mais pour la préfète de l’Ardèche, « nous sommes face à un changement climatique. On est en train de changer de braquet et d’ajuster notre approche pour favoriser la continuité des cours d’eau. Si nous ignorons les enjeux du changement climatique, la situation sera encore plus complexe dans 25 ans ».

Au terme de la visite, ce cas d’école a tout de même permis « de diffuser des informations et de favoriser le dialogue », résume Sophie Elizéon. Christel Cesana souligne : « Nous avons besoin de compréhension et de circulation des informations pour résoudre nos problèmes économiques liés aux parcelles en bord de cours d’eau. Cette réunion marque un pas dans la bonne direction, et il est essentiel que les choses changent ». Un message entendu par la préfète, consciente des enjeux économiques liés aux activités agricoles. « L’objectif est d’inciter les agriculteurs à demander conseil, mais aussi que les services adaptent leurs regards pour trouver la solution la plus conforme à la réglementation, tout en étant la moins encombrante et la moins consommatrice de temps pour les agriculteurs. »

Marine Martin

Savoir déterminer les cours d’eau
©syndicat_de_rivière_Chassezac
GUIDE

Savoir déterminer les cours d’eau

Un guide d’entretien et d’aménagement des rivières à destination des propriétaires riverains a été distribué, afin d’y voir plus clair.

La police de l'eau réglemente toute installation, travaux, ouvrages et activités, susceptibles d'impacter les cours d'eau, nécessitant une déclaration ou autorisation administrative. Pour savoir si l’écoulement est un cours d’eau, relatif à la loi sur les cours d’eau de 2016, trois critères doivent être réunis : présence d'un lit naturel, d'une source et d'un débit suffisant la majeure partie de l'année. Pour vérifier ces éléments, il est conseillé de consulter la cartographie des écoulements du département sur le site Internet : https://carto2.geo-ide.din.developpement-durable.gouv.fr

Laurent Eldin, au centre, discute avec une agente de l'OFB devant ses parcelles. En contre bas, le cours d'eau ayant inondé une bonne partie de ses vignes. ©AAA_MMartin
Le cours d'eau à sec durant l'été. ©AAA_MMartin