AVICULTURE
« Il est important de développer toute une gamme d’élevage »
Présidente de l’interprofession Afivol depuis 2022, l’éleveuse de poulets drômoise, Hélène Bombart, est revenue sur les enjeux de la filière lors de la récente assemblée générale réunissant les différents acteurs avicoles.
Comment se porte la filière ?
Hélène Bombart : « La filière a traversé des difficultés ces deux dernières années avec l’explosion des coûts de production : un contexte économique miné par la période post-covid et la guerre en Ukraine ont conduit à l’augmentation des charges, mettant en péril le fonctionnement de la filière. Cela s’est traduit par une revalorisation des prix auprès du consommateur, ce qui a fortement influé sur ses choix de consommation : il y a eu une forte baisse des produits plus haut de gamme très présente sur la région surtout concernant la volaille et œufs bios et labels rouges. Les consommateurs se sont tournés vers des produits moins chers. Il est donc important de développer toute une gamme d’élevage. Nos politiques au niveau régional l’ont bien compris, mais cela reste compliqué de monter des projets. »
Justement, comment la filière a été impactée par la directive IED (directive sur les émissions industrielles), mise en place cette année ?
H.L. : « La directive européenne sur les émissions polluantes concerne toute l’industrie. L’agriculture est inscrite dans la réglementation au même titre que l’industrie. Ce qui représente une difficulté pour nous, car nous sommes de très petites entreprises, donc nous avons plus de mal à investir et répondre aux nouvelles normes. Malgré de multiples négociations et rebondissements au niveau de l’Europe, rien n’y a fait. En conséquence, nous allons avoir plus d’élevage, notamment en poules pondeuses, qui vont intégrer cette directive : ce qui veut dire l’obligation de mettre en œuvre les meilleures techniques disponibles définies au niveau européen et applicables dans le droit français. Cela nécessite d’investir à nouveau et de monter des dossiers administratifs, dont la charge reste encore une fois importante. »
Pour structurer la filière, et pour mieux négocier les prix sur le volet commercialisation, un travail est en cours concernant les indicateurs de coûts pour l’éleveur ?
H.L. : « C’est un travail qui nous manquait et qui n’existait pas. Dans l’observatoire de prix et des marges qui existe au niveau national, on parle effectivement de la répartition des prix et des marges au sein de la filière, mais on englobe tout : le maillon production, abattage, commercialisation. Il n’existe pas de distinction pour le revenu des éleveurs. Depuis quelques années, on a engagé un travail, pour connaître les charges en élevage au niveau de la ferme pour l’éleveur et pour connaître la rémunération qui lui reste une fois qu’il a payé toutes ces charges. C’est un élément de négociation primordial. L’éleveur doit pouvoir se rémunérer en connaissant ses coûts de production et charges. Pour cela, nous devons continuer à collecter des données auprès d’éleveurs et poursuivre ce réseau qui existe au niveau régional avant qu’il ne soit repris au niveau national. Si tout va bien, il sera opérationnel en 2026. »
En quoi la région Auvergne-Rhône-Alpes peut-elle faire figure d’exception ?
H.L. : « Nous avons la chance d’avoir les deux seuls AOC qui existent au niveau de la volaille, au niveau national : le poulet de Bresse et le poulet du Bourbonnais, et une multitude de labels rouge. Mais le consommateur mange de tout, nous avons besoin de tout le monde dans la filière et ça, nos politiques en sont conscients et nous accompagnent sur tous les modes d’élevages, et c’est en ça que l’on fait un peu figure d’exception. »
Pouvez-vous expliquer la problématique conjoncturelle régionale qui existe entre le plan Filière et le plan Feader ?
H.L. : « Pour nous accompagner, la Région a mis en œuvre le nouveau plan bâtiment 2023-2027 avec des crédits européens et de la Région et des règles qui émanent de l’État et de l’Europe. À côté de ce plan bâtiment, il existe un plan filière depuis 2023 qui nous permet avec des crédits régionaux, de financer le travail sur les charges, l’animation du plan, la communication et une partie sert pour l’investissement. Nous avons des mesures que l’on peut financer en investissement et qui sont complémentaires du plan bâtiment, mais la complémentarité des aides du plan filière et du plan bâtiment est remise en cause par l’état, à partir d’une note de la Commission européenne, sujet à interprétation. La région s’est donc tournée vers l’État pour avoir des éclaircissements : nous sommes actuellement en attente d’une réponse, car c’est important pour la filière afin de financer le maximum de projets. Évidemment, l’objectif est d’en faire passer le maximum sur le plan bâtiment. Mais il y a toujours une partie des projets qui ne passent pas, ne serait-ce que parce que sur le plan bâtiment, l’enveloppe est figée. Le risque serait que ces dossiers ne soient plus financés dans le cadre du plan filière, mais nous gardons espoir. »
Quels travaux sont en œuvre pour améliorer le futur de la filière avicole ?
H.L. : « À court terme, espérons que la problématique du plan filière soit ponctuelle et résolue. Il existe un tas de sujets sur lesquels il faut travailler : la compétitivité tout au long de la filière et la rémunération pour l’éleveur sont une priorité. Il faut inciter à la négociation, au dialogue, à la médiation entre différents maillons, pour que tout le monde s’y retrouve. Il faut aussi tout simplement continuer à pouvoir produire et reparler du métier dans l’enseignement agricole, c’est pourquoi nous nous sommes adjoint un service communication, pour être davantage visible et percutant. Au sujet de la restauration collective, il y a aussi des sujets à avancer. On a pris contact avec des opérateurs de la région, on sait qu’il y a un besoin et un travail à faire, ils sont demandeurs et on souhaite leur faire dire que dans la région il y a tel et tel produit et les orienter sur le fonctionnement au niveau national, sur les marchés publics, etc. Il y a des contraintes administratives, mais il existe des exemples qui nous permettent d’espérer. Car c’est aussi une volonté politique des Départements qui vont allouer un plus gros budget aux cantines. Par exemple, si un repas est un peu plus aidé, le sourcing est différent, ou encore à travers une façon de rédiger un appel d’offres pour qu’un poulet importé n’arrive pas à y rentrer. »