PÂTURAGE
« Pâturez, vous êtes filmées » : une étude pour y voir plus clair
Gérer un circuit de pâture requiert une bonne gestion technique de la part de l'éleveur. Pour l'aider à faire les bons choix, Haute-Loire Conseil élevage a analysé les pratiques comportementales des animaux en pâturage et dévoilé leurs résultats.
Pas facile de maîtriser tous les paramètres du pâturage et de maintenir les performances laitières du troupeau, en particulier lorsque la période de pousse de l'herbe est derrière nous. Pour aider les élevages laitiers à y voir plus clair et surtout à adopter la bonne stratégie sur le plan technique, au début de l'été 2020, Haute Loire Conseil Elevage a dressé un état des lieux des pratiques comportementales des animaux en pâturage ainsi que les niveaux d’ingestion observés en cycle de pâture. Seize élevages se sont prêtés à l’expérimentation conduite par Antoine Roche et Jérôme Gachet : cinq en pâture jour et nuit (groupe 24H herbe), six en demi-ration pâturée avec une ration mélangée en complémentation à l’auge et cinq avec une ration peu coûteuse en valorisant l’herbe pâturée mais en ne sortant les animaux que la journée. Des caméras Time lapse ont été placées en pâture et en bâtiment pour suivre précisément le comportement des animaux tandis qu'un suivi très précis a été effectué sur chacun des troupeaux (note d’état corporel, remplissage de rumen, note de membres, pesées et analyses des quantités distribuées, mesures de hauteurs d’herbe en entrée et en sortie de parcs). Premier constat : « On observe que le niveau de densité alimentaire apporté impacte bien les tendances. En effet, les vaches disposant d’une ration mélangée présentent un état corporel proche de l’objectif et supérieur aux animaux des autres élevages. En revanche la conduite des élevages économes, avec une complémentation plus faible entraîne bien un retrait de l’état général des vaches ». Du point de vue remplissage de rumen, avec une herbe verte à disposition sur l’intégralité de la journée les animaux ont globalement des rumens toujours pleins et donc une activité ruminale stable.
Sous l'œil de la caméra
Au parc, les caméras révèlent un comportement bien différent selon les trois groupes étudiés. « Avec une ration dense et facilement ingérable, le groupe ration mélangée présente le dynamisme le plus faible avec seulement 55 % des animaux pâturant dès la sortie, et une baisse progressive tout au long de la journée. Les rumens de ces animaux étaient d’ailleurs plutôt pleins, pour peu que l’herbe offerte soit de qualité moindre, il y aura alors plus de vaches oisives. Ce n’est pas du tout le cas pour les vaches du groupe économe. Les rumens sont bien moins pleins à la sortie, les animaux ont donc faim et sont très dynamiques. Cela se traduit par un repas principal beaucoup plus long dans le temps et toujours un très fort taux de vaches exploitant l’herbe. Finalement, les vaches de ces groupes ne valorisent pas spécialement le fourrage ingéré sur la journée par un manque de temps de repos. On ne le répétera jamais assez mais pour être efficace, un rumen a besoin d’être alimenté tout au long du cycle journalier de façon homogène. Et c’est justement ce qui se passe sur les vaches pâturant jour et nuit. Une fois le repas principal de trois heures passé, l’activité est alors cyclique avec 40 % d’animaux pâturant. »
Mesure de l'efficacité d'ingestion
« Bien que globalement faible à 17,07kgMS/VL/j, l’ingestion d’herbe verte est logiquement doublée pour les vaches pâturant jour et nuit. Avec une complémentation consommée uniquement sur les périodes restreintes de traite, l’efficacité est globalement cohérente. Fait marquant, le groupe dit économe distribue un niveau quasi identique de concentré que les éleveurs en ration mélangée et ceci pour une ingestion bien plus faible de 2,6 kg de MS/j. La complémentation fourragère étant très limitée le remplissage de panse n’est pas optimal. D’un point de vue général, les vaches étudiées n’ingèrent en totalité que 17kg de MS quotidiennement ; bien en retrait des attentes et c’est ce qui explique notamment les baisses de performance, en quantité mais aussi en qualité, sur cette période. » Les résultats individuels sont également très variables d’une exploitation à l’autre. Il est intéressant de comparer les ingestions par rapport au temps de présence en pâture et en bâtiment pour pouvoir se situer. En effet, avec un comportement plus dynamique mais un niveau d’ingestion plus faible, les vaches du groupe économe sont moins efficaces, elles perdent beaucoup de temps à satisfaire leurs besoins mais en vain. La biomasse disponible dans les pâtures a elle aussi été passée au crible. Verdict : « Avec une herbe globalement moins haute en entrée et une hauteur de sortie respectée, le groupe 24H herbe (pâturage nuit et jour) met un point d’orgue à valoriser de l’herbe au meilleur stade. Dans leur cas, ce sont les trois quarts de la ration des laitières ! À l’inverse, dans les deux autres catégories, certains surexploitent les parcelles avec un pâturage trop sévère, d’autres gaspillent et piétinent mettant à mal la partie animale mais aussi végétale ».
Des marges qui vont du simple au double
L'objectif final étant de dégager de la plus-value, l'étude a intégré le facteur économique* pour aboutir à des marges à la vache, qui vont du simple au double. Les élevages dégageant la meilleure efficacité, ont un point commun : une gestion rigoureuse, anticipée et réactive de la pousse de l’herbe. Adaptation des surfaces et de la complémentation, abreuvement aux petits oignons, hauteurs d’herbe et ingestions maîtrisées sont ici de mise.
À l’inverse, les deux élevages se détachant le moins favorablement sont tous deux issus du groupe économe » avec une production laitière plus modeste, une richesse de lait moindre, une ingestion faible et un surpâturage comme principaux vecteurs de ces résultats.
Véronique Gruber
1. Indépendamment de la laiterie ou de la certification en AB, a été intégré un prix de base standardisé et appliqué un coefficient pour les élevages engagés en agriculture biologique.
À retenir
« Si la recette miracle universelle n’existe pas, il est toutefois possible de dégager du résultat quel que soit sa conduite, du moment que les règles fondamentales de gestion de l’herbe et de physiologie animale sont réunies. Réussir sa mise à l’herbe, offrir un repas de qualité et respectant son sol, savoir ajuster sa complémentation, anticiper et être réactif sont les clés pour une saison de pâturage réussie », souligne Haute-Loire Conseil élevage.