ÉQUIN
La dynamique de la filière des chevaux de trait, une question de cycle

Marine Martin
-

En Ardèche, l’élevage de chevaux de trait prend de multiples visages : pour les concours, la viande ou pour devenir un compagnon de travail. Avec près de 2 400 chevaux comptabilisés dans des exploitations en Ardèche, zoom sur une filière de passionnés !

La dynamique de la filière des chevaux de trait, une question de cycle
Les chevaux de trait, particulièrement le Comtois, sont bien adaptés au climat et territoire ardéchois ! ©Denis Dumas

S’il y a trente ans, le marché de la viande chevaline s’est effondré, il semblerait que le cours reprenne des couleurs : « On a souffert pendant 35 ans et depuis trois, quatre ans, les cours sont en hausse », constate Denis Dumas, éleveur d’une trentaine de chevaux de trait Comtois et installé depuis 1984. « Le cours a été multiplié par trois, il était à 0,90 € le kilo de poids vif et désormais, il est dans les trois euros. » Un constat s’expliquant en partie par la baisse du nombre d’éleveurs, qui a conduit à un manque de marchandises sur le marché. Au fil des années, de nombreuses fermes ont arrêté l’élevage des chevaux, constatant une viande de moins en moins plébiscitée et valorisée. Que l’on ne s’y méprenne pas, élever des chevaux est avant tout une affaire de passionnés : « Ce n’est pas toujours évident de mener les juments à l’étalon, ça prend du temps, c’est contraignant ».

Pour Denis Dumas, il manque des jeunes motivés pour reprendre mais, malgré tout, un changement de cycle s’opère et « l’on voit apparaître de nouvelles générations à qui le cheval plaît et qui prennent part à l’organisation au sein du syndicat », nuance Julien Rivière, président de la section des chevaux de trait de la FDSEA, qui compte une trentaine d’adhérents dans ses rangs. Et à l’unisson de reconnaître l’utilité des chevaux au sein d’une exploitation : « Dans une ferme, on peut élever une à deux juments, elles passent dans le pâturage après les bovins, car elles mangent les refus, c’est une dynamique que l’on observe dans d’autres départements tels que le Doubs », affirme Denis Dumas. « De plus, l’avantage du cheval est qu’il peut être dans des prés difficiles d’accès ou éloignés des bâtiments, sans une surveillance accrue. Il est passe-partout, il se débrouille avec moins », ajoute Julien Rivière.

Afin de contribuer à dynamiser la filière dans son ensemble, un plan régional filière équine 2023-2027 a été instauré pour soutenir un élevage performant, de qualité et reconnu pour développer une production « made in Auvergne-Rhône-Alpes. « On a eu énormément de demandes pour des dossiers de subventions », constate julien Rivière, « ce qui contribue à donner un nouveau souffle à la filière du cheval rhônalpin ».

M.M.

Une génétique ardéchoise reconnue
Denis Dumas et Kolmia de la Palud, au sommet de l'élevage à Cournon en 2023. ©Denis_Dumas
COMTOIS

Une génétique ardéchoise reconnue

En Ardèche, certains éleveurs de Comtois le sont depuis quarante ans ! Grâce à un travail de sélection génétique important, le berceau de la race (Franche-Comté) s’intéresse aux chevaux ardéchois pour enrichir leur propre patrimoine génétique.

« Les Comtois vendus il y a trente ou quarante ans ont fait l’objet de sélections rigoureuses, ce qui les rend conformes au standard recherché aujourd’hui, y compris par le berceau de la race. Ce dernier se tourne vers des départements comme la Haute-Loire et l’Ardèche pour puiser dans cette génétique », explique Julien Rivière. Les concours sont aussi une vitrine pour de potentiels acheteurs. Les élevages ardéchois savent s’y distinguer et participent à une reconnaissance de la qualité des élevages du territoire.

Des critères qui évoluent

« Dans les années 1915-1920, le Comtois était plutôt de robe baie. Progressivement, il a adopté une teinte plus claire, avec des crins lavés, mais aujourd’hui, les couleurs plus foncées reviennent à la mode », observe Denis Dumas. « Depuis dix ans, on remarque une évolution des critères de sélection, que ce soit pour la couleur, les allures, le caractère ou la taille. On privilégie désormais des juments plus élancées, des robes alezanes cuivrées, et on veille davantage à éviter les listes sur la tête. Avant, lors des concours, on ne prêtait pas autant attention à ces détails », ajoute Alain Vigne, éleveur de chevaux de trait depuis plus de 20 ans.

M.M.

La traction animale, une activité adaptée à certains secteurs agricoles
Julien Rivière propose des services de traction animale pour les agriculteurs et viticulteurs. ©AAA_DR
MÉTIER

La traction animale, une activité adaptée à certains secteurs agricoles

Si la traction animale reste un secteur de niche, elle est une activité de plus en plus plébiscitée, notamment pour le travail dans les vignes. « Le cheval offre une plus grande précision que le tracteur et permet d'accéder à des zones difficiles », explique Julien Rivière, qui en a fait son métier.

Former un binôme harmonieux entre l’homme et son compagnon à quatre pattes demande un véritable savoir-faire, basé sur la désensibilisation et la communication. « On commence par poser le harnais, le faire marcher avec les brides, l’attelage, puis les chaînes. Ensuite, par association, on introduit le collier et on lui fait tirer des charges légères, adaptées à son âge et à sa morphologie. Lorsqu’il est bien désensibilisé, on utilise une voiture à deux-roues. L’avantage est que, s’il fait demi-tour, il n’y a pas de risque d’accident. » Lors de l’attelage, le défi principal pour le cheval est de maîtriser l’effort, et surmonter l’inertie du début de la charge. Il est également important de l’habituer aux sons courants, comme ceux des chaînes ou des graviers, afin de le désensibiliser aux bruits. « Le travail est réussi lorsque le cheval nous fait entièrement confiance. Le cheval étant un animal grégaire, son instinct de défense est la fuite. Il faut donc toujours anticiper son comportement naturel. Nous fonctionnons comme un centaure : lui, les jambes, nous, le cerveau. Le travail est pleinement accompli lorsque je peux l’envoyer dans les rangs sans même avoir besoin de le surveiller », affirme Julien Rivière.

M.M.

Zoom sur les races qui peuplent les contrées d'Ardèche !

La star incontestée des élevages ardéchois, c’est le Comtois ! Rustique, mais moins lourd qu’un percheron, élégant et polyvalent, il s’adapte parfaitement aux reliefs escarpés du territoire. Les autres races ne sont certainement pas en reste : on retrouve en Ardèche le baudet du Poitou, des Ardennais, quelques percherons, des mulassiers Poitevins et des ânes de Provence.

Les activités équestres et de loisirs, un atout majeur pour l’Ardèche
Que ce soit le long de l'Ardèche, au sud, sur la montagne ou dans les hauts plateaux, l'Ardèche regorge de paysages à couper le souffle à découvrir lors de balades à cheval ! ©Aurélie_Lambert

Les activités équestres et de loisirs, un atout majeur pour l’Ardèche

Avec ses paysages à couper le souffle, du nord au sud de l’Ardèche, un des meilleurs moyens d’arpenter le territoire est de le faire à cheval. Malgré une conjoncture économique ou une météo pas toujours favorable, le tourisme équestre y est encore très plébiscité ! « La saison a eu du mal à commencer au mois de juillet, dû aux vacances scolaires de plus en plus tardives, à la météo maussade, au pouvoir d’achat et à l’ambiance politique. Mais on a eu un bon mois d’août et un mois de septembre correct », analyse Jacques Talagrand, propriétaire de la ferme équestre Chavetourte à Saint-Alban-Auriolles.

Pour dynamiser encore davantage cette filière, le Plan régional de la filière équine 2023-2027 a été mis en place. Ce plan, le deuxième plus important au niveau national avec un budget d’environ 10,7 millions d’euros, est une bouffée d’air frais pour le secteur. Les aides offertes permettent de soutenir les investissements dans la cavalerie et l’élevage : (matériel de sellerie, aide à l’achat de reproducteurs), redonnant un coup de fouet à l’activité !