Vendredi 30 août s’est tenu à Saint-Victor (Nord Ardèche) une réunion d’information au sujet de l’épizootie de fièvre catarrhale ovine de sérotype (FCO-8), qui frappe durement les élevages ardéchois.
Ils sont venus pour chercher des réponses à leurs questions. Environ quatre-vingt-dix éleveurs ont fait le déplacement à Saint-Victor pour assister à la réunion organisée par le Groupement de défense sanitaire (GDS), accompagné par les services de la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP).
Une situation qui évolue « d’heure en heure »
Pour rappel, au 26 juin 2023, un premier cas de FCO-8 est détecté en Ardèche. Après une suspicion clinique, des foyers émergent tout au long de l’année, mais sans mortalité. Puis le 9 août, c’est l’explosion de cas en Isère. Une semaine et demie plus tard, c’est au tour des élevages ardéchois d’être durement touchés. Cette fois-ci, les taux de mortalité varient, allant parfois « d’une brebis à 20, 30, 40 % de taux de mortalité sur l’élevage », note Margot Brie, directrice du GDS Ardèche. Au 28 août, 152 cas sont suspectés.
À ce jour, l’Ardèche est coupée en deux zones : avec d’un côté, arrivant par le sud, la MHE, où « 175 communes sont désormais en zone régulée, tandis que 91 communes ardéchoises sont désormais concernées par la zone de régulation des déplacements FCO-3 », détaille Thomas Colléaux de la DDETSPP.
Bien que la maladie s’attaque à tous les ruminants, les ovins sont les plus touchés. La situation évoluant d’heure en heure, difficile de tenir les comptes. À ce stade, aucun cas de FCO-3 ni de MHE n’a été détecté dans le département.
À peine la réunion débute que les premiers éleveurs font entendre leur détresse : « On veut des solutions pour soigner nos bêtes, la réunion arrive bien tard ! », s’époumone un éleveur dans la salle. Des voix s’élèvent, exprimant un sentiment d’impuissance face à la situation et aux répercussions économiques et morales de cette crise. Benoit Claret, président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche, en profite pour rappeler à l’assemblée de « signaler les situations de détresse, qu’elles soient personnelles ou observées, à la MSA, à la chambre d’agriculture ou au GDS ».
La tension est palpable face à l’arrivée de ce nouveau variant. Margot Brie, rappelle que « des mails ont été envoyés dès septembre 2023 pour alerter sur la présence du FCO-8, assortis de plusieurs réunions de secteurs abordant la question. Nous avons communiqué ».
La FCO-8 circule depuis 2007, mais jamais un variant n’a été aussi virulent. « En trente ans d’exercice, c’est la première fois qu’il y a une épidémie de cette ampleur », confie Véronique Soulageon, vétérinaire conseil au GDS et représentante du Groupement technique vétérinaire (GTV) Ardèche. « Les cas explosent simultanément de partout. » D’après la vétérinaire, le climat remplit un rôle prépondérant dans cette épizootie : « Avec le changement climatique, un printemps humide, les moucherons, tels que les Culicoïdes, se sont d’autant plus développés ». « Un variant plus résistant a muté, d’où l’explosion des cas. C’est une maladie vectorielle, elle va donc très vite », observe de son côté Margot Brie.
Un seul mot d’ordre : « vacciner »
« Les pertes sont lourdes, sans oublier l’écrasante charge de travail que la surveillance et le soin d‘animaux malades impliquent. Il va y avoir du retard à la production : pour un éleveur qui a perdu 10 brebis, cela représente 20 agneaux de moins », alerte le docteur Soulageon.
Malgré quelques remarques concernant d’éventuels risques d’avortement ou de stérilité liés à la vaccination, ces questionnements ont rapidement été balayés par l’assemblée. Face à l’urgence de la situation : il faut vacciner et vite. D’autant plus que le pic n’est pas encore atteint, et le sera d’ici « un mois et demi ».
Pour éviter une hécatombe, bien qu’aucun traitement antiviral n’existe, il est recommandé de désinsectiser les animaux pour réduire la pression de la maladie, et de vacciner sans délai. L’immunité se développe 8 à 10 jours après l’injection. L’objectif est de vacciner un maximum de cheptels afin d’atteindre une immunité collective.
Soigner les surinfections
Actuellement, les déplacements, les trois prélèvements sanguins par exploitation et l’analyse en laboratoire en cas de suspicion de la maladie, sont pris en charge par l’État. Les soins tels que la vaccination pour la FCO-8 et les traitements restent à la charge de l’éleveur.
L’incubation de la maladie varie entre 8 à 15 jours. Pour les animaux déjà touchés, Véronique Soulageon recommande des soins simples pour éviter les surinfections et maximiser leurs chances de guérison. « Il ne faut pas administrer de traitement sans l’avis du vétérinaire », rappelle-t-elle. « En cas de suspicion, il est essentiel d’isoler les bêtes. La maladie entraînant souvent des complications pulmonaires, des antibiotiques peuvent être utilisés pour prévenir ces complications, bien qu’ils n’agissent pas directement sur le virus. En cas de forte fièvre, il est crucial de faire en sorte que la brebis continue à s’alimenter et à boire, afin qu’elle puisse produire des anticorps pour combattre le virus. »
Concernant la gestion des animaux morts, la question de l’équarrissage a également été abordée en assemblée par Thomas Colléaux, informant que des moyens supplémentaires avec l’ajout de chauffeurs pour les tournées ont été mis en place pour traiter les demandes en attente. Les cadavres doivent être stockés dans une benne et le service doit être contacté la veille pour l'enlèvement.
Prise en charge de la vaccination volontaire pour la FCO-3
Au cœur de la réunion, une information tombe : la zone de vaccination volontaire prise en charge par l’État pour la FCO-3 s’étend et inclut désormais toute la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). Les éleveurs bovins et ovins pourront donc obtenir des doses de vaccin gratuitement dès la première quinzaine de septembre. Afin d’anticiper l’arrivée de ce variant dans les élevages, les services vétérinaires et le GDS recommandent également la vaccination contre le sérotype 3.
Jérôme Rousset, jeune éleveur ovin installé depuis un an sur la commune de Vaudevant, est déjà sur liste d’attente pour le vaccin contre le sérotype 3. Sur son élevage, il ne peut que constater les dégâts : « J’ai vacciné contre la FCO-8 il y a une dizaine de jours. Sur mes 140 brebis, plus d’une trentaine sont mortes. Beaucoup avaient eu des agneaux en avril, mais il y en a de tout âge et des vides comme des pleines. Elles sont mortes avant que le vaccin ne soit complètement actif. 20 % du travail de sélection effectué depuis 30 ans est parti en fumée », déplore-t-il. « C’est un manque à gagner de 4 000 euros pour le mois d’août. Je garde les agnelles que j’aurais voulu vendre. Pour reconstituer le cheptel, je ferai des sélections en interne et des achats, mais cela risque d’être compliqué, car tout le monde est confronté au même problème. Il faut que nous puissions relancer la filière correctement. »
Quid des conséquences économiques ?
La situation économique est désormais critique pour de nombreux élevages, ce qui pousse la FDSEA, Jeunes Agriculteurs Ardèche et la chambre d’agriculture à solliciter l’intervention des services de l’État. « La question du coût se pose désormais », souligne Benoit Claret devant l’assemblée. « Nous demandons un soutien financier pour compenser les pertes sur l’ensemble du cheptel et une prise en compte des dommages sociaux », ajoute-t-il. La FDSEA et les JA ont également adressé une lettre au ministre, aux parlementaires ainsi qu’à la préfète de l’Ardèche : « Nous avons avant tout sollicité la gratuité et la disponibilité des vaccins », ajoute Christel Cesana, présidente de la FDSEA 07. Pour la gratuité des vaccins contre la FCO-3, la demande semble avoir été entendue.
Les demandes urgentes adressées au gouvernement par la FDSEA et JA 07 incluent également l’obligation de vaccination contre la FCO-8, l’accélération du ramassage des animaux morts et l’inclusion des exploitations touchées par la maladie dans le cadre de force majeure pour les prochaines déclarations Pac. Ces demandes seront suivies dans un pas de temps un peu plus long par une « phase technique de démoustication », précise Benoit Claret.
Le 30 août, dans un communiqué de presse, le ministère de l’Agriculture a annoncé que des discussions seraient menées avec le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) concernant la possibilité de poursuivre les programmes d’indemnisation pour les éleveurs ovins et bovins affectés.
Les éleveurs sont invités à transmettre toutes les informations nécessaires pour recenser les élevages impactés. Deux nouvelles réunions ont été organisées par le GDS mardi 3 septembre sur le site du CFPPA Olivier de Serre à Mirabel et mercredi 4 au Béage, afin de rencontrer les éleveurs sur l’ensemble du territoire.
Marine Martin
« Certaines sont des survivantes » !
Des bêlements étouffés parviennent des bâtiments de l’exploitation de Marielle et Nans Porte, éleveurs d’ovins sur la commune de Nozières. Ils déplorent dans leur cheptel de 660 mères, 65 brebis mortes dont 35 pleines.
Alors qu’elles sont habituées à pâturer toute l’année et à résider dans les bâtiments uniquement au moment de l’agnelage, l’éleveur a dû trier ses lots de brebis et les rentrer en urgence pour limiter les malades et les séparer des saines, en apparence. L’index désignant une brebis salivant, en train de nourrir son petit, Nans Porte est inquiet : « La rouge du fond, je ne suis pas sûr de la retrouver vivante demain ». Pourtant, celle-ci fait partie du lot censé être sain.
Dans l’ombre d’un autre bâtiment, le silence est cette fois-ci assourdissant. Parmi le troupeau contaminé, les survivantes ont maigri. Malgré l’administration d’anti-inflammatoires pour aider à évacuer l’eau des poumons, certaines bêtes meurent tandis que d’autres survivent. « Il y en a une, c’est une miraculée ! », esquisse-t-il avec un sourire.
Tous les jours, il relève ses brebis, leur administre des soins et essaie de les faire boire. « Certaines ne se sont pas nourries depuis 15 jours, ce sont des survivantes ! »
Les premiers symptômes sont apparus le 14 août. « On le remarque vite : elles se mettent à l’écart et présentent des symptômes respiratoires. » D’après lui, ses terrains avec razes, offrant des coins humides, ont peut-être favorisé la prolifération des moucherons, vecteurs de la maladie, qui opèrent jusqu’à 1 600 mètres d’altitude.
À l’instar de Jérôme Rousset, il a vacciné ses brebis en urgence contre le sérotype 8, il y a une dizaine de jours. « J’ai l’impression que les cas diminuent », souffle-t-il.
Marielle et Nans Porte, résilients, devront encore « se serrer la ceinture » cette année. Mais combien d’éleveurs seront-ils, à ne pas pouvoir se relever de cette crise ? Depuis le début de la mortalité de ses brebis, Marielle et Nans Porte accusent une perte sèche de près de 22 000 euros. « Il faudra environ deux ans pour retrouver le même niveau de cheptel », analyse l'éleveur. « Nous devions nous verser un petit salaire cette année, mais nous ne pourrons pas. » Il espère néanmoins pouvoir compter sur des aides pour le renouvellement de son cheptel.
M.M.
Quels vaccins sont disponibles ?
La situation « évolue d’heure en heure », pour les trois vaccins existants pour la FCO -8 :
- BTV Pur pour ovins et bovins, (sérotypes 4 et 8,deux injections) : disponible, mais les centrales de distributions accusent un retard du fait de la forte demande.
- Syvazul, pour les ovins (sérotypes 4 et 8, une injection) : rupture.
- Bluevac, pour les ovins et bovins (sérotype 8, deux injections) : rupture.
La reprise de la production des vaccins est prévue entre octobre et novembre, mais en raison de l’ampleur de la crise, elle pourrait être avancée.
Dans une plus large mesure, notamment concernant les vaccins qui vont bientôt arriver contre le sérotype 3, les vétérinaires recommandent aux éleveurs de commander leurs doses, « le plus rapidement possible ».
Leur coût est en moyenne de 6 euros.
MSA : Accompagnement psychologique et social
La MSA présente à vos côtés
La MSA propose un soutien et un accompagnement social personnalisé.
Le service action sanitaire et sociale propose de vous rencontrer à votre domicile ou à distance afin de vous apporter toute l’aide dont vous avez besoin.
Le service Santé Sécurité au Travail peut vous accompagner dans la réflexion sur la sécurité des conditions de travail sur l’exploitation.
Le service aux entreprises peut vous accompagner en cas d’impact économique sur votre exploitation à travers la prise en charge de cotisations.
Votre troupeau a été victime de la FCO ?
Vous pouvez contacter la MSA pour être mis en relation avec un travailleur social.
Un diagnostic social évaluant l’ensemble de vos besoins sera réalisé afin de vous aider à surmonter cette situation difficile.
Surtout ne restez pas seul, des solutions existent
- Aide au remplacement sur votre exploitation
- Soutien psychologique
- D'autres dispositifs encore.
Service action sanitaire et sociale : 04 75 75 68 95 ; [email protected]
Service santé sécurité au travail : 04 75 75 68 67 ; [email protected]
Service aux entreprises : 04 75 75 68 10.
Agri’écoute : service d’écoute 24h/24h gratuit au 09 69 39 29 19.