RENCONTRE FEUTRÉE
Sylvie Girardot, feutrière herboriste au cœur des Baugesen
Cet été, nous sommes partis à la rencontre de Sylvie Girardot, feutrière herboriste installée depuis 2019 au Châtelard (Savoie), en plein cœur du massif des Bauges. Rencontre.
C’est dans le paisible village du Châtelard, à la terrasse du café-restaurant La Ruche, profitant d’une belle journée estivale, que nous rencontrons Sylvie Girardot. Elle va nous raconter son parcours atypique, son aventure entrepreneuriale captivante des Alpilles aux Bauges, ses réussites mais aussi ses déconvenues. Originaire de la région parisienne, elle a vécu pendant plus de seize ans dans le Sud de la France, du côté des Alpilles, avant de s’installer dans « son coin de montagne », ici au coeur des Bauges, en 2019. Ancienne hôtesse de l’air, elle est aujourd’hui feutrière herboriste, à son compte depuis 2014.
De Paris au Châtelard, des airs à Art’Terre
Sylvie est née et a grandi à Paris mais elle a fait le choix de quitter la capitale au début des années 2000 pour s’installer dans le Sud de la France, à Noves, dans le massif des Alpilles. Elle exerce pendant plus de 13 ans le métier d’hôtesse de l’air au sein de la compagnie aérienne Corsair qui, en 2012, a décidé un plan de restructuration. Sylvie fait alors l’objet d’un licenciement et en profite pour amorcer une reconversion. Elle s’oriente d’abord vers la naturopathie et se forme pendant un an au sein du centre Euronature à Aix-en-Provence, en 2013. Elle crée dans la foulée, en 2014, son autoentreprise tout en optant pour une formation complémentaire en herboristerie, qu’elle mène pendant trois ans au sein du centre Imderplam situé en région montpelliéraine. Elle se passionne pour la teinture végétale et se tourne naturellement vers la laine, une matière qu’elle affectionne depuis son enfance et avec laquelle elle aime particulièrement travailler. Elle carde, file, tricote et tisse avant de se lancer dans le feutrage. Afin de se perfectionner dans cette technique, elle suit de nouvelles formations, au sein de Lainamac, dans la Creuse, et de Feutre France Formation, en Occitanie.
Jusqu’au mois de juin de cette année, elle travaillait dans un atelier partagé dédié à l’artisanat « La Fibre Insolite ». Il est situé à École, un village voisin, le long du sentier de découverte du vallon de Bellevaux, prisé des promeneurs de tous âges. Doté d’un espace d’exposition et de vente, ce local communal offrait une vitrine intéressante à ses créateurs. Ces derniers ont malheureusement dû se résigner à mettre la clef sous la porte, faute de pouvoir assumer les charges de location devenues trop lourdes.
Sylvie est donc aujourd’hui à la recherche d’un nouvel espace de travail et n’expose plus maintenant, de manière permanente, qu’au sein de la boutique Art’Terre, au Châtelard. Une boutique dédiée aux producteurs et artisans locaux, gérée par une association collégiale composée de douze membres permanents, dont Sylvie fait partie depuis 2019 (voir encadré).
Le feutrage, une solution de valorisation de la laine
Le feutrage, c’est simple à comprendre : « c’est comme mettre un pull en laine à la machine à laver. Sous l’effet de l’eau chaude savonneuse et des mouvements du tambour, il feutre. Résultat, lorsqu’on le sort de la machine, il a changé de forme, de taille, de texture, et ce de manière irréversible », nous explique la créatrice. Ce qu’il se passe concrètement, c’est que l’application d’eau chaude sur la laine, le plus souvent savonneuse, permet l’ouverture des écailles des fibres qui vont ainsi s’imbriquer les unes dans les autres sous l’effet du frottement, du malaxage et du battage. La matière va ainsi se rétracter, devenir plus compacte mais également modulable, tant qu’elle est mouillée, avant de se solidifier en séchant. La mise en volume de la laine grâce au feutrage permet à Sylvie de libérer pleinement sa créativité et de façonner tous types d’objets : sacs, chapeaux, vêtements, bijoux et objets de décoration divers (luminaires, tapis, pouf…). Des créations qu’elle expose donc au sein de Art’Terre et sur les marchés artisanaux des deux Savoie auxquels elle participe principalement l’été et pendant la période des fêtes de fin d’année.
Sylvie affectionne particulièrement la laine de la race savoyarde thônes et marthod, « une laine rustique qui a beaucoup de poils, ce qui la rend idéale pour le feutrage », précise-t-elle. Elle se fournit auprès d’éleveurs locaux se réjouissant d’offrir ainsi une solution de valorisation à cette matière, autrefois prisée, devenue sous-produit en l’espace de quelques décennies avec l’apparition des fibres synthétiques. Elle travaille également avec des laines d’autres races (la brigasque ou encore la mérinos) qu’elle chine au fil de ses escapades, au gré de ses rencontres. Elle se fournit parfois aussi au-delà des frontières françaises, en Italie notamment. Un pays qui a davantage préservé ses traditions lainières, en plus de compter de nombreux spécialistes de la teinture végétale.
Tout en dévoilant quelques-unes de ses créations, la feutrière expose également les nombreux atouts de la laine feutrée : une matière isolante, antibactérienne, biodégradable, résistante, respirante… Résistante au feu, elle est difficilement inflammable, le cas échéant brûle très lentement avec peu de dégagement de fumée et s’éteint aisément. Enfin, elle possède aussi des propriétés antistatiques qui font fuir la poussière.
Sylvie ne vit pas encore de la vente de ses créations. Elle propose donc toute l’année des ateliers qu’elle adapte à tous types de public. Ces sessions, en plus d’arrondir ses fins de mois, lui permettent de transmettre son savoir-faire et de partager sa passion du feutrage et de la teinture végétale, dont elle a fait son métier.
A.E.
Art’Terre au coeur des Bauges
Née en 2019 dans la continuité d’une initiative collective, Artishow, portée par Nathalie Nave plusieurs années auparavant dans le vieux bourg du Châtelard, la boutique Art’Terre est installée dans un local mis à disposition par la mairie, place René Cassin, entre la Maison du parc des Bauges et la salle des fêtes du village.
Lieu d’exposition et de vente, Art’Terre donne la part belle aux créateurs, artisans et producteurs locaux. Gérée par une association collégiale qui compte douze membres permanents qui tiennent à tour de rôle le lieu ouvert au public, la boutique expose tout au long de l’année les créations de ses membres permanents ainsi que d’une dizaine d’artisans et producteurs invités, tous installés dans les Bauges.