Au début des années 1990, Laurent Bourgeois a fait un pari fou, celui de réhabiliter des plantes aromatiques oubliées ou méconnues. Trente ans plus tard, sa pépinière Arom’antique, basée à Parnans dans la Drôme, propose plus de 500 variétés d’herbes en tout genre.
Il y a quelques années encore, la livèche, l’hysope ou encore le marrube étaient quasiment inconnus. Ces herbes, très utilisées au Moyen Âge, ont été oubliées au fil du temps, pour revenir en force au XXIe siècle. Que ce soit dans les cuisines des chefs ou sur les étagères des herboristes, chacun se réapproprie ces trésors de la nature à sa façon. Parmi les personnes qui ont oeuvré au retour de ses plantes, le Drômois Laurent Bourgeois. Diplômé du lycée horticole de Romans-sur-Isère, il décide de s’installer dans le secteur au début des années 1990 avec une idée en tête : réhabiliter les plantes médiévales. L’inspiration lui vient de sa soeur, Laëtitia Cornu. Docteure en histoire médiévale, elle commence à établir une liste des végétaux qui jadis étaient couramment employés. « On s’est rendu compte qu’il y avait un énorme vivier de plantes qui n’étaient plus cultivées », raconte le pépiniériste Laurent Bourgeois.
Les plantes ont le vent en poupe
Un travail de fourmi commence alors pour retrouver ces végétaux. « Il y avait des pépinières mais les plantes médiévales y étaient très peu représentées », précise Laurent Bourgeois. Dans les jardins botaniques, chez les marchands grainetiers, du côté des associations de jardiniers professionnels ou amateurs et parfois même dans la nature, le pépiniériste enrichit progressivement sa collection avec l’aide de sa soeur. En 1993, il débute l’aventure d’Arom’antique avec une trentaine de plantes. « Je n’étais pas issu d’une famille d’agriculteurs, précise-t-il. C’était difficile de trouver des terres et de convaincre les banques avec ce projet. » C’est finalement grâce à la pépinière d’entreprises du lycée horticole de Romans-sur-Isère - où il avait fait ses études quelques années plus tôt - et à la location provisoire d’une parcelle, que Laurent Bourgeois commence à développer son activité.
Deux ans plus tard, la première serre d’Arom’antique est implantée à Parnans, sur le site actuel, et la pépinière commence à trouver son public. « À l’époque, c’était vraiment un marché de niche. Mes premiers clients étaient des restaurants plutôt gastronomiques, retrace le gérant. Mais aujourd’hui, il y a beaucoup de structures qui utilisent ces plantes. » Pour la cuisine, les cosmétiques ou même les huiles essentielles, les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) ont le vent en poupe. Mais parmi les clients d’Arom’antique, seuls un tiers sont aujourd’hui des professionnels. Avec la démocratisation de l’usage des PPAM, les particuliers représentent aujourd’hui la majorité des ventes, notamment par le biais du site internet de la structure. « On a plus de 200 commandes par semaine et 120 000 plantes sont produites chaque année », estime le gérant.
Plus de 500 variétés différentes
Trente ans après sa création, la pépinière Arom’antique regroupe plus de 500 variétés de plantes différentes. Dans cette exploitation, entre forêts et collines, six serres sont progressivement sorties de terre, sur 3 000 m². En extérieur, une surface de 2 500 m² est aussi occupée par des herbes aromatiques en tout genre. Tout au long de l’année, une équipe de six à dix personnes s’activent pour faire des semis, bouturer, diviser et multiplier les plantes. Le tout avec seulement une serre maintenue hors gel, la majorité des végétaux étant cultivés sur un cycle long : « En hiver, ils sont en repos végétatif comme dans la nature, souligne Laurent Bourgeois. Dans les pépinières où il y a des serres chauffées, c’est souvent pour réduire les délais de culture, mais la contrepartie, c’est que les plantes s’épuisent assez rapidement. Ici, on les élève à la dure, mais elles s’acclimatent ! » Le tout en respectant l’environnement, puisque tout est cultivé en agriculture biologique. « Dès le départ, c’était très important pour moi d’être en bio, raconte le pépiniériste. On a des personnes qui se soignent avec nos plantes… Ça ne serait pas cohérent de mettre des molécules chimiques ! »
Une collection unique
Plus question toutefois de se cantonner aux herbes médiévales. Ces quelque 200 merveilles antiques, côtoient désormais leurs homologues contemporaines, toujours sélectionnées avec soin, comme le précise le maître des lieux : « Le critère, c’est que ce soit une plante aromatique qui apporte un plus. Sur l’aspect saveur, couleur, caractéristiques de la plante… » Certaines collections sont mêmes uniques en France, telles que les 80 variétés de romarins qui ont valu à Arom’antique le label conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS). La menthe, le thym, la sauge ou même le basilic, autant d’herbes très communes et qui présentent pourtant une diversité insoupçonnée que Laurent Bourgeois cherche sans cesse à explorer. Car pour le pépiniériste, le travail de prospection est loin d’être terminé. « C’est sans fin ! Mais c’est ce que j’aime avec les plantes, je savais que je n’allais jamais être rassasié », confie-t-il. En Suisse, en Turquie, en Italie, aux États-Unis ou en Angleterre, Laurent Bourgeois continue de voyager au gré de cette quête botanique infinie.
Pauline De Deus
Laurent Bourgeois : pépiniériste et auteur
Outre son activité à Arom’antique, Laurent Bourgeois est aussi auteur. Il a écrit dix ouvrages grand public autour de sa passion : les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). Ces ouvrages permettent de vulgariser les techniques culturales des PPAM, mais aussi leurs vertus et usages. Parmi ces livres, « Aromatiques de A à Z », avec 78 fiches de plantes différentes, ou encore « Aromatiques au balcon » pour pouvoir cultiver des plantes, y compris sans potager. Laurent Bourgeois délivre aussi ses conseils sur son site plantearomatique.com avec des articles de blog et des vidéos.
