CASTANÉICULTURE
Le plan national châtaigne se dévoile
Initié par le député de l’Ardèche Fabrice Brun, avec l’appui des parlementaires et élus locaux des départements castanéicoles, le plan national châtaigne adopté en 2023 à la commission des finances, est doté d’une enveloppe de cinq millions d’euros, consacrée pour sa majeure partie à la recherche de solution sur les problèmes sanitaires et à l’adaptation au changement climatique.
Vendredi 27 septembre a été l’occasion de faire le point de son avancé, sur la commune de Saint-Étienne-de-Boulogne, au cœur des châtaigneraies. La production de châtaignes, fruit emblématique d e l’Ardèche est souvent un complément de revenus pour de nombreux agriculteurs. Sa culture, entre savoir-faire ancestraux et innovation, est un véritable tissu socio-économique pour le maintien de la ruralité. Mais sur les terrains escarpés, il ne faut pas s’y tromper : « S’il y a du châtaignier aujourd’hui, c’est avant tout car on ne peut rien mettre d’autre », affirme Mickaël Giraud, président du syndicat de défense de la Châtaigne d’Ardèche.
Les châtaigneraies, comme d’autres filières sont confrontées à des enjeux importants, à l’instar du changement climatique et de ses conséquences. Depuis le succès de la lutte biologique entamée dans les années 2010 aux côtés des chercheurs de l’Inrae contre le cynips du châtaignier, la filière castanéicole a retrouvé un second souffle. Le plan national châtaigne signé à la commission des finances en fin d’année 2023, vient alors gonfler les voiles d’une filière qui a le vent en poupe. Une première convention a été signée lors du Salon de l’agriculture international, le 29 février 2024 par Michel Grange, alors encore président du SNPC (qui a depuis passé le flambeau à Jean Roland Lavergne, président du syndicat de Dordogne), Marc Fesneau et Maud Faipoux, directrice de la direction générale de l’alimentation. Les responsables professionnels et la quarantaine de partenaires, pour la plupart des acteurs de la recherche, ont consacré ces six derniers mois à bâtir un plan pluriannuel, en complément du plan filière régional de 2,6 millions d’euros. Si le plan régional s’attache à accompagner la reconquête de la châtaigneraie, la réouverture des pistes avec un volet concernant le changement climatique, le plan national châtaigne offre l’occasion de travailler avec la recherche pour être en capacité de pouvoir renouveler les vergers et répondre aux contraintes de demain.
Trouver des solutions concrètes contre les ravageurs
« Ce plan s’adresse aux générations futures et redonne de l’espoir à d’autres filières en difficulté », déclare Christel Cesana, 1ère vice-présidente de la chambre d’agriculture de l’Ardèche. Le premier axe, fondé sur l’innovation, la recherche et les nouvelles techniques, vise à combattre les ravageurs de la châtaigne, qu’il s’agisse de champignons ou de prédateurs. Ce premier point absorbe 80 % du budget alloué et se concentrera sur les principaux défis sanitaires : pourriture des fruits, maladie de l’encre (dépérissements en vergers et forêts), chancre du châtaignier, chenilles foreuses, adaptation des vergers au changement climatique. Cinq projets en lien avec ces enjeux seront déposés d’ici la fin de l’année, déclenchant ainsi les crédits pour les 12 mois à venir. Un véritable effort de recherche collaborative se met en place, réunissant producteurs et chercheurs de divers laboratoires (Inrae, CNRS…). « L’objectif est de mobiliser les instituts techniques et scientifiques pour redonner aux châtaigneraies les moyens de produire durablement, en qualité et en quantité », précise Fabrice Brun.
Un plan pour développer la production face à un marché déficitaire
Le second axe du plan vise à renforcer la production française de châtaignes. « La France est déficitaire et doit importer une grande quantité de châtaignes. En 1870, on produisait environ 500 000 tonnes, aujourd’hui, ce chiffre est tombé à environ 8 000 t », révèle un producteur lozérien. Mickaël Giraud ajoute : « En Ardèche, nous produisons entre 4 500 et 5 000 t / an, mais il nous faut retrouver une place à l’échelle nationale. Nous avons besoin d’atteindre 25 000 t grâce à la plantation et la réhabilitation des vergers existants et au travail sur des variétés traditionnelles que nous permet ce plan », prévoit Michel Grange. Cela inclut des aides adaptées pour les investissements, la création de réseaux d’irrigation et de stockage d’eau. Le plan prévoit également un soutien aux zones défavorisées (revalorisation de l’ICHN1 végétale) et la promotion de la consommation via des labels de qualité comme l’AOP, l’agriculture biologique, le label rouge, ou l’IGP, ainsi que la mise en avant des atouts nutritionnels de la châtaigne. Le troisième axe du plan se concentre sur la structuration de la filière, tant en France qu’à l’étranger, avec pour ambition la création d’une interprofession. « La châtaigne est parfois méconnue. Nous devons travailler en collaboration avec l’ensemble des acteurs de la filière et sensibiliser aux problématiques de conservation, car la châtaigne est un produit frais, et non un fruit sec », souligne Éric Bertoncello. Quant au quatrième axe, il vise à renforcer l’ingénierie du syndicat national des producteurs de châtaignes et de ses partenaires, afin de coordonner et de mettre en œuvre efficacement ces initiatives.
M.M.
1. Indemnité compensatoire de handicaps naturels.
Des journées européennes de la châtaigne pour créer du lien
En septembre, une délégation française de représentants de la filière châtaigne, comprenant plusieurs producteurs ardéchois tels que Michel Grange, François Soubeyrand, ainsi que les chargés de mission du comité Interprofessionnel de la Châtaigne d’Ardèche (SICA) et du syndicat national des producteurs de châtaigne (SNPC), respectivement, Sébastien Debellut et Éric Bertoncello, ont participé aux Journées européennes de la châtaigne qui sont organisées depuis 2010.
Cet événement a réuni environ 200 participants, incluant également des producteurs d’Italie, d’Espagne, de Crète, du Portugal, d’Autriche, de Grèce, ainsi que d’Albanie et du Kosovo. L’objectif était de participer à des conférences sur les enjeux de la filière et de rencontrer les différents opérateurs, notamment les producteurs et les metteurs en marché, afin de renforcer les réseaux au niveau européen, y compris dans le domaine de la recherche. « Du vendredi au dimanche, nous alternons entre échanges et conférences, où des chercheurs abordent des thématiques scientifiques spécifiques, comme les problèmes sanitaires (pourriture, impact du changement climatique, etc.). Nous tirons profit des expériences des uns et des autres. Par exemple, en Crète, certaines variétés de châtaigniers sont les plus méridionales d’Europe et sont donc exposées à des températures élevées. Il pourrait être intéressant pour nous d’en planter ici et d’envisager des projets collectifs », souligne Éric Bertoncello. Seul bémol de ces journées, l’absence de traduction rend parfois la compréhension de problématiques techniques difficiles.
Un temps a également été dédié à la visite d’opérateurs et de vergers. En Grèce, certaines châtaigneraies offrent une vue spectaculaire, entre mer et collines. Pour les prochaines journées d''Eurocastanea, l’Ardèche est en bonne voie pour les accueillir, étant le premier département producteur de châtaignes en France.
Deux conservatoires en Ardèche
En Ardèche, la station de Vernoux-en-Vivarais a déjà commencé les expérimentations. « L’idée est d’étudier le comportement de châtaigniers provenant d’autres pays, chez nous, face au climat », précise Éric Bertoncello. La station comporte également un verger conservatoire dont l’objectif est de récupérer 65 variétés de châtaigniers recensés en Ardèche. « Certaines ont été abandonnées, mais peut-être qu’avec le changement climatique, certaines redeviendront intéressantes », présume le chargé de mission du SNPC. Un second conservatoire au sein de la maison du Parc, à Jaujac est en projet. Ces sites seront également destinés à accueillir du public pour des visites pédagogiques.