SANITAIRE
Ostéopathie animale : comment s’inscrit-elle dans le monde agricole ?

Installée à Viviers, Sandra Caranta exerce l’ostéopathie animale en Ardèche et en Drôme. Une pratique encore peu connue sur ces territoires. Entretien.

Ostéopathie animale : comment s’inscrit-elle dans le monde agricole ?
Intervention sur une vache laitière, au niveau de la queue afin de mobiliser les lombaires. ©SC

Comment décriez-vous l’ostéopathie animale ?

Sandra Caranta : « C’est une technique globale, manuelle et naturelle car nous n’utilisons pas de traitements médicamenteux : antibiotiques, antis inflammatoires, etc. Nous nous intéressons à l’animal dans sa globalité, c’est-à-dire sur tout le corps, sur son environnement, son alimentation, afin de stimuler le système d’autoguérissons du corps. On peut intervenir pour plusieurs motifs : des troubles locomoteurs, digestifs, de la reproduction ou des suivis de croissance pour de vieux animaux. Le mot-clé est l’adaptation. Nous avons plusieurs techniques pour s’adapter au mieux à l’animal, en fonction de son âge, sa pathologie, ses besoins, de sa sensibilité, car nous ne pouvons pas utiliser toutes les techniques sur tous les animaux. Il est important de recueillir un maximum d’informations pour pouvoir adapter au mieux la séance. Concernant de vieux animaux par exemple, il peut y avoir des risques d’arthrose, donc on évite d’intervenir sur la structure osseuse. Pour ceux qui auraient des problèmes cardiaques aussi, on évite d’intervenir au niveau des cervicales ou du thorax. En cas de nerveux ou vasculaires également, cela pourrait accentuer un problème déjà présent ou en créer d’autres.

À la base, l’ostéopathie est centrée sur le confort mais elle peut être utile aux animaux sur d’autres plans : booster leur productivité, améliorer la reproduction… Autre avantage, en l’absence de traitements médicamenteux, ils ne développent pas de résistance aux traitements. »

Comment vous adaptez-vous aux attentes des éleveurs ? À quels besoins pouvez-vous répondre pour les animaux de rente ?

S.C. : « Sur un cheval qui sort en compétition à la fin de la semaine, on peut adapter nos techniques pour faire en sorte que le corps intègre rapidement l’information, mais aussi pour le préparer à cet événement sportif ou l’aider à récupérer par la suite. Bien que nous regardions l’animal dans sa globalité, le motif de consultation prime, afin que l’éleveur puisse voir un résultat en fin de séance. On s’adapte aussi sur les plannings, certains ont besoin d’être vus rapidement, d’autres moins.

Comme pour les animaux domestiques, on peut intervenir sur diverses problématiques chez les bovins, caprins et ovins : des problèmes pour téter chez les veaux et petits ruminants, des problèmes de diarrhées récurrentes, dans la locomotion, des problématiques de déformation s’il y a eu des problèmes au vêlage, aider à récupérer en cas de vêlage compliqué, des troubles de la reproduction pour une femelle, pour stimuler la fertilité, l’accouplement aussi… Vu qu’on se déplace à domicile, on fait en fonction des outils dont dispose l’éleveur et on s’adapte. Les vaches allaitantes sont un peu plus difficiles à manipuler, car elles sont moins habituées que les laitières, mais on trouve des solutions en fonction des structures, parfois, juste au cornadis, cela suffit. En les manipulant, on regarde comment bouge l’animal, essaye de comprendre comment il fonctionne. On peut utiliser des cages de contention, permettant de lever des pans de la cage pour pouvoir avoir accès à l’animal. »

L’ostéopathie est-elle une pratique répandue dans le monde de l’élevage ?

S.C. : « C’est une pratique qui a longtemps été marginalisée. Aujourd’hui, elle est en cours de développement, on recense de plus en plus de professionnels. Les écoles d’ostéopathie animalière sont régies par les vétérinaires et les certifications nationales à effectuer en fin de diplôme sont réalisées devant un jury de l’ordre des vétérinaires. Cela permet de crédibiliser notre formation et notre métier, de lui apporter de la visibilité. Sur le terrain, certains vétérinaires sont assez ouverts maintenant et conseillent de contacter un ostéopathe en cas de boiterie qui ne passe pas malgré les anti-inflammatoires, suivis postopératoires… D’autres restent assez fermés à nos techniques ou ne les connaissent pas, mais petit à petit nous nous faisons une place.

En fonction des régions aussi, c’est une pratique peu connue auprès des éleveurs et propriétaires d’animaux alors qu’elle présente beaucoup d’avantages, notamment en matière de frais de santé. Il y a du travail à faire pour distinguer les pratiques vétérinaires de celles de l’ostéopathie, leur faire découvrir notre approche, nos techniques et ce qu’elles génèrent dans le corps de l’animal. »

À quel moment peut suffire le passage d’un ostéopathe ?

S.C. : « C’est toujours bien de faire un suivi vétérinaire assez régulier, l’ostéopathie vient en complément. Par exemple, il peut être utile de nous contacter pour une vache qui a du mal à se déplacer, mais il vaut mieux faire appel en priorité à un vétérinaire pour une vache qui reste couchée, cela pourrait être dû à des fièvres de lait, des mammites… Sur des petites problématiques de boiteries ou de perte de productivité, avec peu de symptômes à côté, si l’animal mange bien, l’ostéopathie peut soulager. Sur des problèmes digestifs aussi, mais si on ne voit pas d’améliorations, mieux vaut contacter un vétérinaire. Après nous avons des tests d’exclusion et des signes par l’observation de l’animal qui permettent d’évaluer si nous pouvons intervenir ou non : si en testant une articulation, on entend des craquements inhabituels, on conseillera d’appeler un vétérinaire pour faire des radios avant notre intervention.

Sur ce sujet, nous sommes en train de réfléchir avec le Groupement de défense sanitaire (GDS) de l’Ardèche pour proposer des formations de prévention et de découverte de l’ostéopathie animalière aux éleveurs, propriétaires d’équidés ou d’animaux plus généralement. L’objectif est de faire découvrir ce domaine et faire la distinction entre ce que peuvent apporter la pratique ostéopathe et la pratique vétérinaire. »

Propos recueillis par A.L.

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Comme pour les animaux domestiques, les techniques d’ostéopathie animale peuvent être utilisées sur diverses problématiques rencontrées chez les équins, bovins, caprins et ovins. ©SC