ALIMENTATION
La restauration collective attendue sur l’approvisionnement local
Tandis que les produits « de proximité » continuent de séduire une partie des consommateurs, la restauration collective doit jongler entre les attentes sociétales et le respect des réglementations imposées par la loi Egalim. Un jeu d’équilibriste, qui n’est pas toujours évident à trouver et à maintenir.
Un récent sondage effectué par l’institut Kantar affirme que 61 % des Français « consomment des produits en circuits courts au moins une fois par mois ». Pour 43 % d’entre eux, la principale motivation est « la juste rémunération des producteurs ».
Améliorer la rémunération des producteurs et la qualité des produits alimentaires, c’est justement l’objectif que s’est fixé la loi Egalim promulguée en 2018, puis complétée en 2021 par la loi climat et résilience. Parmi ses prérogatives, figure notamment la qualité des repas servis par la restauration collective. Depuis le 1er janvier 2022, ces structures doivent atteindre un taux d’approvisionnement de 50 % de produits « durables et de qualité » (lire encadré), dont 20 % issus de l’agriculture biologique. Mais un problème subsiste. Les produits locaux ou « de proximité » ne répondent pas à la définition d’un produit « durable et de qualité ». Dans ce contexte, comment satisfaire à la fois les obligations législatives et les attentes du consommateur ? Tandis qu’elle représente pratiquement 15 % des dépenses alimentaires en France, la restauration collective a pourtant un rôle majeur à jouer dans l’implication de l’agriculture locale. Elle est parfois même vectrice d’une réelle volonté politique.
Le produit « de proximité » : une définition personnelle
Ludovic Ligneau est responsable de la cuisine centrale de Villeurbanne, dans le Rhône. Sa structure sert plus de 9 000 couverts par jour. Sur les 21 lots de marchés publics qu’il possède, le professionnel assure que 7 sont construits « de façon à cibler un producteur territorialement ancré ». Ses critères sont la proximité à l’échelle de la région, ainsi que la traçabilité du produit. « Il faut aussi que la production s’inscrive dans une logique territoriale », poursuit-il, en prenant l’exemple de la production laitière des monts du Lyonnais voisins. En 2022, 50 % des aliments servis par la cuisine centrale de Villeurbanne étaient issus de produits sous signe de qualité. La part du bio était, quant à elle, de 28 %.
Son objectif est dorénavant de maintenir ces taux en 2023, malgré une inflation galopante. Le responsable a également introduit une clause de rencontre au sein de ses marchés. « Lorsque nous identifions un opérateur du territoire qui nous intéresse, notre distributeur n’a pas l’obligation de contractualiser avec lui, mais de le rencontrer », détaille-t-il. Ce mode opératoire lui a notamment permis d’intégrer des confitures, certains fruits et légumes, ainsi que des blés bio régionaux chez son boulanger.
Un décalage entre les attentes et les réglementations
À Lons-le-Saunier, dans le Jura, le directeur de la cuisine centrale Didier Thévenet est fier de l’annoncer : sa structure a atteint 49 % de produits dits « durables et de qualité ». Depuis 2001, le gérant milite surtout pour limiter les intermédiaires. « Nous pouvons parler directement du produit avec les faiseurs et éviter la spéculation, affirme-t-il. Ce qui m’intéresse, c’est de faire de la résilience alimentaire et d’acheter le produit au prix qu’il vaut. » Selon lui, le principal frein à une alimentation de proximité, se situe au cœur même de la réglementation. « Nous sommes sous le coup des marchés, nous ne pouvons pas parler de régionalisation… Il y a un décalage entre les règles établies par l’État et l’attente des consommateurs et des élus du territoire. Tout le monde veut manger ce qui pousse à côté de chez lui, mais les réglementations ne vont pas dans ce sens-là : avec le libre marché, nous ne devons pas favoriser le local. » Ce qui n’empêche pas le dirigeant d’admettre qu’une cuisine 100 % locale n’est pas envisageable pour sa structure. « Même si nous produisons 200 tonnes de légumes dans notre légumerie, nous ne pouvons pas avoir de la courgette en hiver. »
Au 1er janvier 2024, un nouveau défi attend la restauration collective. Ces établissements devront proposer au moins 60 % de produits « durables et de qualité » pour les viandes et les poissons. Ce taux sera même porté à 100 % pour la restauration d’État. Un changement de taille pour le poisson, qui reste peu produit en Auvergne-Rhône-Alpes, et dont la tarification n’est pas toujours abordable.
Les produits durables et de qualité ciblés par Egalim
Selon un rapport du DGAL, publié en avril 2022, les produits dits « durables et de qualité » concernent plusieurs catégories. Il s’agit notamment des produits issus de l’agriculture biologique et d’autres signes officiels de la qualité et de l’origine (Label rouge, AOP/AOC, IGP, spécialité traditionnelle garantie). Les produits issus d’une exploitation bénéficiant de la haute valeur environnementale « HVE » et fermiers en font également partie. Jusqu’au 31 décembre 2026, la liste inclut aussi les produits issus d’une exploitation bénéficiant de la certification environnementale de niveau 2. Les produits bénéficiant de l’écolabel pêche durable et du logo RUP, les produits issus du commerce équitable, ainsi que les produits acquis principalement sur la base de leurs performances en matière environnementale et d’approvisionnements directs, complètent également cette liste.