MSA ARDÈCHE-DRÔME-LOIRE
Grossesse et travail : innover pour mieux accompagner les femmes

Concilier grossesse et activité professionnelle, cela est, pour la plupart des femmes, possible. À condition bien sûr d’évaluer correctement les facteurs de risques auxquels chacune est exposée dans son métier et d’adapter si nécessaire le poste de travail. La MSA Ardèche-Drôme-Loire propose aux salariées, aux agricultrices, aux employeurs des outils pour mieux identifier les risques et anticiper l’organisation nécessaire pour bien vivre sa grossesse tout en travaillant.

Grossesse et travail : innover pour mieux accompagner les femmes
Pour les cheffes d’exploitation, il est souvent impossible de s’arrêter tôt dans la grossesse, d’où la nécessité d’aménager ou de déléguer des tâches. © CCMSA
leader
Laurent Lampin, conseiller en prévention des risques professionnels, et Claire Jannel, médecin du travail, pilotent l’action « grossesse et travail » au sein de la MSA Ardèche-Drôme-Loire. ©S.S.-AD26

Depuis dix ans, la MSA Ardèche- Drôme-Loire (ADL) s’est engagée aux côtés de sept autres services de prévention et santé au travail du ter­ritoire Drôme-Ardèche, dans des sec­teurs aussi divers que l’industrie ou les hôpitaux, pour mieux accompagner les femmes enceintes, exerçant une activité professionnelle durant leur grossesse.

« À l’origine de la démarche, nous sommes partis d’un constat : près des trois quarts des femmes enceintes exercent une activité professionnelle1. Or de nombreux risques professionnels sont susceptibles, en fonc­tion des niveaux d’exposition, de nuire à l’issue de la grossesse, explique Laurent Lampin, conseiller en prévention à la MSA ADL. Trop souvent, ces risques sont encore mal connus, y compris des gyné­cologues. » Autre chiffre qui a alerté les professionnels des services de prévention et santé au travail : 67 %1 des salariées enceintes, informent leur employeur de leur grossesse au-delà du troisième mois alors que la période embryonnaire est particulièrement sensible.

Des risques parfois méconnus

« Notre travail avec les autres services a démarré en 2014. Le groupe pluridis­ciplinaire a réuni dès le début médecins, infirmières, conseillers en prévention… Nous avons d’abord souhaité renforcer nos connaissances sur ce sujet. Un gros travail bibliographique a été réalisé pour recen­ser, sur la base d’études scientifiques, les risques connus auxquels les femmes enceintes peuvent être exposées dans leur activité professionnelle », poursuit Laurent Lampin. Dans un second temps, le groupe a souhaité rencontrer gynéco­logues et sage-femmes pour leur expli­quer comment les services de préven­tion et santé au travail pouvaient prendre le relais pour accompagner les femmes sur des questions liées à leur activité professionnelle. L’occasion aussi pour la MSA d’aborder des risques parfois méconnus des professionnels de santé, par exemple la possible transmission de la fièvre Q de l’animal à l’éleveuse ou à toute femme travaillant en contact avec des élevages, avec un risque d’avorte­ment ou d’accouchement prématuré.

Un quizz pour les femmes

« Nous nous sommes ensuite questionnés sur comment informer les femmes, pour­suit le conseiller. Nous avons construit un quizz sur le thème “mon travail : quels risques pour ma grossesse ? ” sous un format un peu ludique. Celui-ci permet, en fonction du nombre de points obtenus, d’évaluer si la personne est exposée à des risques et de lui conseiller si nécessaire de prendre contact avec un professionnel de santé au travail. » Le quizz en version papier est distribué dans les salles d’at­tente, les pharmacies, les laboratoires d’analyses médicales… Il est aussi ac­cessible en ligne [voir le QR code à la fin de cet article, ndlr].

Un document spécifique a également été élaboré pour les employeurs : le cadre rose. Ce document a été conçu pour aider les employeurs à repérer les si­tuations de travail problématiques pour la grossesse et identifier les postes à faibles risques, ceci afin de favoriser le maintien de la salariée dans l’entreprise. « Anticiper permet souvent une meilleure adaptation du poste et évite le recours au principe de précaution systématique », précise ce document.

« Tricoter du sur-mesure » pour les agricultrices

Pour le docteur Claire Jannel, méde­cin du travail à la MSA ADL, le cadre rose peut également être utilisé par les agricultrices pour évaluer les risques auxquels elles s’exposent durant leur grossesse. Si les exploitantes l’ignorent parfois, elles ont la possibilité de deman­der un rendez-vous auprès du médecin du travail de la MSA (pour le territoire Ar­dèche-Drôme-Loire, appelez le service de santé au travail au 04 75 75 68 67). « Je les invite à ne pas se dire d’emblée qu’on va simplement leur annoncer que leur métier les expose à des risques. Notre mission, c’est de tricoter avec elles du sur-mesure, d’identifier comment elles pourraient faire différemment. Nous ne leur interdisons rien, nous ne leur imposons rien, c’est vraiment du conseil pur », explique le docteur Jannel. Une rencontre avec un médecin du travail, voire une visite sur l’exploitation du service prévention et santé au travail, peut permettre de mieux cerner les risques. « L’idée, c’est vraiment d’anticiper et de se demander “qui pourrait me remplacer” par exemple pour réaliser du débroussaillage en pleine chaleur l’été, pour donner l’antiparasitaire aux animaux, pour distribuer l’alimenta­tion si elle contient des antibiotiques… », poursuit la médecin du travail.

À savoir également pour les agricul­trices : au cours de la grossesse et en dehors de la période légale du congé maternité qui prévoit une allocation de remplacement, il est possible de se tour­ner vers le service d’action sanitaire et sociale de la MSA. Un soutien financier peut être envisagé sous certaines condi­tions si un recours au remplacement s’avère nécessaire pour certaines tâches (contact : 04 75 75 68 95).

Sophie Sabot

1. Sondage Odoxa - 2015.

QR code

Scanner ce QR code pour accéder au quizz en ligne « mon travail : quels risques pour ma grossesse ? »

Succès national

La démarche « grossesse et travail » initiée en Drôme et Ardèche a depuis essaimé à l’échelle nationale. « Nous avons reçu de nombreuses demandes de nos collègues des autres MSA. En mai et juin dernier, nous avons ainsi formé au cours de webinaires 107 collaborateurs de MSA, soit 29 caisses sur les 35 présentes au niveau national », indique Laurent Lampin.

La grossesse, une "péripétie positive" de la vie de l’entreprise
Aux serres de Commières à Vougy (42), le personnel est majoritairement féminin. © P.Pornet
POINT DE VUE

La grossesse, une "péripétie positive" de la vie de l’entreprise

En famille ou dans leur entreprise, les élus de la MSA constatent la nécessité de bien accompagner les femmes pour concilier grossesse et travail. Témoignage de Patrick Pornet, élu dans la Loire et d’Isabelle Boulon, élue en Ardèche.

Patrick Pornet, gérant de l’Earl Les serres de Commières à Vougy (42), est également élu de la MSA Ar­dèche-Drôme-Loire, au sein du collège employeur. « Sur notre exploitation hor­ticole, nous avons un poste administra­tif, quatre postes en production dont une femme et sept postes pour le point de vente dont six femmes qui aident aussi en pro­duction aux périodes de pointe », précise-t-il. Apprenti puis salarié de l’exploitation avant d’en devenir gérant, Patrick Pornet a connu plusieurs annonces de grossesse parmi ses collègues. « Quand une salariée va mettre au monde un enfant, cela bou­leverse forcément l’entreprise. Mais c’est une péripétie qui fait partie de celles que toute entreprise traverse et qu’il faut savoir anticiper », estime-t-il. Tout l’enjeu, selon lui, est que la pression d’une grossesse annoncée ne pèse ni sur les salariés qui restent, ni sur la salariée enceinte qui ne doit pas redouter « d’embêter ses collègues parce qu’elle ne peut plus faire certaines choses ».

Difficile toutefois d’aborder ces questions tant que l’annonce n’est pas officielle. Parfois, au détour d’un entretien, si la salariée lui semble prête à aborder le sujet, il pose une simple question : « Si demain on avait cette belle nouvelle, com­ment verrais-tu qu’on puisse t’accompa­gner dans ton travail ? ». Et de préciser : « Je le réfléchis avec elle plutôt en tant que collègue car on est beaucoup plus fort de propositions quand on parle avec son collègue de travail qu’avec son employeur. Malgré tout, l’employeur est là pour trouver des solutions, c’est son rôle ».

Former les employeurs

Si la grossesse s’annonce, l’horticulteur applique la méthode du tuilage. « Les compétences en interne sont souvent des solutions à portée de main », résume-t-il. Son idée, c’est que la salariée qui devra s’absenter ou limiter certaines tâches puisse transmettre les spécificités de son poste à un ou une collègue. « Ensuite, nous faisons appel à un recrutement en CDD pour palier la charge de travail durant son ab­sence ou à un contrat de professionnalisa­tion si la salariée nous indique qu’elle sou­haite poursuivre son congés maternité par un congés parental. » Pour lui, la formation des employeurs est importante, pour les aider à gérer au mieux cette « péri­pétie positive de la vie de l’en­treprise ». En tant qu’élu MSA, il tient particulièrement à ce qu’on reconnaisse la place des femmes en agriculture. « Elles ont un rôle primordial, elles ont souvent les épaules très larges pour assumer tout ce qui repose sur elles en plus d’être maman, commente Patrick Pornet. Et la MSA, au travers des dispo­sitifs qu’elle porte, a un rôle crucial pour les accompagner. »

« Le corps des femmes encaisse »

À Jaunac en Ardèche, Isabelle Boulon, retraitée, maman de quatre enfants et désormais grand-mère, reconnaît qu’à son époque on ne se souciait pas assez de prévention. « J’ai eu des grossesses qui se sont très bien passées mais c’est vrai qu’on ne réalise pas à quel point, entre travail et maternité, le corps des femmes encaisse », souligne celle qui est aujourd’hui présidente du comité départemental MSA de l’Ardèche. Tour à tour cheffe d’exploitation, conjointe collaboratrice, salariée d’organisations professionnelles agricoles, Isabelle Bou­lon pense désormais à la nouvelle géné­ration. Elle se réjouit que sa fille Thérèse ait pu bénéficier de conseils de prévention durant ses grossesses, notam­ment pour sa petite dernière qui a aujourd’hui deux ans et demi. « Thérèse a repris l’exploitation familiale (caprin avec transforma­tion fromagère) en janvier dernier après en avoir été salariée. Durant sa grossesse, elle a rencontré le médecin du travail de la MSA près de chez elle à l’occasion d’une permanence. On lui a expliqué comment porter des choses lourdes, comment apprendre à se baisser, à se protéger... C’est souvent pas grand-chose, de pe­tits gestes mais qui permettent, en respectant son corps, d’avoir une vie plus sereine après. » Isabelle Boulon insiste aussi sur la possibilité de faire venir sur l’exploitation un conseiller en prévention des risques professionnels, qui pourra délivrer des conseils. Et elle insiste : « Il ne faut vraiment pas hésiter à solliciter la MSA durant sa grossesse, soit en contactant directement les services, soit en se tournant vers le délégué cantonal ».

Sophie Sabot

"On a tendance à ne pas se plaindre et à surmonter les épreuves"
Pauline Moya, maraichère bio, conseille d’être attentive aux signaux de son corps pour bien vivre sa grossesse tout en travaillant. © P. Moya
TÉMOIGNAGES

"On a tendance à ne pas se plaindre et à surmonter les épreuves"

L’activité agricole, souvent intense, n’offre pas toujours le temps nécessaire pour prendre soin de soi. Deux agricultrices témoignent pourtant de la nécessité de s’interroger sur les aménagements indispensables de son travail durant sa grossesse.

Le 1er juin dernier, à l’occasion de la journée de la santé des femmes, organisée à Nyons par la MSA Ardèche-Drôme-Loire, une éleveuse d’une quarantaine d’années, installée dans les Baronnies, a confié ce qu’elle avait vécu lors de sa dernière grossesse. « Mon enfant est né sur la ferme, dans le salon, ça aurait pu être dans la chèvrerie… car on continue à travailler, à porter du poids, on ne s’écoute pas. On n’est pas considéré comme des femmes en situation de faiblesse. On a tendance à ne pas se plaindre et à surmonter les épreuves. C’est ce que j’ai fait brillamment et je suis tombée aussi brillamment, raconte la jeune femme. J’ai subi un déchirement interne et j’ai fait un burn out. On ne trouvait pas d’explication à ce qui se passait. En fait, c’était un épuisement professionnel dû à une grossesse maltraitée. Quelques semaines avant l’accouchement, je tirais une dalle avec mon père et mon compagnon qui n’avaient pas l’air de trouver ça anormal. On a tendance à ne pas trop s’exprimer sur ce genre de chose. Quinze jours avant d’accoucher, je faisais aussi des travaux, j’ai repeint la maison. Mais c’est important de se rendre compte qu’il y a des limites à tout ça et d’être entourée, renseignée par des professionnels. Avec leur discours, on se dit “ah ben oui quand même c’était grave, c’était très grave”. » Après avoir découvert l’action grossesse et travail de la MSA le 1er juin à Nyons, l’éleveuse est enthousiaste. « C’est génial cette action, commente-t-elle. Je suis là avec mes filles, pour qu’elles se servent de mon expérience qui a été dramatique, pour avoir une meilleure vie en tant que femme dans nos fermes. »

Savoir déléguer et faire des pauses

À Montoison, Pauline Moya, maraichère bio sur 3 ha (dont 5 000 m² de fraisiers), insiste aussi sur la nécessité de savoir « déléguer des tâches ». « Ma grossesse s’est déroulée en plein covid. J’ai pu compter sur la présence de mon mari dont l’activité professionnelle s’est provisoirement arrêtée pendant le confinement et sur mes salariés. Je leur confiais notamment les tâches qui nécessitaient d’être pliée en deux », confie Pauline. La jeune femme estime que sa grossesse s’est « super bien passée ». Mais elle reconnaît qu’elle a été attentive aux signaux de son corps. « C’est vrai que la grossesse peut nous donner plein d’énergie. Mais il y a aussi des coups de barre. Il faut savoir s’arrêter alors, aller se coucher un court moment si nécessaire. C’est aussi l’avantage d’être son propre patron. S’écouter et respecter ce besoin de repos, c’est ce qui permet de continuer à travailler plus longtemps », témoigne-t-elle. Quand est arrivé le temps du congé maternité, elle a pu bénéficier de l’allocation de remplacement maternité (lire ci-contre), versée par la MSA directement auprès du service de remplacement. « J’ai pu, via le service de remplacement, engager un salarié qui avait déjà travaillé sur l’exploitation et que j’avais pu former », souligne Pauline Moya. Ainsi, tout en gardant un oeil sur son exploitation, elle a pu sereinement profiter de l’arrivée de son premier enfant.

Sophie Sabot

SANTÉ DES FEMMES / Un rendez-vous à Nyons

Le 1er juin, à Nyons (26), la MSA Ardèche- Drôme-Loire a organisé une journée de la santé dédiée aux femmes. Une centaine de participantes sont venues rencontrer les professionnels sur place. Trente-trois femmes s’étaient notamment inscrites pour bénéficier d’une séance de prévention avec Sophie Pons, dermatologue au sein du syndicat national des dermatologues. Objectif : prévenir les risques de cancer de la peau. Le service sanitaire et social a présenté son action telles que l’aide au répit en cas d’épuisement professionnel ou encore sa formation dédiée aux couples.

L’action « Grossesse et travail » portée par la MSA et ses partenaires était également présentée.

Sur le volet prévention, Christine Thoral, vice-présidente de l’association Agir contre le cancer (ACC 26), a montré les gestes d’autopalpation sur un buste de mannequin afin de sensibiliser au cancer du sein. Une gynécologue, des médecins, un psychologue de la Maison de santé pluridisciplinaire des Baronnies étaient aussi présents pour cette journée.

NOTEZ-LE / Des dispositifs durant la grossesse

Différents dispostifs peuvent être sollicités en lien avec la MSA. En voici la liste :

- Un rendez-vous avec le médecin du travail et/ou avec le service prévention et santé au travail pour étudier les aménagements de poste possibles. Contact : 04 75 75 68 67.

- Le calendrier «J’attends un enfant», qui accompagne les femmes dans leurs démarches durant leur grossesse mois par mois, à retrouver sur www.msa.fr/ lfp/j-attends-un-enfant.

- L’aide au maintien de l’autonomie des familles dont l’équilibre est momentanément affecté et pour lesquelles des difficultés sociales de courte durée nécessitent la réalisation de tâches matérielles. Les interventions sont effectuées par un auxiliaire de vie sociale (AVS) ou par un technicien de l’intervention sociale et familiale (TISF). L’instruction des dossiers est réalisée par la structure d’aide à domicile qui détermine en accord avec la famille le niveau d’intervention.

- Le remplacement durant le congés maternité par le service de remplacement pour les femmes cheffe d’exploitation, associée, aide familiale, collaboratrice d’exploitation...

En 2023 :

- en Drôme, 26 agricultrices ont bénéficié d’un remplacement pour congés maternité soit 2 250 journées de remplacement réalisées.

- en Ardèche, 14 agricultrices ont bénéficié du service de remplacement pour congé maternité pour un nombre de jours total de 1 014 jours.

- Dans la Loire, 16 agricultrices ont été remplacées durant leur congés maternité.

La MSA Ardèche-Drôme-Loire a ainsi versé en 2023 un total de 865 278 euros d’allocation de remplacement de maternité.