AGRICULTURE BIOLOGIQUE
Lors des Bio N’Days, l’espoir d’un nouveau souffle pour les filières bio

Le 6 juin à Alixan, le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) a organisé les Bio N’Days édition 2024. Un grand rendez-vous annuel des acteurs de la bio en région pour analyser les chiffres du marché bio en grande distribution et magasins spécialisés et dresser les perspectives 2025.

Lors des Bio N’Days, l’espoir d’un nouveau souffle pour les filières bio
Lors de la convention d’affaires pour les produits biologiques, Bio N’Days 2024, le 6 juin à Alixan, un espace salon a permis de découvrir les nouveaux produits des entreprises régionales. © S.S.-AD26
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Adrien Petit, directeur du Cluster Bio Auvergne-Rhône-Alpes. © S.S.-AD26

Analyser la crise pour mieux la digérer, apporter des clés de compréhension du marché bio, décrypter ses signaux optimistes, la convention d’affaires pour les produits biologiques Bio N’Days, le 6 juin dernier en Drôme, avait pour ambition de donner un nouveau souffle aux filières bio.

En ouverture de cette rencontre, Adrien Petit, directeur du Cluster bio Aura, s’est livré à l’autopsie de cette crise. Les années 2010 ont sans nul doute été porteuses pour les produits bio. Le directeur a rappelé que l’implication des pouvoirs publics en France et en Europe avait permis durant la dernière décennie une forte hausse du chiffre d’affaires du bio et des surfaces de production. C’était l’époque du « Nous devons démocratiser le bio, ce n’est pas que pour les bobos ! » du président François Hollande, a souligné Adrien Petit. Mais aussi du programme national « Ambition bio 2017 » qui visait à multiplier par deux les surfaces en bio en France entre 2012 et 2017 et à atteindre 20 % de produits bio dans la restauration collective de l’État. « La croissance du bio est alors continue, en chiffre d’affaires et en surfaces, le tout alimenté par des crises sanitaires à répétition depuis 1996 (vache folle, poulet à la dioxine, viande de cheval dans des lasagnes…). Les produits bio font alors la course en tête dans une proposition du mieux manger », a résumé le directeur du Cluster bio. À tel point qu’entre 2018 et 2020, on assiste à l’apogée du bio business. Pour la première fois des journaux titrent sur « les fortunes du bio » et des produits assez improbables, comme le Babybel bio emballé en vrac, sont lancés, a illustré Adrien Petit.

La croissance à deux chiffres est terminée

Puis surgit la crise du Covid. Au début les produits bio ne s’en tirent pas trop mal, « comme un remède au chevet des confinés ». Mais après avoir dépassé des records [12,8 milliards d’euros en 2020 pour le marché alimentaire bio de la consommation à domicile - source : Xerfi Spécific d’après Agence Bio], la croissance à deux chiffres est définitivement terminée en 2021. C’est même la reculade. « Le 9 juin 2021, date de réouverture des restaurants et fin des mesures de confinement, les consommateurs ont repris leurs habitudes : loisirs, vacances… Du jour au lendemain on a assisté à un arrêt de la fréquentation des magasins bio », a contextualisé le directeur. Puis, la période post-covid a vu s’enchaîner l’inflation, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, la crise économique… Une période jusqu’en 2023 durant laquelle a pu être aussi identifiée une baisse de confiance dans le label Bio, des fermetures de magasins spécialisés, des crises sur les filières et aussi un État « peu proactif » face à la crise, a décrit Adrien Petit.
Jérémy Robiolle, directeur du développement pour la société Xerfi en charge d’une étude sur le bio à l’horizon 2025, a confirmé [sur les bases d’une enquête menée par l’Insee, ndlr] que les consommateurs avaient modifié leurs habitudes en consommant un peu moins, en diversifiant les magasins où ils s’approvisionnent, en changeant de gamme de produits - plutôt vers le bas - et en optant davantage pour des repas à domicile qu’au restaurant. Toutefois, s’il y a bien eu une « grosse cassure depuis 2020 » sur le développement du marché du bio, un « effet de rattrapage » pourrait survenir, a-t-il indiqué. « Nous nous attendons à une stabilisation du marché alimentaire bio de la consommation à domicile sur 2024 (à 11,4 Md€ vs 11,3 Md€ en 2023). Notre estimation pour 2025 est de 11,6 Md€ », a détaillé Jérémy Robiolle. Soit toujours un recul de 1,2 Md€ par rapport à 2020.

Des freins à ne pas sous-estimer

Alors, quel avenir pour la bio ? Le consultant de la société Xerfi estime que « de puissants moteurs structurels continueront à soutenir le marché à l’avenir ». Primo, la priorité accordée aux produits respectant l’environnement et la santé ; secundo, la tendance de fond du bio et du naturel ; tertio la démocratisation du bio avec le développement de l’offre dans tous les circuits de distribution ; et enfin, quarto, la multiplication des innovations sur le marché. « Mais attention, a-t-il prévenu, des freins ne devront pas être sous-estimés, à commencer par un environnement macroéconomique toujours dégradé, des arbitrages croissants des ménages dans leurs achats, une perception des prix jugés parfois prohibitifs et, revers de la démocratisation des produits, un risque de voir se développer les importations. »

Sophie Sabot

Outiller la filière bio pour ne pas revivre une telle crise
Stéphanie Pageot, éleveuse bio et secrétaire nationale de la Fnab. © S.S.-AD26
DU CÔTÉ DES PRODUCTEURS /

Outiller la filière bio pour ne pas revivre une telle crise

Stéphanie Pageot, éleveuse bio en Loire-Atlantique et secrétaire nationale de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) a porté la voix des agriculteurs lors des Bio N’Days. Elle a identifié trois causes à la crise que les filières bio ont subi de plein fouet : le choc inflationniste, le manque de moyens pour la communication en faveur de la bio, la multiplicité de labels et pseudo-labels non bio avec un marketing qui brouille le message pour les consommateurs.

Elle a aussi rappelé que la filière s’était retrouvée « peu outillée » face à cette crise, évoquant « l’impossibilité pour la filière bio d’avoir accès aux outils interprofessionnels et publics pour soutenir l’offre en cas de baisse de la demande ». Enfin elle a pointé la suppression de l’aide au maintien en 2017, dénonçant l’absence de « filet de sécurité » pour les producteurs. Elle a ainsi estimé les pertes amont (producteurs et OP) pour la filière bio à 270 millions d’euros.

Stéphanie Pageot a rappelé que la Fnab porte désormais, via son projet Résibio [comme résilience, ndlr], des propositions pour définir de vrais outils de pilotage (indicateurs de coûts de production, suivi des volumes, suivi des prix de marché des matières premières bio…) mais aussi des outils de gestion de crise comme l’aide européenne à la réduction de production, l’aide au stockage ou encore le dispositif d’indemnisation pour compenser la perte de valorisation pour les producteurs. Enfin, elle compte sur les pouvoirs publics pour aider à stimuler la demande.

S.S.

Consommation alimentaire : quelles tendances demain ?
Sylvain Zaffaroni, fondateur de « Pour nourrir demain » et co-fondateur du média La veille des innovations alimentaires. © S.S.-AD26
INNOVATIONS

Consommation alimentaire : quelles tendances demain ?

Lors des Bio N’Days, le Cluster Bio a invité Sylvain Zaffaroni, cofondateur de la communauté « Pour nourrir demain » et du média « La veille des innovations alimentaires ». Son crédo : les innovations alimentaires, celles qui sortent en France mais aussi partout dans le monde.

Sylvain Zaffaroni, cofondateur du média « La veille des innovations alimentaires », a présenté quelques tendances à suivre de très près, « des tendances qui font de l’audience dans notre média », a-t-il expliqué et qui pourraient s’imposer demain dans le panier des consommateurs. « Je ne suis pas un spécialiste du bio », a-t-il toutefois prévenu, ouvrant son inventaire aux produits conventionnels.
Premier coup de projecteur : le local et le circuit court. « Les marques devront à l’avenir avoir des ancrages territoriaux très clairs », a-t-il estimé. Sans oublier les tendances comme les ateliers de transformation à la ferme, entièrement autonomes grâce à l’intelligence artificielle, sur le modèle de la start-up grenobloise Fairme.

Seconde tendance : les superaliments qui attirent une clientèle soucieuse de son bien-être. Graines de chia, baies de goji, spiruline… autant de produits qui pourraient permettre de développer des filières de production en France selon Sylvain Zaffaroni.

Tranche végé versus jambon

Il pointe aussi une troisième tendance, celles des alternatives végétales. Si l’idée de steaks végétaux fait toujours bondir les éleveurs, les alternatives au lait, à la viande et aux oeufs se multiplient dans les rayons et séduisent de plus en plus de consommateurs. Preuve en est le pari de la marque Fleury Michon qui vient de lancer ses tranches végé, à base de lentilles corail, haricots blancs ou pois chiche, dans un format d’emballage qui ressemble à s’y méprendre à celui de ses tranches de jambon. « Pour le consommateur c’est deux fois moins cher que le jambon et en plus référencé au même rayon », souligne Sylvain Zaffaroni.

Enfin, parmi les tendances qui ne devraient pas fléchir : les aliments fermentés (kimchi, kombucha, kéfir…) avec parfois des kits pour faire soi-même (Kit kéfir), le snacking « sain » pour répondre à la demande de grignotages nutritifs et pratiques. Enfin, deux tendances devraient aussi s’inscrire dans la durée : celle des emballages durables, portées par les lois les concernant, et enfin, la traçabilité et la transparence des produits alimentaires.

S.S.