ÉTHOLOGIE
Le cheval Peyo, un soignant pas comme les autres

Rendez-vous atypique avec Peyo, un cheval qui devient doux comme un agneau avec les personnes très affaiblies. Un comportement qui a débouché sur une étude, une association, un film documentaire et bientôt un livre et une BD.

Le cheval Peyo, un soignant pas comme les autres
Peyo parcourt les couloirs des services palliatifs et marque les chambres de certaines personnes, souvent les plus affaiblies. ©Les Sabots du Coeur

Peyo est un cheval unique en son genre. Cet étalon de 18 ans a la capacité d’adopter un comportement spécifique auprès des personnes en fin de vie. Ainsi, l’animal de 500 kg parcourt les couloirs des services de soins palliatifs et « marque » les chambres de certaines personnes ou se rend directement auprès d’elles. Moments suspendus où la souffrance, la douleur et la peur laissent la place à la magie et à une rencontre pour le moins atypique. Et cela donne une indication supplémentaire à l’équipe soignante car les études qui ont entouré le comportement de Peyo ont montré que les personnes ainsi repérées décédaient dans les quelques jours suivants.

Chiens, chats… et Peyo

Son propriétaire Hassen Bouchakour en a été le premier témoin et le premier surpris. « Me retrouver dans les hôpitaux dans ce contexte m’est tombé dessus bien malgré moi », témoigne-t-il. L’homme est formé au monde du spectacle et à la préparation des animaux pour la scène et les tournages. Donc à mille lieues du milieu médical et surtout de la fin de vie.

« Peyo est un cheval agressif, avec des troubles du comportement. Mais il est totalement différent avec les personnes affaiblies. » Conscient et curieux de cela, Hassen Bouchakour s’entoure alors, il y a six ans, de vétérinaires et de chercheurs pour tenter de percer ce mystère. « On connaît les chiens capables de détecter des tumeurs cancéreuses. Il y a aussi le cas d’un chat. Et puis, il y a Peyo, qui lui se montre doux et patient avec les personnes en toute fin de vie. Il semblerait que ce soit le taux vibratoire faible de ces personnes qui incite Peyo à s’approcher d’elles », tente d’expliquer Hassen Bouchakour.

Une autre fin de vie

Fort de ce constat et des demandes se multipliant de la part des établissements, Hassen Bouchakour décide donc de consacrer une partie de son temps à ces rencontres. Désormais, chaque année, Peyo et lui parcourent pendant quelques jours des couloirs de services de soins palliatifs, en France mais aussi dans les pays limitrophes. La venue du cheval près d’elles n’effraie pas les personnes, bien au contraire, il s’agit là de moments de grâce extraordinaires et une rencontre unique. Aux hommes ensuite, équipe soignante, proches, et si besoin Hassen, de prendre le relais et d’aborder différemment ces derniers instants de vie. « En France, nous sommes très en retard sur ces questions, a pu constater Hassen au cours de ces périples. Il faut réorganiser les actions autour de la fin de vie et redonner de la dignité aux patients. » Et, notamment, mettre en place de nouveaux liens entre les soignés et les soignants. Dans un contexte apaisé, plus serein, la nouvelle prise en charge de ces moments permet de réduire considérablement les doses de médicaments. Hassen Bouchakour va encore plus loin. De cette expérience dans ces services si particuliers, il s’est rendu compte qu’il y a aussi nombre de personnes isolées, allant des enfants nés sous X et placés en foyer aux SDF qui ne reçoivent aucune visite. Par le biais de son association Les Sabots du coeur, il prend alors en charge ce dernier accompagnement et leurs obsèques. En parallèle, il travaille sur l’ouverture d’un centre de fin de vie à Calais, où il réside avec ses animaux, proposant une autre approche dans l’offre de soin et l’accompagnement. Originaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il souhaite aussi l’ouverture, à terme, d’un deuxième centre en Isère. « Ainsi, même quand Peyo ne sera plus là, je continuerai dans ces accompagnements. » Une façon d’honorer la mémoire de ce cheval atypique.

Françoise Thomas

Peyo ce héros

Peyo est un cheval unique, son comportement n’a été détecté chez aucun autre équidé. Et même s’il « fait vivre la misère » à Hassen Bouchakour, son propriétaire, celui-ci reconnaît qu’il s’agit « du cheval de sa vie ». Un film documentaire sur cet animal atypique est actuellement en tournage dont la sortie est programmée d’ici fin 2024. En parallèle, un livre sur le parcours d’Hassen Bouchakour est en cours d’écriture et celui-ci programme aussi la publication d’une BD pour aborder la question de la fin de vie à destination des enfants.