VERNOUX-EN-VIVARAIS
« Des végétaux riches en gènes résistants et adaptés au milieu »
« Pépinière de naissance », Les Cotylédons fait partie de ses jeunes structures qui entendent concilier la production de végétaux à des valeurs de proximité et de durabilité.
Située à la Combe de Terras à Vernoux-en-Vivarais, la pépinière Les Cotylédons fait partie de ses jeunes pépinières qui s’inscrivent dans un système global de production de plants d’arbres et d’arbustes champêtres de proximité, qui allie la collecte de semences, la mise en culture et l’élevage de végétaux. Elle a été créée en janvier 2023 par Jérôme Lourd et Mélanie Richard, qui jusque-là étaient installés en horticulture et castanéiculture sur 2 hectares et 1,8 ha de châtaigneraies depuis 2018 en tant que cotisants solidaires, après avoir travaillé respectivement comme ingénieur électricien et infirmière puis salariée dans une exploitation ovine. Formé également en herboristerie à l’École lyonnaise de plantes médicinales, ce jeune couple commence à s’intéresser à la production de végétaux 100 % locaux en rencontrant des acteurs et professionnels agroforestiers alors qu’ils cherchent à planter des haies sur leurs parcelles. « Ces rencontres nous ont donné envie de démarrer ce type de projet », retrace Jérôme Lourd, qui a baigné dans l’univers de la botanique depuis son plus jeune âge.
En 2023, ils ont pu réaliser leur première saison de culture de plants d’arbres et d’arbustes champêtres. « Nous produisons nos plants à base de baies et de semences récoltées dans la nature dans la zone biogéographique méditerranéenne. Nous ne réalisons pas de boutures, qui produisent des clones et non des individus différents. L’objectif est de favoriser un brassage génétique de végétaux riches en gènes résistants et adaptés au milieu où ils seront mis en terre, en récoltant aussi sur des arbres malmenés par exemple, afin de produire des plants soumis aux conditions difficiles du réchauffement climatique », explique Mélanie Richard, originaire de Vendée. Labellisée Végétal Local, leur pépinière valorise ainsi la traçabilité et le prélèvement durable de végétaux sauvages et locaux, porteurs d’adaptations génétiques spécifiques. Sa particularité est d’être spécialisée sur la production d’essences champêtres non fruitières et en racines nues.
« Un bal de floraison »
La récolte de semences et de baies débute avec une période de repérage, en quête d’essences qui les intéressent. « Les endroits sont repérés avec un technicien de la fédération départementale des chasseurs (FDC), qui connaît les propriétaires et s’occupe des demandes d’autorisation de récolte », explique Jérôme Lourd. « Le cahier des charges du label Végétal Local est très lourd. Il faut récolter sur un minimum de 30 arbres différents afin de favoriser un brassage génétique et faire ressortir des individus plus résistants. Nous ne pouvons pas non plus ramasser 3 ans au même endroit, par exemple. »
Certaines essences sont plus difficiles à trouver que d’autres, comme le Cornouiller mâle, arbuste vigoureux qui dispose d’un puissant système racinaire et produit de petites fleurs jaunes sur branches nues en hiver, le Cormier, arbre fruitier à croissance lente pouvant mesurer jusqu’à 12 mètres de haut qui produit de petits fruits ressemblant à des pommes ou poires. D’autres essences sont quant à elle disséminés, comme les pommier et poirier sauvages. Ces spécimens difficiles à trouver sont souvent des individus isolés, constatent les pépiniéristes. « Le repérage est plus facile à réaliser au moment de la floraison car les arbres et arbustes champêtres fleurissent tous à des moments différents et dans un ordre précis », ajoute Jérôme Lourd, tel « un bal de floraison » ! Certaines années néanmoins, certains arbres et arbustes ne produisent pas de baies, potentiellement pour de multiples raisons : sécheresse, gel tardif… Ce qui pousse les pépiniéristes à récolter toujours un peu plus de graines que ce dont ils ont besoin, afin de constituer de petits stocks pour les années de disette.
Par la suite ils procèdent au dépulpage des fruits à l’aide de tamis et au stockage des graines en chambre froide avant leur mise en stratification, qui permettra de débloquer leur germination. Elles seront semées l’année suivante, puis les semis repiqués et mis en terre à l’automne. « Le plus compliqué est d’anticiper la production, parce que beaucoup de graines sont stériles et que certaines années elles n’ont pas pu être fécondées correctement. Il ne faut pas louper le coche de la stratification non plus. »
A.L.
Des essences champêtres destinées à l’Ardèche et la Drôme
Jérôme Lourd et Mélanie Richard se projettent sur une production annuelle de 8 000 à 10 000 plants, destinés principalement à la vente auprès d'agriculteurs.
En 2023, Jérôme Lourd et Mélanie Richard ont pu produire 5 000 plants d’arbres et arbustes champêtres, issus d’une dizaine d’essences différentes. Tous vendus en Ardèche. « On est une pépinière de naissance mais dans l’ensemble, nous avons eu de jolis systèmes racinaires pour cette première année de production tout à fait satisfaisante. » Cette production a permis d’approvisionner une douzaine d’agriculteurs ardéchois l’an passé, dans le cadre des commandes collectives réalisées par la chambre d’agriculture avec la FDC pour la plantation de haies sur des exploitations. « Nous avons pu livrer environ 2 500 plants et fait appel à des pépinières partenaires de la région, dont une en Drôme, pour répondre à ces commandes. » Chaque agriculteur effectue sa propre commande, regroupée à celles d’autres exploitants par la chambre d’agriculture et la FDC. La pépinière s’occupe de la mise en lot.
En 2024, ils travailleront sur une trentaine d’essences différentes, dont le Cornouiller sanguin, l’Aubépine, le Troène, le Prunellier, l’Érable, le Frêne, le Cormier… « Nous aimerions récolter de la Filaire, dont on trouve quelques arbres à Coux mais qui ne donnent aucune baie depuis deux ans sans que l’on sache pourquoi », indique Jérôme Lourd. « Il y a beaucoup de choses qu’on ne connaît pas sur les essences sauvages et locales. Le label Végétal Local permet aussi d’ailleurs de mettre en commun les connaissances des pépiniéristes sur leur efficacité, leur reproduction, etc. »
À terme, Les Cotylédons projette de produire entre 8 000 et 10 000 plants annuellement, destinés à la vente en Ardèche et en Drôme. « Nous pouvons vendre à des collectivités mais nous nous orientons principalement vers des exploitations agricoles. Beaucoup d’agriculteurs ont envie de planter des haies et des arbres sur leurs parcelles. »