ALEAS CLIMATIQUES
Orages et grêle : En Ardèche, l'agriculture subit de lourdes pertes
Les 11 et 12 juillet derniers, trois orages violents ont sévi dans le nord et le sud de l’Ardèche, causant d’importants dégâts aux cultures. Face à ces ravages, la FDSEA et les JA, accompagnés de nombreux élus, ont rencontré les agriculteurs touchés.
Un ciel menaçant et au loin, un épais nuage gris, accéléré par des vents contraires. Et soudain, le tonnerre et la grêle. Pour les témoins présents, l’impression d’avoir été confronté à une « minitornade », une « supercellule », selon les experts météo. Au petit matin de ce vendredi du mois de juillet, dans le sud de l’Ardèche, la grêle s’abat sur les cultures et tombe presque à l’horizontale pendant une vingtaine de minutes, emportée par un vent violent tourbillonnant. Les dégâts sont colossaux pour l’agriculture du sud de l’Ardèche et d’une manière davantage localisée, dans le nord du territoire qui a vécu son pendant climatique la veille. Aucune filière n’a été épargnée : viticulture, arboriculture, céréales, élévage, maraîchage. Pour certains agriculteurs, il ne reste rien : Jean François Laville, vigneron sur la commune de Saint-Pons a perdu entre 80 et 100 % de sa récolte. « Cela a commencé par se dégrader côté Ouest : à 10 km de la vallée du Rhône, vers Villeneuve-de-Berg, Voguë, Balazuc et le secteur d’Alba-la-Romaine, puis cela a traversé Aubignas et continuer sur Rochemaure. C’est arrivé très rapidement », témoigne le vigneron. « Les dégâts sont très nombreux, il n’y a plus une seule feuille, le raisin était en phase de fermeture de grappe », déplore-t-il.
Selon les premières estimations, sur le secteur couvert par l’Union des vignerons Ardéchois, ce ne sont pas moins de 850 hectares qui ont été touchés, soit environ 15 % des surfaces. « Au moins 500 hectares sont touchés au-delà de 50 % », précise Cyril Jaquin, président de l’Union des vignerons Ardéchois.
Même constat sur les parcelles de Rémy Vernet à Saint-Jeure-d’Ay, dans le nord du département : ses champs de pommes de terre sont dévastés. La grêle s’est abattue avec une rare violence dans l’après-midi du jeudi 11 juillet. « La grêle et le vent ont couché et mâché les plantes, provoquant la destruction du feuillage, ce qui a entraîné un arrêt total de la croissance des pommes de terre. Entre 40 et 50 % de la récolte, est touchée sur un total de 2,3 hectares de parcelles. »
Pour Pierre Denis Tourette, pépiniériste sur la commune de Voguë, il ne peut, lui aussi, que constater les dégâts : « 40 à 50 hectares de porte-greffes sont décimés. Le bois abîmé par des impacts de grêlons ne pourra pas être commercialisé. » Le seul avantage pour le pépiniériste, est qu’il a disséminé sa production, à cheval sur deux territoires l’Ardèche et la Drôme.
Dégâts de culture : un préjudice humain et économique
Le plus frustrant pour nombre de vignerons et viticulteurs du territoire, c’est qu’après avoir consacré le printemps à investir énergie, temps et argent pour lutter contre la pression des maladies, et malgré un travail « éreintant », selon leurs propres termes, le fruit de leurs efforts soit effacé aussi drastiquement par un événement de cette ampleur.
Pour Manuel Ferrandi, qui travaille avec son oncle au sein de l’Earl Vigne et fils du côté de Mirabel, sur les 30 hectares de vignes que compte l’exploitation, 24 hectares ont été touchés à « 100 % ». Idem pour les céréales, l’orge et le triticale, présents sur une dizaine d’hectares et qui ne « pourront pas être moissonnés ». C'est toute la filière élevage qui est également touchée. Sur l'exploitation de l'Earl Vigne et fils, la luzerne « est toute maché ». La deuxième et troisième coupe n’auront pas lieu, alors qu'il est primordial de conserver une alimentation locale pour le bétail, notamment lorsque l'éleveur a un cahier des charges stricts, concernant en particulier une AOP. « Nous avions effectué un gros investissement humain et on ne s’en était pas trop mal tiré face à la pression de la maladie sur les vignes et en 20 minutes, tout est réglé », regrette Manuel Ferrandi
« Je suis en fin de carrière, mais cela me touche beaucoup mentalement et j’ai énormément d’inquiétude pour mon gendre qui a repris une partie de l’exploitation en 2023 et 2024 », confie Jean-François Laville, pour qui, cet orage est « définitivement sur le podium », des aléas climatiques vécus dans sa carrière. Jérôme Volle, président de la cave d’Alba-Valvignères, renchérit : « De notre côté, on estime à 120 hectares affectés par les dégâts. Mais la particularité, est qu’il y a beaucoup de jeunes exploitants touchés, certains installés hors cadres familiaux, dont la récolte devait être la première », se désole-t-il.
Des ravages aux conséquences à long terme
Mais si le moral est aujourd’hui touché, l’inquiétude réside dans le futur : « Pour l’an prochain, on ne sait pas trop. Notre gros souci, c’est que cela a impacté le bois. La taille sur du mauvais bois, va se faire ressentir », se préoccupe Manuel Ferrandi
Du côté du pépiniériste, Pierre Denis Tourette constate : « L’an prochain, nous ne pourrons pas utiliser les greffons donc il y a des cépages que l’on ne pourra pas fournir en 2026 car les plants en 2025 ne seront pas en terre. Soit, nous arriverons à trouver du matériel végétal ailleurs (greffons, portes greffons), soit nous reporterons la plantation. »
La principale difficulté à laquelle fait face le pépiniériste est l’étendue des dégâts subis par les vignes mères de greffons gérées par Viti-Sélection. « Il y a une double perte : à la fois de raisins et de greffons », résume Pierre Denis Tourette. Le problème majeur réside dans le fait que ces vignes mères de greffons et porte-greffes ne sont couvertes par aucune compagnie d’assurances, ce qui représente une « perte sèche ». « Nous devons maintenant explorer les possibilités d’indemnisation au niveau des calamités agricoles avec la DDT. »
Assurance récolte : « il faut aller plus loin »
D’ailleurs, l’assurance récolte est sur toutes les lèvres. Bien qu’un nombre certains d’agriculteurs ne soient pas assurés, pour ceux qui le sont, selon eux, le système aurait besoin d’être amélioré, depuis la mise en place de la réforme en 2023 : « On a fait un grand pas : réussir à donner envie aux agriculteurs de s’assurer. Maintenant, il faut aller plus loin. Il y a deux aspects : l’urgence de la situation et nos outils : Car les caves vont être confrontées à l’absence de volume, donc à une hausse de leurs charges », explique Cyril Jaquin. « Nous avons absolument besoin d’une réforme de l’assurance sur la moyenne olympique, car nous n’avons pas des aléas tous les dix ans, mais tous les ans, donc la moyenne sur notre exploitation ne fait que diminuer. Il faut être en capacité d’avancer sur la moyenne olympique et proposer un produit au rendement maximum et pas ceux, dégradés, des années précédentes », martèle le président des vignerons ardéchois. « Car même assuré, les indemnisations seront loin d’être à la hauteur à cause d’une récolte historiquement faible », ajoute Jean-François Laville.
Face au sinistre, mobiliser les services de l’État et les organisations Professionnelles Agricoles (OPA)
« Il importe que l’État se montre aux côtés des vignerons pour traverser cette année, qu’ils soient assurés ou non. Car les répercussions seront également présentes l’an prochain. Il est prévu une aide de 260 000 euros pour la rentrée, en attendant le reste de l’enveloppe, mais il est impératif de la distribuer rapidement, car nous sommes déjà dans l’urgence avec des dépenses considérables pour les traitements, le travail du sol et l’utilisation des tracteurs », lance Cyril Jaquin.
La visite sur le terrain, orchestrée par la FDSEA et les JA ce mardi 16 juillet, revêt donc une grande importance pour témoigner des réalités vécues et transmettre ce message aux élus, représentants de l’État et OPA (Voir encadré).
M.M
Une tournée des exploitations pour constater les dégâts suite aux intempéries des 11 et 12 juillet
La tournée a débuté à la cave de Vogüé, avant de remonter la vallée du Rhône, pour se conclure sur les exploitations les plus touchées du nord du département.
La tournée a débuté à la cave de Vogüé, avant de remonter la vallée du Rhône sur l’exploitation de Joséphine Martin sur les terres des "Vergers de mon Papé" pour se conclure sur les exploitations les plus touchées du nord du département. La FDSEA et les JA 07 ont organisé une visite de terrain ce mardi 16 juillet, sous la coordination de la chambre d’agriculture. Les syndicats ont invité les représentants de l’État et les élus locaux. Étaient présents : Isabelle Arrighi, secrétaire générale de la préfecture, accompagnée de Marc Coutel, sous-préfet de Largentière, et de Jean-Pierre Graule, directeur de la DDT. Parmi les élus, Fabrice Brun, Hervé Saulignac et Vincent Trebuchet ont apporté leur soutien dans leurs circonscriptions respectives.
Lors de la visite en Sud Ardèche, dans une région viticole sévèrement touchée par la grêle et les orages, Christel Cesana, présidente de la FDSEA, a souligné que « cette perte impactera non seulement la récolte de 2024, mais aussi celle de 2025 et sa qualité ». Les viticulteurs du secteur sont unanimes : la priorité est de sauver les vignes restantes plutôt que de perdre du temps à remplir des dossiers administratifs suite aux intempéries. Une demande d’exonération de taxe foncière des propriétés non bâties (TFNB) a été demandée, ainsi que des mesures d’urgence immédiate.
Les OPA présentes, comme Groupama, la MSA et le Crédit Agricole, ont offert leur aide. La MSA a sollicité une aide supplémentaire et la simplification des démarches, en proposant également un échelonnement des cotisations pour l’année prochaine. Le Crédit Agricole, de son côté, envisage de mettre en place des prêts à court terme.
La simplification promise, sommée d'être efficace
Un peu plus haut, dans la vallée du Rhône, sur des vergers de kiwis et d’abricotiers jouxtant le fleuve, la visite s'est poursuivie sur l'exploitation "Les Vergers de mon Papé" de Joséphine Martin, également touchée par la grêle.
Bien que son canon paragrêle se soit déclenché, il était déjà trop tard ce vendredi de juillet : le nuage surplombait déjà ses vergers. Cette fois-ci, la totalité de l’exploitation et de ses 25 hectares a été touchée. « L’agriculture n’est pas rentable sans les aides de l’État. Nous ne pouvons pas récolter le fruit de notre travail », témoigne Joséphine Martin, installée depuis quatre ans, devant l'assemblée. « Nous allons encore passer du temps derrière un bureau, alors que nous avons besoin de technicité et de compétences dans les vergers pour mener à bien notre production », renchérit-elle. « Les représentants de l'Etat sont là pour faire remonter les informations », rappelle de son côté, la secrétaire générale de la préfecture, Isabelle Arrighi. Elle insiste également sur la nécessité de déclarer tout sinistre sur la plateforme "mes démarches simplifiées", « même si les dégâts, sont sur une parcelle ou deux, assuré ou non ».