CAPRIN LAIT & FROMAGE
La filière caprine, étendard du terroir ardéchois
La chèvre est souvent utilisée comme effigie du territoire ardéchois, tant elle est liée à son histoire, sa culture, sa gastronomie… Un symbole fort pour une filière d’élevage à taille humaine et présente dans toute l’Ardèche !
Jadis anecdotique « pour nourrir la famille et se faire quatre sous », encore présent dans les fermes sans en faire une activité notoire, l’élevage de chèvres est un véritable symbole en Ardèche, qui a su se professionnaliser au fil du temps. « Les troupeaux se sont agrandis et la filière s’est structurée pour répondre à la demande des entreprises laitières et développer la transformation fromagère à la ferme », confie Baptiste Robert, éleveur caprin à Mars (Les Cabres de Mars) et président de la section caprine de la FDSEA.
Aujourd’hui, la filière se compose majoritairement de producteurs fromagers fermiers, avec une proportion bien plus importante que dans d’autres départements, ainsi que de producteurs laitiers livrant à des entreprises ou coopératives de collecte. Des exploitations à échelle humaine, de petite et moyenne taille, où le pâturage est omniprésent. « C’est ce qui fait la richesse du lait ardéchois ! Et cela permet de valoriser les prairies naturelles, les landes et les sous-bois. »
Picodon AOP
Les fromages sont vendus le plus souvent en direct, sur les marchés et dans les magasins de producteurs, ainsi que dans des fromageries et restaurants. Parmi eux, le célèbre Picodon ! Ce petit palet rond à pâte molle au lait cru de chèvre, affiné pendant au moins 14 jours. Ce fromage, très ancré dans la culture et l’identité des territoires d’Ardèche et de Drôme, est valorisé par une AOP dont la zone géographique s’étend dans ces deux départements ainsi que sur les cantons de Valréas (Vaucluse) et de Barjac (Gard). Au-delà de la reconnaissance d’un savoir-faire, « cela a participé à maintenir la filière caprine ardéchoise, encourager les installations et la vente », ajoute Baptiste Robert. Alors que les volumes de production en Picodon AOP sont en légère baisse aujourd’hui (un peu moins de 500 tonnes de fromages en 2023), un travail est mené par son syndicat pour faire connaître ce petit palet savoureux à un plus large public et ainsi maintenir des tonnages suffisants au développement de l’AOP. « C’est un fromage qui se consomme essentiellement dans le quart sud-est de la France, et nous avons du mal à l’exporter. Il est important de le faire connaître ailleurs que chez nous. Puis l’Ardèche ne peut pas manger que du Picodon ! »
Caillé Doux de Saint-Félicien
Un autre fromage au lait cru de chèvre s’inscrit dans la tradition historique de la filière ardéchoise : le Caillé Doux de Saint-Félicien. Fromage à pâte molle et croûte fleurie, de fabrication exclusivement fermière, il a la particularité d’être réalisé avec un emprésurage quasiment immédiatement après la traite entre 32 et 36°C, tandis que la coagulation dure une à cinq heures. Par la suite, le fromage est tranché afin d’en retirer le petit lait en surface, toutes les cinq à dix minutes, puis moulé à la louche. Dans l’ambition de valoriser ce savoir-faire très particulier, le Caillé Doux de Saint-Félicien bénéficie d’une marque collective depuis 1981. Une démarche de reconnaissance en AOP a été entamée en début d’année 2024.
A.L.
Une production régionale mieux valorisée
Quasiment inexistants jusqu’ici, les débouchés de viande de chevreau lourd engraissé à la ferme et commercialisée en filière longue pourraient bien se développer. C’est le pari pris par l’association « Éleveurs de chevreaux d’Auvergne-Rhône-Alpes », qui a été impulsée par un projet d’éleveurs ardéchois et drômois en quête de solutions pour valoriser la viande de chevreau. Depuis janvier dernier, cette association régionale a entamé un essai de commercialisation. Pour l’heure, les retours sont plutôt positifs, en matière de qualité de production et de vente. Reste à développer la structuration des outils d’abattage de proximité adaptés à la viande de chevreau ainsi que les débouchés, sans oublier les efforts de communication à déployer auprès des consommateurs, pour écouler la production.
A.L.
La Ferme du Pradel à la pointe de l’innovation
Située à Mirabel et pilotée par l’association Cap’Pradel1 qui fédère des éleveurs caprins et acteurs de la filière, la ferme expérimentale caprine du Pradel mène de nombreuses recherches innovantes à la demande des éleveurs. Ces expérimentations participent à la production de savoirs et de données sur de nombreux thèmes : adaptation des systèmes fourragers au changement climatique, des bâtiments d’élevage, de la consommation d’énergie… L’élevage des jeunes, les nouvelles technologies, la résilience des systèmes caprins sont autant d’autres sujets sur lesquels se penche la ferme du Pradel. Les essais peuvent être analysés sur tous les paramètres d’élevage et de production, du fourrage jusqu’aux fromages. Elle met également en synergie profession caprine et enseignement agricole, notamment avec les enseignants et les élèves du lycée agricole Olivier de Serres (Aubenas).
La Ferme du Pradel regroupe un troupeau de 228 chèvres, réparties en 5 lots, et s’inscrit dans un système de pâturage, d’optimisation de l’alimentation et de production de lait cru pour la fabrication de fromages Picodon AOP. On y trouve des outils uniques, dont une salle de traite avec deux machines à traire identiques montées en parallèle de 12 postes et 24 places disponibles, afin d’évaluer les résultats des essais menés entre différents lots de chèvres. Huit salariés y assurent la production, les expérimentations et des actions pédagogiques, soutenus par deux salariés de l’Institut de l’élevage.
A.L.
1. Membres fondateurs : Fédération nationale des éleveurs de chèvres (FNEC), Institut de l’élevage, chambre régionale d’agriculture d’Aura et le lycée agricole Olivier de Serres.