PAC
« Un partage d’enveloppe qui impacte les montants des aides bovines et les écorégimes »
La réforme de la Pac était au centre d’un temps d’échanges, organisé vendredi 9 février à Coucouron, par la FDSEA et Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche en présence d’une trentaine d’agriculteurs, d’élus locaux et du président de la commission économique de la FNSEA, Yannick Fialip.
L’objet de la réunion, organisée vendredi 9 février à Coucouron, était de rappeler la genèse de la dernière réforme de la Pac, depuis les décisions prises au niveau national, sa situation actuelle jusqu’à ses déclinaisons pour les exploitants ardéchois. Pour la ferme Ardèche, la dernière campagne Pac a eu « malheureusement des incidences économiques pour les éleveurs », a souligné Jérôme Volle, président de la commission emploi de la FNSEA. « Nous sommes dans un partage d’enveloppe, qui impacte le montant des aides bovines et des écorégimes. »
Comprendre comment la Pac fonctionne et échanger sur ses impacts a permis d’apporter des réponses aux exploitants et de tirer un premier bilan de la dernière campagne. Les calculs des paiements des aides Pac ne sont pas encore finalisés, mais à l’échelle nationale, entre 93 et 97 % de paiements ont été effectués. Au-delà des retards ou problématiques liés à la mise en place de la nouvelle réforme de la Pac, les non-paiements concernent globalement des déclarants d’estive, des dossiers rencontrant des problèmes de lien avec la MSA et la CNAV (assurance retraite), des problèmes fréquents en cas de modification de statut juridique, des montants encore à verser sur l’écorégime (recalculs des IAE ou taux encore non finalisés) et des contrôles en cours (300 dossiers). Le paiement de l’assurance récolte est prévu en mars, celui des aides couplées végétales fin mars et celui des Maec engagées au titre du RDR 3 (règlement de développement rural) en mars également.
Paiements de base, ICHN, aide au revenu…
À l’échelle départementale, le paiement de l’acompte a été effectué mi-octobre 2023 et le solde courant décembre. Cette campagne se caractérise globalement par « des paiements basés sur une instruction, ajustés à la marge par des retours de contrôles, des délais d’instruction très raccourcis et des ouvertures désordonnées, des taux de paiements plus bas, des paiements dissociés et des aides types sacrifiées dans le calendrier », a souligné Élodie Pigache, animatrice filière animale à la FDSEA de l’Ardèche, lors de la réunion organisée à Coucouron.
On dénombre 2 350 demandeurs de droits à paiement de base (DPB) en Ardèche. Revalorisée en 2023, la valeur moyenne des DPB est en légère hausse, avec un montant unitaire planifié de 127,28€, une valeur de paiement de 121,92€, une aide redistributive de 49,4€, une aide caprine de 15€ et une aide ovine de 21€ (majorée de 2€ pour les élevages de moins de 500 brebis) avec une aide complémentaire de 6€.
Le coefficient de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) a été stabilisé à 95 %, avec un seuil d’éligibilité fixé à 5 unités gros bétail (UGB) minimum. Une aide qui encourage « plus à l’engraissement et un peu moins à la vache », a indiqué Yannick Fialip, évoquant également « le renforcement des filières de protéines végétales en baissant les aides bovines » et « des seuils d’aide UGB un peu moins importants que prévu mais plus d’UGB apportés ». Dans le département, l’ICHN a fait l’objet de près de 1 500 demandes d’aide active, dont 145 classées inéligibles et 78 en attente de retour de contrôle.
Le montant total du forfait final de l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs (ACJA) a été revalorisé à 4 300€ par exploitation éligible avec un acompte versé de 2 170€. Sur la dernière campagne, 242 demandes à expertiser ont été enregistrées, concernant de nouveaux demandeurs ou des Gaec. Le nombre de blocage de dossiers est en légère baisse.
« Un écorégime accessible et inclusif »
Sur l’écorégime, qui mobilise 25 % de l’enveloppe française dévolue aux paiements directs surfaciques et 2 077 demandeurs en Ardèche, leurs montants engendrent « un manque significatif », ont alerté les éleveurs présents à Coucouron. Parmi les trois voies d’accès, le montant de base est de 46,49€/ha, le montant supérieur de 63,72€/ha et le montant spécifique bio de 93,72€/ha, sans oublier le bonus haie de 7€/ha. « On peut toujours critiquer ces montants mais l’important était d’intégrer un maximum d’agriculteurs », a indiqué Jérôme Volle. Les versements du solde des aides de la Pac témoignant du « succès d’un écorégime accessible et inclusif dans lequel les agriculteurs se sont inscrits ».
Face au décalage des demandeurs de l’écorégime et des DPB, « a priori 273 demandeurs d’aides découplées n’ont pas demandé l’écorégime », ajoute Élodie Pigache, « tous ont été contactés au fur et à mesure de leur télédéclaration en 2023 ». Un certain nombre de dossiers ont pu bénéficier d’un droit à l’erreur grâce à l’instruction en urgence de la voie de la certification (483 exploitations en AB et 280 en HVE) ou encore changer de voie avant la date butoir (20 septembre) et ne pas recevoir de pénalités. Sur les autres voies d’accès et d’après les calculs automatiques effectués par le système d’information Isis-telepac, « 124 exploitations auraient pu être éligibles sur une autre voie ». Une situation non rattrapable mais qui fera l’objet d’un courrier personnalisé ou mail en 2024. « Nous avions beaucoup insisté sur les changements de cette nouvelle Pac et le fait de se faire accompagner pour sa déclaration, mais la DDT nous a fait remonter des problèmes sur de nombreux dossiers. L’année prochaine, il faudra être meilleur », a indiqué la présidente de la FDSEA, Christel Cesana.
Agriculteur actif, surfaces pastorales, Maec…
Globalement, la situation des dossiers bloqués a été résolue pour la majorité des dossiers. Concernant la conditionnalité des aides Pac liée au statut d’agriculteur actif, mis en place sur cette nouvelle programmation, on comptabilise 89 refus de paiement en Ardèche, dont 46 liés à un statut de retraité, 37 à celui de cotisant à l’Atexa et 6 concernés par les deux statuts. « La refonte du module exploitant a entraîné le blocage de dossiers avec encore une centaine de dossiers en fin d’année 2023, nécessitant un traitement au cas par cas par la DDT », a ajouté Élodie Pigache, signalant également « une base exploitant particulièrement instable et des recherches difficiles pour débloquer les dossiers concernés ».
Sur les aides aux surfaces pastorales ligneuses (SPL), pour lesquelles il avait été demandé de changer le code BOP (bois pâturé), supprimé en 2023, soit par des surfaces pastorales soit par des prairies permanentes, on dénombre une centaine de blocages de dossiers, aujourd’hui résolu, sans conséquences notables dans le département.
Alors que leur instruction n’a pas commencé, 170 dossiers ont été déposés dans le cadre des mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) et plus de 480 sollicitent des aides bio, dont une centaine de nouveaux demandeurs.
A.L.
Outil cartographique, 3STR et droit à l’erreur
Dans le cadre du nouveau système de suivi des surfaces agricoles en temps réel (3STR), près de 407 contrôles ont été réalisés : 56 demandes de photos géolocalisées ; 143 feux rouges pour absence de culture, culture non conforme ou délimitation de parcelles non conforme principalement. Pour la campagne 2024, les corrections seront toujours possibles, mais devront être toujours justifiées par une demande des services d’instruction. Il est conseillé par la DDT, dans la mesure du possible, d’éviter d’apporter des micro-corrections, qui génèrent des alertes à chaque rectification et retarde l’instruction des dossiers.
Enfin, l’outil cartographique de télédéclaration de la Pac a été évoqué, jugé inadapté. « Il faut stabiliser la cartographie. C’est un vrai sujet, un travail sur lequel on peut agir, chacun dans ses propres départements avec ses préfets », a annoncé Yannick Fialip. Ce système devait résoudre les problèmes de blocage et de décalage des paiements liés aux contrôles satellites, « finalement il faut simplifier encore ce monitoring car on constate qu’il engendre des retards », a ajouté Jérôme Volle. « La détection n’est pas trop mauvaise, mais en substance on a toujours ce sentiment d’être fliqué en permanence », a indiqué un Mickaël Giraud, éleveur ovin à Saint-Joseph-des-Bancs.
Avant l’établissement des notifications de contrôle, près de 154 dossiers ardéchois ont pu bénéficier d’un droit à l’erreur, essentiellement pour effectuer des changements de voie d’écorégime sur leur déclaration avant le 20 septembre. Autres motifs de corrections : registre parcellaire graphique (RPG), ajouts, suppression de parcelles, changements de culture, accident de culture, ajoute de bio, ajouts ou suppression de pièces jointes.
« Prendre conscience des enjeux de l’agriculture française »
Le contexte des récentes mobilisations des agriculteurs et des mesures annoncées par le gouvernement ont animé une partie des échanges tenus à Coucouron.
À l’issue de la réunion centrée sur la Pac 2023, les échanges entre élus syndicaux et agriculteurs se sont orientés vers le sujet des mobilisations et des mesures annoncées par le Premier ministre. La présidente de la FDSEA a tenu à nouveau à remercier l’ensemble des agriculteurs qui se sont mobilisés ces dernières semaines : « Ce collectif qui a fait notre force et qui a donné une issue favorable à cette mobilisation. Elle a permis de ramener sur la table des négociations des problématiques essentielles que nous rencontrons tous les jours. Cela a eu un fort impact sur le gouvernement et a permis de le faire plier ». Les blocages ont été suspendus pour assurer « la crédibilité du mouvement et notre responsabilité auprès des services de l’État », a indiqué le président de la chambre d’agriculture Benoit Claret. « Maintenant il faut travailler pour avoir d’ici le Salon international de l’agriculture des gages des mesures annoncées par le gouvernement », a poursuivi Jérôme Volle. « Nous avons besoin que le gouvernement prenne conscience des enjeux de l’agriculture française. »
Parmi ces mesures et les demandes du monde agricole, ils ont évoqué pour l’ICHN la demande de dérogation systématique pour les nouveaux installés sur les trois premières années, le dégrèvement total de la TFNB pour les jeunes, un ratio national annuel des prairies permanentes/SAU et la mise en place de « prairies de compensation », ainsi qu’une pause dans l’élaboration d’un zonage des zones humides. Ils ont exprimé également tout l’enjeu des négociations européennes et de ses prochaines élections, notamment les échanges internationaux face auxquels « l’élevage n’est pas une variable d’ajustement », a rappelé Jérôme Volle. Autre point important : la suspension du plan Ecophyto, « on va pouvoir compter la dangerosité des produits et non plus les quantités de molécules », a indiqué Yannick Fialip. Sur le respect des lois Egalim, les élus syndicaux réclament « des pénalités à la hauteur des fraudes et un impact sur l’image de la GMS et des industriels ». Sur le dossier du prix et des revenus, ils en appellent à une réflexion collective. Sur le volet fiscal, des solutions ont été annoncées sur le GNR, le dégrèvement fiscal pour les jeunes agriculteurs, le régime de micro-bénéfice agricole, la déduction fiscale sur les stocks de bovins allaitants et laitiers…