La météo très humide de ces derniers mois a été plus que propice au développement de l’herbe mais elle complique grandement la récolte de fourrages. Zoom sur l’avancée des chantiers dans le département.

Un printemps chafouin
Avec des sols gorgés d'eau et le peu de fenêtres météo favorables, les agriculteurs ne cessent d'adapter l'organisation des chantiers de récolte. ©AAA_MM

En montagne, dans le nord, les chantiers sont contrariés en raison des sols gorgés d’eau. Chez David Bourdelin (Gaec de la Vallée), installé en bovin lait au Béage, la pousse d’herbe est tardive par endroits à cause du froid, notamment sur les hauteurs et les parcelles les moins exposées au soleil. « On aurait aimé faucher plus tôt pour avoir des enrubannages de meilleures qualités. Leur stade est atteint aujourd’hui mais on est obligé d’attendre, les parcelles ne portent pas… », déclare-t-il. « Passer l’épiaison, on gagne en quantité mais on perd en valeur énergétique et ce n’est pas ce que l’on recherche en vaches laitières. »

« Gérer l’abondance »

Dans le nord du département, Antoine Ribes (Gaec Ribes), éleveur de vaches laitières en bio à Eclassan, a pu jongler entre ensilages et enrubannages sur les parcelles qui portaient suffisamment, ou fait pâturer. « Il faut gérer l’abondance, ce à quoi nous ne sommes pas habitués, trouver des entrepreneurs disponibles dès qu’ils annoncent quelques jours de beau. La pousse d’herbe a démarré tôt et la pluie complique la récolte, les pâtures aussi. On a récolté quand même de la quantité et de la qualité », indique l’éleveur qui mène deux essais, un semis de prairies annuelles qui démarrent très tôt au printemps afin d’éviter la pousse d’herbe au mois de juillet, et un semis de prairies longue durée, moins précoces au printemps mais un peu plus résistants au sec l’été. Leurs résultats devraient être mitigés cette année. Pour le premier essai, « on est parti en pâture au 29 janvier, mais je pense qu’on aura encore de l’herbe au mois de juillet ». Pour le second, « vu que le printemps est humide et qu’il dure, cet essai-là devrait présenter de bons résultats ». En poussant avec beaucoup d’eau et peu de soleil, l’éleveur craint néanmoins des fourrages carencés en protéines. « Ça va être un souci durant l’hiver, on devra complémenter avec des concentrés azotés. » Autre problématique : les foins laissant présager « une qualité médiocre car on va arriver trop tard ». Ses craintes se tournent aussi vers la production de maïs ensilage, qui n’a pas pu être semé et « poussera beaucoup en période sèche. Il va falloir arroser et récolter tard. Si on a un automne humide comme l’an passé, on aura peut-être des soucis pour récolter ».

Objectif : « ramasser un maximum de fourrage de qualité tant qu’on peut »

Installé à Tournon-sur-Rhône, Grégory Beau (Gaec de la Route panoramique) a choisi, lui aussi, d’entamer les premières coupes d’ensilage très tôt, « autour du 20 avril alors que les terrains portaient à peu près », explique l’éleveur de vaches laitières, qui n’a pas pu réaliser d’autres coupes depuis. La semaine dernière, il a tenté de couper des parcelles destinées au foin, finalement essuyé par quelques averses. Cette semaine, il espère faire une seconde coupe de luzerne, actuellement au stade optimal. Objectif : « ramasser un maximum de fourrage de qualité tant qu’on peut car le concentré coûte cher, d’autant plus que nous sommes en bio, et laisser la place à une coupe suivante ». Il projette de réorienter des parcelles destinées au foin vers de l’ensilage et faire du foin de luzerne plus tard avec les réserves d’eau. « Nous ne sommes pas les plus à plaindre, mais ce n’est pas simple, les parcelles n’ont jamais été aussi trempées qu’aujourd’hui. »

« Notre souci aujourd’hui, c’est d’implanter le maïs »

Sur le secteur de Vernoux-en-Vivarais, Lilian Chastagnaret (Gaec de Lioux) a pu faire ses ensilages également. Avec la Cuma, « nous avons pu organiser nos chantiers », confie-t-il. Les premiers chantiers ayant été réalisés autour du 10 mai, au bon stade. « Trois semaines après, tout était épié, il y aura bien moins de valeur, mais on ne peut pas faire mieux avec des sols gorgés d’eau et le peu de fenêtres météo dont on dispose », ajoute l’éleveur de vaches laitières. « On n’a pas du tout attaqué les foins. » Comme partout, « notre souci aujourd’hui, c’est d’implanter le maïs, on a un mois de retard mais on ne peut pas préparer les terres. On va essayer cette semaine mais ce n’est pas gagné. »

« Le séchoir en grange, c’est un vrai plus »

Dans le sud du département, chez Sylvain Balmelle (Gaec Élevage du Serre), éleveur de chèvres à Ribes, les premières coupes viennent d’être terminées avec un mois de retard. « Nous avons commencé les foins fin avril. La première coupe de luzerne a été coupée assez tôt car elle était attaquée par des chenilles. La deuxième coupe sera faite cette semaine si le temps le permet. » Depuis 2019, il dispose d’un système de séchage de foin en grange. « Pour les foins, il nous a permis de faucher sur des périodes où il n’y a eu que 2 à 3 jours de beau temps. Globalement, on a pu passer le très gros en temps et en heure. La qualité est plutôt bonne, sauf sur les derniers hectares où il était trop tard, le foin était près il y a un mois », indique-t-il. « Le séchoir en grange, c’est un vrai plus. C’est coûteux en investissement, mais en fonctionnement, c’est beaucoup mieux sur ce genre de période, d’autant plus qu’on ne peut pas faire de fourrage fermenté avec l’AOP Picodon. On pourrait faire de l’ensilage mais on n’en a pas le droit non plus avec l’appellation. »

Pour les foins, la qualité est passée

Sur le secteur du Coiron, Damien Chaussignand, éleveur de vaches allaitantes et de brebis à Sceautres, dispose de parcelles sur les contreforts du Coiron, en vallée du Rhône et sur le plateau ardéchois. Il a privilégié l’enrubannage : « On en a fait deux tiers de plus que d’habitude. Jusqu’à présent, il y avait de la qualité donc ça allait mais maintenant il faudrait faire du sec. Au niveau du Coiron, on n’est pas encore arrivé au stade où on perd en qualité mais il faudrait les faire sans tarder ». La quantité d’herbe de qualité pour les troupeaux est elle aussi au rendez-vous jusqu’à maintenant, mais pour les foins, tout ce qui n’est pas fait est passé en qualité, constate-t-il. « Sur le plateau, je suis sur zones séchantes et précoces où on a peu de fourrage habituellement. On a eu presque la météo idéale pour en avoir mais il était trop complexe de les faire donc on a fait des enrubannages gorgés d’eau avec un taux de matière sèche bas, ce n’est pas l’idéal mais bon… Les pâturages ne sont pas beaucoup avancés, il n’y aura peut-être pas de gros volumes comme l’année dernière. » Sur ses parcelles de céréales (orge et triticale) situées en vallée du Rhône, il est tôt pour se prononcer mais « la maladie est bien présente, on va avoir de l’échaudage. Je pense qu’on risque de perdre pas mal en grosseur de grains, qu’il y aura de gros volumes de paille mais peut-être pas trop de grains ».

A.L.

Pluviométrie

Pluviométrie

Les tendances de pluviométrie, plus ou moins intenses, sont similaires sur l'ensemble du département. D’après les données pluviométriques de la station de Berzème, il est tombé en 5 mois (de janvier au 31 mai) entre deux tiers et 80 % de la pluviométrie moyenne annuelle.