SANITAIRE
Fièvre catarrhale ovine : anticiper l’après

Marine Martin
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La préfète de l’Ardèche, Sophie Elizéon, ainsi que la chambre d’agriculture, le GDS, des éleveurs, la FDSEA et JA 07, se sont déplacés, vendredi 13 septembre, sur l’exploitation de Kevin Philippot, jeune éleveur dont le troupeau est frappé par la fièvre catarrhale ovine (FCO), au Béage.

Fièvre catarrhale ovine : anticiper l’après
Sophie Elizéon, prefète de l'Ardèche, ici accompagnée de Romain Bourdelin, à gauche, éleveur bovin sur le Béage, Benoit Claret, président de la chambre d'agriculture, Marc Coutel, sous préfet de Largentière, et Thomas Mialon, éleveur à Issarlès.

Fouettés par le vent du nord, les monts pelés qui entourent la commune du Béage sont le théâtre d’une situation devenue bien trop familière pour les éleveurs du département, depuis le milieu du mois d’août. Chez Kevin Philippot, éleveur ovin installé depuis 2022, la FCO de sérotype 8, ayant subi une mutation très rare, a également frappé. Sur son cheptel de 300 brebis, 20 sont mortes de cette maladie, transmise par des moucherons « culicoïdes », dont l’activité s’arrête mi-décembre et reprend en mai. « L’hypothèse en Ardèche est qu’il y a eu quelques cas dormants : des animaux contaminés qui sont devenus des réservoirs et ont permis une importante source de contamination », explique Margot Brie, directrice du GDS de l’Ardèche.

Le premier acte de ce coup dur commence pour Kevin Philippot à la mi-août. « J’ai remarqué que quelques brebis s’isolaient et avaient de la fièvre », raconte-t-il. Il décide alors de faire des prélèvements, et sans aucun doute, c’est bien la FCO-8, antagoniste de cette fin d’été, qui frappe son troupeau. Après une attente de plus d’une semaine pour obtenir les vaccins, l’éleveur a pu vacciner l’intégralité de son cheptel début septembre. Avec le froid mordant de ces derniers jours, le virus semble reculer, mais c’est surtout grâce à la vaccination qu’il a pu réduire la mortalité de son troupeau. « Aujourd’hui, il ne reste plus que 3 ou 4 bêtes malades », témoigne-t-il.

Gestion de crise et vigilance accrue pour les jeunes éleveurs

Depuis le début de la crise sanitaire, pas moins de 1 846 ovins, 507 caprins et 333 bovins (au 13 septembre) ont été récupérés par les équarrisseurs sur le département, toute mortalité confondue entre le 15 juillet et le 6 septembre. « Des chiffres qui montrent une incidence 3 à 4 fois supérieure les dernières semaines du mois d’août », précise Daniel Boussit, directeur de la DDETSPP1, témoignant de l’ampleur du phénomène.

Thomas Mialon, éleveur installé en 2021 à Issarlès, a été lui aussi frappé par la FCO-8 : « J’ai 200 têtes, enfin, j’avais », reprend-il. « Ça diminue tous les jours. Les vaccins et traitements coûtent une fortune, on ne sait plus quoi faire pour remédier à ça. C’est un métier passion, mais celle-ci commence à s’éloigner », déplore-t-il. « L’élevage d’ovins est très difficile, comment va-t-on arriver à maintenir nos jeunes en place avec une multitude de problématiques ? Il faut que l’État soit présent pour aider les éleveurs », martèle Alain Crozier, président du syndicat ovin de l’Ardèche.

« Il va falloir une enveloppe d’urgence pour les exploitations »

« Nous avons alerté le ministère fin août concernant la situation, notamment sur les doses de vaccins contre la FCO-8 qui ne sont pas prises en charge et sur la spéculation qui a fait quasi quadrupler leur prix », indique Benoit Claret, président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche. De son côté, Benoît Nodin, secrétaire général de la FDSEA, insiste sur le rôle crucial du syndicat pour établir un lien avec les OPA et faire remonter la situation, ainsi que les enjeux au niveau national, notamment sur la Pac. Si l’État devrait prendre en compte les proratisations de productivité dans le cadre d’une reconnaissance de force majeure, « il faut une prise en compte de A à Z, pas uniquement la proratisation, mais aussi les brebis qui manquent et ne produiront pas », insiste Alain Crozier. « Il est essentiel de nous faire remonter et de recueillir des données fiables à échelle d’exploitations pour développer un argumentaire et le présenter au ministère afin d’obtenir des aides exceptionnelles face à une situation exceptionnelle », affirme Sophie Elizéon, dans une stichomythie. « C’est un véritable sujet à traiter collectivement, car l’Ardèche n’est pas le seul département concerné », ajoute-t-elle. « Il va falloir une enveloppe d’urgence pour les exploitations », réplique Benoit Claret. « Il faut que chaque éleveur touché par la FCO le déclare, via son vétérinaire, pour pouvoir éventuellement bénéficier d’une indemnité plus tard », ajoute en didascalie Alain Crozier.

« Tirer des leçons » pour mieux anticiper les crises

« La FCO-3 est à nos portes, il faut encourager les éleveurs à vacciner en masse. Avec 80 % des cheptels vaccinés, nous aurons potentiellement la chance que le sérotype 3 ne fasse pas trop de dégâts », avertit Sophie Elizéon. Mais l’anticipation n’est pas uniquement une responsabilité des éleveurs. L’Espagne, également affectée par l’épizootie de FCO-8 et fournisseur de vaccins, contribue à la pénurie en France. Mais cette crise n’est que le reflet d’enjeux sociétaux majeurs, tels que la réindustrialisation du secteur des laboratoires, afin de réduire la dépendance vis-à-vis d’autres pays. Elle soulève également des questions sur la souveraineté alimentaire et la capacité à produire localement, avec, au premier plan de la scène, le changement climatique.

Face aux constats de délais de retour d’analyse des laboratoires, du passage des camions d’équarrissage, de la pénurie de vaccins et de la lenteur de leur acheminement, la « situation nous oblige à tirer des leçons sur la manière dont cet épisode a été géré et à réfléchir à comment mieux vous informer en cas de crise pour être en mesure de vous adresser des messages plus lisibles et rapides », admet Sophie Elizéon. « Il faut définir, entretenir et organiser un réseau d’alerte avec une concertation commune et avec les autres départements », ajoute Marc Coutel, sous-préfet de Largentière. Une réunion de travail avec les principaux acteurs de la filière est prévue cette semaine pour évaluer « les pertes directes et indirectes afin d’avoir une image précise et demander un accompagnement financier argumenté », assure Benoit Claret. « Pour que le prochain ministre trouve ce dossier en priorité sur son bureau », conclut la préfète.

Marine Martin

1. Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations.

Protocole de vaccination

Au niveau sanitaire, pour une meilleure couverture vaccinale, Margot Brie, rappelle que « le mieux est de vacciner au printemps pour protéger, quand la phase du culicoïde est la plus importante » et donc, de ne pas attendre un an avant le rappel. La directrice du GDS insiste sur le fait de ne pas faire l’impasse sur la vaccination du sérotype 8 alors que la FCO-3 est à nos portes. Pour le protocole de vaccination, elle rappelle qu’il vaut mieux attendre 8 à 10 jours vis-à-vis de l’immunité des animaux entre deux injections de vaccins différents. « Si un éleveur a vacciné pour la FCO-8, une première dose, il faut attendre huit à dix jours avant de passer à la vaccination FCO-3, première dose. Ensuite, l’éleveur continue son protocole vaccinal en lien avec son vétérinaire sanitaire. Si un éleveur a fait la première et la deuxième dose pour la FCO-8, il faut aussi attendre huit à dix jours avant d’injecter la première dose pour la FCO-3 ».

En date du 13 septembre : 261 suspicions sont en cours.

161 foyers ont été confirmés FCO-8.

Les communes ardéchoises concernées par le zonage MHE (292 communes) ou FCO-3 (91 communes) sont les mêmes que celles de la semaine passée.

Concernant la MHE, si aucune réglementation n’a été encore actée, le groupe technique sous pilotage de La Direction générale de l’alimentation s’est réuni et a proposé de mobiliser deux millions de doses commandées par l’État pour ralentir le front de progressions et de réussir à stabiliser la zone indemne, tout en protégeant des cheptels proches des clusters. La zone vaccinale serait de 50 km de largeur le long de la limite interne de la zone régulée.