TRADITION
La batteuse, symbole d’une époque
Ce dimanche 6 août, la commune de Pranles fera revivre la tradition du battage à l’occasion de sa Fête de la batteuse. Après 25 ans de dormance, cet événement, jadis incontournable, est relancé par les habitants.
On parle d’un temps, que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître. À cette époque, la mécanisation n’en était qu’à ses prémices et dans les campagnes la vie évoluait au rythme des travaux agricoles, et notamment la moisson. « Le plus dur, c’était la chaleur, mais c’était bien sympa », se remémore Maurice Gounon, le sourire aux lèvres. Né en 1940 dans une famille d’agriculteurs pranlins, il a vécu les mutations du monde agricole de l’intérieur. De 14 à 30 ans – avant de devenir postier – , il a lui-même été agriculteur au sein de la ferme familiale. S’occuper des quelques vaches, des poules, des chèvres, des cochons, cultiver les légumes, les céréales… Les journées étaient bien remplies. Et en été, il n’était pas rare qu’il mène la batteuse, de ferme en ferme, pour séparer le grain.
Une fête entre voisins
« Mon père, Georges Gounon, a fait partie de ceux qui ont monté le syndicat de la batteuse avant la guerre », raconte Maurice. À l’image des Cuma actuelles, le syndicat possédait la machine et employait un salarié pour la mener chez les adhérents après la moisson. « Il n’y avait qu’un seul salarié mais pour le battage il fallait au moins être 12, donc tous les voisins venaient aider, explique Maurice. Pour monter la paille, la fixer sur la batteuse, charrier le grain… Et puis il y en avait un qui faisait boire les autres ! » Car pour tous ceux qui l’ont vécu, la période des moissons et du battage était aussi un moment de solidarité et de convivialité. « Et le midi, on s’asseyait à table tous ensemble », assure Maurice. Presque chaque été, pendant plus d’un mois, il baladait la batteuse du syndicat dans des dizaines d’exploitations à Pranles, Lyas, Les Ollières-sur-Eyrieux ou encore Creysseilles. Et même lorsqu'il était fonctionnaire, il continuait cette besogne l'après-midi, une fois le travail à La Poste terminé. « Et après, au début des années 1970, la moissonneuse-batteuse est arrivée et c’était terminé », résume-t-il.
Quelques années plus tard, Maurice Gounon et ses frères ont décidé de faire revivre la tradition. Ils ont sorti la batteuse qui avait été laissée à l’abandon dans un local communal et l'ont remise sur pied. Pendant plusieurs mois, chaque week-end, ils ont bricolé la machine jusqu’à ce qu’elle retrouve une seconde jeunesse. C’est avec cette batteuse historique du village qu’ils ont pu organiser la première Fête de la batteuse, à Pranles, au milieu des années 1980. « Il fallait faire voir aux nouveaux comment ça marchait et puis c’était beau de faire revivre cette époque », relate Maurice. Les Fêtes de la batteuse ont finalement pris fin en 1998, faute de bénévoles.
Le grain n’est plus
Trente ans plus tard, c’est l'association Pranles animations dont fait partie son filleul, Jean-Marie Clair, qui a pris le relais. Jean-Marie est aussi éleveur à Pranles, mais lui n’a jamais connu le battage. Faire revivre cette fête, lui tenait pourtant à cœur, pour que la tradition ne disparaisse pas. D’autant qu’à Pranles, la Fête de la batteuse était autrefois incontournable. « Dès la deuxième ou troisième année, il y a eu jusqu’à 5 000 personnes, assure Jean-Marie. Mais on en espère beaucoup moins », blague-t-il. Car avec ce retour de la Fête de la batteuse, Pranles animations ne sait pas à quoi s’attendre. Les anciens seront-ils prêts à se déplacer par nostalgie ? Les jeunes seront-ils curieux ? « On part un peu dans l'inconnu », reconnaît Jean-Marie.
Il faut dire que depuis 25 ans, la petite commune de 500 habitants a bien changé. Si les exploitations agricoles sont toujours présentes, les champs de maïs, de blé, d’orge ou de seigle ont quasiment disparu. « Au Gaec Le Planas, on était parmi les derniers à faire des céréales », explique Jean-Marie. Dans les années 2000, avec la baisse du coût des aliments, de nombreux éleveurs ont décidé de transformer leurs petites surfaces de céréales en prairies permanentes. Depuis quelques années, Jean-Marie a lui aussi opté pour l’achat d’aliments pour ses bovins. « Ça devenait très compliqué de faire venir une moissonneuse », détaille-t-il. Presque seul sur le territoire, avec des petites surfaces, les entreprises de travaux agricoles intervenaient souvent tard, une fois les autres chantiers terminés dans la vallée. Les machines, toujours plus grosses, devenaient aussi moins adaptées à ses petites surfaces. « Mais ces changements sont récents, assure Jean-Marie Clair. En 1997, le concours de labour a eu lieu à Pranles… À l’époque il y avait des céréales partout ! », se souvient-il.
Pauline De Deus
La Fête de la batteuse est de retour !
Le comité des fêtes de Pranles, Pranles animations, fait revivre sa Fête de la batteuse, ce dimanche 6 août.
Dimanche, à Pranles, la batteuse sera remise en route pour un battage, le premier en 25 ans ! Le grain, moissonné mi-juillet grâce à une faucheuse lieuse d’époque, sera utilisé pour réaliser des démonstrations de battage à 11h15, 15 h et 16h30. L’occasion pour le public de revivre, en partie, cette tradition agricole qui a perduré pendant près de deux siècles. Autrefois attelée par les bœufs, la batteuse sera cette fois déplacée par un tracteur faute d’animal dressé pour mener de tels engins. Ces démonstrations seront accompagnées d’expositions de machines agricoles : herse, lieuse, semoir avec une grande roue, vieux tracteurs… Un aperçu également complété par des photographies ainsi que la projection d’un reportage, tournée par France 3 lors d’une Fête de la batteuse à Pranles, dans les années 1990. Outre ces expositions, des producteurs et créateurs locaux seront aussi sur place pour proposer leurs produits et diverses animations sont prévues, tels qu’un château gonflable, des jeux en bois, ou encore un concours de pétanque à partir de 14 h. « Ça peut être une belle manifestation, se réjouit le maire du village, Christophe Monteux. Entre les anciens et les touristes, c’est quelque chose qui peut plaire… On espère que ça va attirer un millier de personnes ! »