Le Sommet Russie-Afrique qui s’est achevé le 28 juillet à Saint-Pétersbourg (Russie) a été l’occasion pour Vladimir Poutine de se positionner en bienfaiteur de l’Afrique. Il a notamment promis l’exportation de 25 000 à 50 000 tonnes de céréales à six pays africains.
« Dans les mois qui viennent, nous serons en mesure d’assurer des livraisons gratuites de 25 000 à 50 000 tonnes de céréales au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République centrafricaine et à l’Érythrée », a déclaré Vladimir Poutine lors du Forum économique et humanitaire qui s’est tenu en même temps que le Sommet Russie-Afrique. Le chef du Kremlin a reçu quarante-neuf délégations d’États africains sur les cinquante-cinq qui composent le continent, dont dix-sept étaient conduites par des chefs d’État. Il leur a rappelé que sa décision de ne pas reconduire l’accord sur les céréales en mer Noire était consécutive au fait « qu’aucune des conditions de l’accord concernant les livraisons russes de céréales et d’engrais n’a été remplie », depuis juillet 2022. Il a accusé l’Ukraine et les Occidentaux d’être à l’origine de ce blocage. Précisant sa promesse, il a ajouté pouvoir « exporter 25 000 à 50 000 tonnes par mois. C’est tout à fait à la portée de la Russie », a-t-il affirmé. En effet, la récolte de céréales (toutes confondues) devrait approcher les 123 à 125 millions de tonnes (Mt) cette année, dont près de 80 Mt de blé. Même si ces chiffres restent 20 % inférieurs au record de 2022 (153,8 Mt), la Russie exporte bon an mal an près de 4 Mt de céréales par mois.
Marché mondial ouvert
Quel que soit le contexte, Moscou joue sur la dépendance alimentaire chronique des États africains pour renforcer ses positions diplomatiques et politiques. L’arme alimentaire brandie par les États occidentaux est une réalité au regard de l’influence que Vladimir Poutine exerce en Afrique. Les gouvernements africains, qui ont parfois eu du mal par le passé à mobiliser l'aide internationale pour relever leurs défis en matière de développement et de sécurité, ne dédaignent pas les ouvertures qu’elles soient indiennes, chinoises ou russes. Cependant, tant les dirigeants africains que les consommateurs locaux devront continuer à compter sur le marché mondial ouvert, où les approvisionnements se resserrent et les prix augmentent. Car la Russie va vendre avant tout du blé. Or, l’Ukraine exportait pour deux tiers vers ces pays, du maïs, à la fois pour l’alimentation humaine et l’alimentation animale. Ce que Moscou ne peut pas fournir en totalité.
Hausse des rendements
Mais le risque de pénurie alimentaire est-il à craindre pour les pays africains. Nombre de dirigeants de ces pays considèrent que la fin de l’accord céréalier de la mer Noire ne constitue pas un risque majeur pour la sécurité alimentaire du continent. Certes, il y aura quelques impacts qui varieront d’un pays à l’autre. On l’a déjà vu par le passé et la tendance reste la même : des pays comme la Tunisie, l'Égypte, l'Algérie, ou encore le Nigeria, sont beaucoup plus dépendants que d'autres pays comme le Sénégal ou le Burkina Faso. D’autres recherchent des alternatives à l’image de la Côte d’Ivoire. Avec le concours de la Banque mondiale, des chercheurs valorisent des céréales locales (manioc, banane, maïs…) susceptibles d'être transformées en pain. Par ailleurs, les grandes régions productrices de céréales du continent, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique de l'Est, ont enregistré une hausse globale des rendements céréaliers, selon un dernier rapport de la FAO. En fait, le sommet Russie-Afrique visait moins à parler sécurité alimentaire qu’à positionner la Russie comme un rempart contre « l'impérialisme » et le « néocolonialisme » occidental. En faisant passer Vladimir Poutine pour un généreux donateur alimentaire.
Christophe Soulard