QUESTIONS À
« La forêt devient un sujet de plus en plus d’actualité »
Les forestiers privés de l’Ardèche (Fransylva 07) tiendront leur assemblée générale, vendredi 20 septembre à Privas. Entretien avec leur président Marc-Henri Bouchet, propriétaire forestier à Marcols-les-Eaux et élu à la tête du syndicat en novembre 2023.
Quelle dynamique porte l'actualité du syndicat Fransylva 07 ?
Marc-Henri Bouchet : « Le nombre d’adhérents au syndicat progresse régulièrement mais lentement. Il est d’un peu plus de 1 400 adhérents aujourd’hui, ce qui représente 32 000 hectares de propriétés forestières privées. Nous sommes le premier département de la région Auvergne-Rhône-Alpes en nombre d’adhérents, alors que d’autres importants départements forestiers y sont présents comme l’Isère, la Savoie, la Haute-Savoie… La forêt ardéchoise représente 57 % du territoire, elle présente une très forte progression régulière, elle était de 20 % au début du XXe siècle. Elle est hélas toujours très morcelée, encourager le regroupement des petits propriétaires est d’ailleurs l’un de nos chevaux de bataille. Le Département de l’Ardèche a apporté un soutien en ce sens, en aidant les propriétaires qui souhaitent faire grossir leur forêt avec des aides à l’achat de terrains attenant à leur propriété. »
Au-delà des problématiques de morcellement, comment orientez-vous les adhérents face au changement climatique ?
M.-H. B. : « Le premier sujet que nous allons évoquer en matinée est celui de l’adaptation au changement climatique, comment réagir, échanger sur l’évolution des espèces qui seront plantées dans ce contexte. C’est une réflexion complexe car dans le milieu de la forêt nous raisonnons les plantations à 60 ans, 80 ans voire 100 ans en avance, mais il faut anticiper par rapport au changement climatique. Deux intervenants échangeront sur ce sujet durant l’assemblée : un ingénieur du Centre national de la propriété forestière (CNPF) et un cabinet d’expertise forestière. Nous aborderons aussi les méthodes de sylviculture en lien avec cette adaptation au changement climatique, comme l’implantation monospécifique avec des arbres du même âge tous récoltés au même moment. La sylviculture mélangée à couvert continu (SMCC), où plusieurs espèces et âges d’arbres se côtoient, peut aussi permettre de répondre aux problématiques de changement climatique puisqu’elle maintient un couvert végétal, avec des petits arbres qui poussent à l’abri de plus grands et sont protégés du soleil. »
Dans ce contexte, quelles aides sont apportées à la gestion des forêts privées ?
M.-H. B. : « Les financements dédiés à la forêt pour des plantations, europlantations, éclaircies, etc., seront au centre des échanges tenus durant l’après-midi lors de l’assemblée générale. Il y a bien sûr les financements propres du propriétaire forestier, mais il existe également beaucoup de dispositifs d’aide et des subventions départementales, régionales, européennes pilotées par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, nationales avec le Fond pérenne de l’État qui a été créé en juillet dernier et a pris le relais de France Relance 2030 dédié au renouvellement forestier. Il y a ensuite toutes les aides liées au label Bas Carbone pour les projets de plantation sur des terres non forestières, qui présentent une absorption supplémentaire de carbone sur les trente premières années de vie de la forêt, sur la reconstitution de forêts dégradées, par rapport par exemple à la sécheresse, aux scolytes, etc., puis sur le balivage de taillis pour favoriser les futaies. »
D’autres thématiques seront abordées durant l’assemblée générale ?
M.-H. B. : « Nous évoquerons également la société Néosylva, qui propose des solutions de financements et de gestion aux propriétaires de forêts privées. C’est une nouvelle façon de gérer la forêt, une sorte de bail agricole de longue durée. Le propriétaire forestier met à disposition un terrain de plantation, cette société s’occupe de toute la gestion forestière pendant la durée de vie du projet et récupère la moitié de la récolte. C’est un modèle tout nouveau, très surprenant mais qui prend. Nous allons présenter ce modèle aux adhérents de Fransylva 07. Ce modèle n’est pas tendance chez nos adhérents traditionnels, qui le plus souvent aiment gérer leur propriété forestière en direct et « mettre la main à la pâte ». En revanche, vu qu’il a beaucoup de morcellements en Ardèche, ce modèle a tendance à intéresser la nouvelle génération des petits propriétaires, qui ont moins de 4 ha de forêt, une génération plus éloignée du terrain que les précédentes. Ce modèle peut apparaître comme une dépossession mais il pourrait être une solution dans ce cadre-là, donc nous avons décidé de le présenter durant l’assemblée générale, sans le promouvoir plus que d’autres. »
Vous avez pris la présidence du syndicat en novembre 2023. Quel bilan tirez-vous de cette première année de présidence ?
M.-H. B. : « C’est une activité passionnante, très prenante. La forêt devient un sujet de plus en plus d’actualité, avec des intérêts divers de la part de la population, y compris celle des villes maintenant. Au-delà de la défense des intérêts des adhérents, notre premier objectif au niveau national est la communication. Nous faisons entendre la voix de ceux qui gèrent la forêt, qui essayent aussi de la protéger, répondre à l’image de forestiers qui plantent, coupent et s’en vont, de coupes rases, que nous pouvons avoir parfois… La forêt est un bien important pour le propriétaire, qui la protège, mais ce n’est qu’un revenu secondaire pour la plupart d’entre eux. Nous pouvons être très critiqués dans la population, comme les agriculteurs peuvent l’être parfois. Le passage entre la plantation monospécifique et la SMCC est une conversion pour nous, un peu comme celle de l’agriculture conventionnelle et l’agriculture biologique, mais nous avons des échelles de temps bien plus longues en bois pour passer de l’une à l’autre. C’est une conversion très lente. Puis il y a une acceptabilité sociale à prouver. On passe beaucoup de temps à des réunions centrées sur l’équilibre sylvo-cynégétique, mais aussi pour communiquer notamment avec les écoles, collèges et lycées, y proposer des animations. Dans ce sens, nous sommes engagés aussi dans une démarche d’utilité sociétale de la forêt, qui a pour objectif de répondre aux besoins des humains, lutter contre le changement climatique, protéger et régénérer le vivant. »