ITAVI
Les enjeux sanitaires en poules pondeuses demeurent préoccupants
L’institut technique de l’aviculture (Itavi) a organisé une journée sur l’élevage de poules pondeuses le 4 avril à Valence (Drôme). Les salmonelles, dont le taux de prévalence reste fort en Auvergne-Rhône-Alpes, préoccupent les éleveurs et l’administration. Même s’il est tôt pour dresser un bilan, les débuts de la vaccination laissent espérer une amélioration de la situation.
En Europe, la salmonellose humaine est la deuxième maladie zoonotique la plus fréquente. Les volailles, porteurs sains de salmonelles, sont une source potentielle de contamination via les aliments ou l’environnement. Un règlement européen vise à les contrôler de façon à maintenir la prévalence à moins de 2 % des effectifs de poules pondeuses infectées. Un taux qui, s’il n’est pas atteint, permet à l’État de percevoir des fonds européens pour couvrir 50 % des indemnisations pour les élevages contaminés où les troupeaux sont abattus. En France, en 2020, la prévalence des troupeaux de poules pondeuses infectées par un sérotype Salmonella réglementé était de 2,56 % et de 2,34 % en 2021. Isabelle Tapie, référente nationale au bureau santé animale à la direction générale de l’alimentation (DGAL), a rappelé que « ce taux de prévalence pour les pondeuses a été réduit à 1,97 % en 2022, mais que les estimations pour 2023 montrent une nouvelle augmentation à 2,27 % (le sérotype Enteritidis étant majoritaire) ». Les évolutions sont très disparates selon les régions et Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) demeure celle où le nombre de foyers est le plus important. « En 2023, sur les mises en place en poules pondeuses en Aura, nous avons réalisé des dépistages sur 1075 bandes parmi lesquelles 47 (pour 36 établissements) ont été détectées contaminées par S Enteritidis à 80 % et S Typhymurium, ce qui représente un taux de prévalence de 4,37 % », a précisé Isabelle Tapie.
Saisine de l’Anses
La présentation de ces résultats a suscité des critiques de la plupart des professionnels avicoles. Les termes de la saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sont réapparus dans le débat. L’Anses a été saisie le 4 mai 2021 par la Direction générale de l’alimentation sur les modalités de surveillance des salmonelles en filière avicole qui est toujours en cours. Le Comité national de l’oeuf (CNPO) a été auditionné en février dernier sur les modalités de ce dépistage dans les élevages de pondeuses. Nombre de professionnels remettent en cause la pertinence des prélèvements par chiffonnettes de surface, réalisés dans le bâtiment, arguant qu’ils ne refléteraient pas l’état sanitaire du troupeau. Le dépistage est réalisé effectivement à partir de prélèvements de type fientes, auxquels peuvent se rajouter des prélèvements de surface selon les départements.
Simplification de la vaccination
L’importance des taux de prévalence en France, et notamment en région Aura, ont aiguisé la volonté d’inciter à la vaccination. L’arrêté du 27 février 2023 a permis l’ouverture de la vaccination avec des vaccins vivants contre les salmonelles. Dans les élevages de pondeuses, ils sont administrés avec précaution dans l’eau de boisson. La France a tardé à accepter cette utilisation de vaccins vivants alors que depuis plusieurs années beaucoup de pays européens
(Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Belgique…) utilisent cette méthode de lutte contre la salmonellose. Le dépistage a évolué pour distinguer les souches vaccinales des souches sauvages en cas de contrôle positif et seuls les vaccins avec une AMM sont autorisés. Selon les données des fabricants de vaccins, 40 % des poules pondeuses ont été vaccinées dont 60 % avec du vaccin vivant. En région Aura, sur 642 mises en place en 2023, la vaccination aurait été réalisée seulement dans 16 % des cas. Pour 63 % des cas, il n’y a pas eu de vaccination, et pour 137 bandes, l’information n’a pas été renseignée.
L. Gouverne
Salmonella
Les entérobactéries du genre Salmonella sont des bactéries présentes dans l’intestin des animaux qui peuvent contaminer l’environnement via leurs matières fécales. L’espèce Salmonella enterica comprend six sous-espèces (la plus fréquente étant Salmonella enterica subsp. Enterica), elles-mêmes divisées en de nombreux sérovars : Enteritidis, Kentucky, Infantis, Typhymurium, etc. Ces bactéries résistent au froid (elles ne sont pas détruites au congélateur) mais sont tuées par la chaleur. Les salmonelles peuvent provoquer une toxi-infection alimentaire : la salmonellose.
Les évolutions
L’arrêté du 27 février 2023 a modifié diverses dispositions, parmi lesquelles :
• Un contrôle de la qualité de l’eau une fois par an pour les élevages non chartés (adhérents à la charte sanitaire) qui utilisent l’eau d’un forage privé.
• Contrôle de l’aliment : suppression pour les élevages de plus de 30 000 pondeuses de l’obligation de détenir des documents du plan de maîtrise sanitaire de leur fournisseur.
• Arrêt des prélèvements de confirmation pour les élevages de reproducteurs.
• Dépistage pour les reproducteurs à l’élevage toutes les trois semaines.
• Nouvelles obligations pour les élevages infectés (information des intervenants en lien avec le foyers, renforcement de la biosécurité et surveillance renforcée des troupeaux de pondeuses maintenus dans l’élevage).
• Nouvelles règles pour l’utilisation des vaccins vivants :
- uniquement avec des vaccins disposant d’une AMM,
- vaccination réalisée dans des élevages de futures pondeuses chartés, et à destination d’élevages de poules pondeuses chartés ou ayant fait l’objet d’une inspection officielle favorable au titre de la biosécurité
Plus de dommages du bréchet en volières
Les accidents et collisions avec le matériel subis par les pondeuses, notamment dans les systèmes alternatifs à la cage, occasionnent des dommages divers sur le bréchet et contribuent au mal-être des volailles. Bilan d’études sur les facteurs de risques de ces dommages.
Tous systèmes d’élevages confondus, les dommages du bréchet peuvent concerner de 30 à 96 % des poules pondeuses d’un atelier. Des données peu précises qui reflètent les incertitudes quant à ces dommages pouvant correspondre à une fracture nette, une fracture partielle, une fracture avec déplacement, une micro-fracture, ou une déviation. Des blessures qui induisent des troubles du comportement et de la douleur. Sans surprise, ces accidents sont plus nombreux dans les systèmes alternatifs, comme les volières, que dans les cages. Une étude (sur 50 volatiles de cinq élevages français en volière) dénommée « Évolution », et dont les résultats ont été présentés par Laurine Messager, chargée de mission bien-être animal à l’Itavi, a montré que des fractures étaient identifiées sur 2 % des pondeuses à 23 semaines d’âge contre 11 % à 60 semaines ; pour les déviations du bréchet les occurrences sont de 10 % à 23 semaines, et 28 % à 60 semaines. De plus, la part importante de fractures du bréchet à 60 semaines se rencontre dans des volières en rangées. Elles sont moindres dans une volière pyramidale. Ces constatations ont été réalisées par palpations qui ne peuvent permettre de sentir les micro-fractures ou les fractures récentes qui ne présentent pas de cal osseux.
Facteurs de risques
Les facteurs de risques sont interdépendants, ils correspondent à l’intensité et la précocité de la ponte, au poids du premier oeuf, à la nutrition ou bien à la forme et matière du perchoir. Diverses études ont montré une apparition maximale de nouvelles fractures vers 30 semaines d’âge soit au pic de ponte. À noter que l’intensité de ponte provoque une mobilisation de la réserve osseuse de 10 à 40 % chaque jour. Par ailleurs, plus l’âge du premier oeuf est précoce et plus l’arrêt de la recharge en calcium de la partie médullaire est précoce. Ainsi, le risque est réduit de 13 % pour chaque semaine d’âge où le début de la ponte est retardé (Thøfner et al., 2021). Enfin, la ponte de gros oeufs exerce une force importante sur la partie caudale et augmente les risques pour le bréchet.
Améliorations possibles
Puisqu’il n’y a pas de solution pour réduire la douleur des pondeuses par lots, il s’agit de trouver des mesures de prévention. Prendre soin de la santé osseuse des poules est indispensable. Un apport de vitamine D3 et de particules grossières de carbonate de calcium, qui permettent un effet retard de la biodisponibilité du calcium alimentaire, plus en phase avec la période de construction de la coquille (la nuit), sont préconisés. Par ailleurs, dans les volières les perchoirs en forme de champignon plus larges permettent aux doigts de se recourber. Ils sont plus indiqués que les perchoirs ronds et lisses sur lesquels les volatiles glissent à l’atterrissage. De plus, l’angle d’approche optimal entre perchoirs et mur doit être de 45° avec un espace suffisant. Enfin, il a été observé que jusqu’à huit semaines d’âge, les poulettes apprennent à estimer les distances et acquièrent les facultés de coordination nécessaires. Celles qui peuvent se percher très tôt voient le risque de fracture du bréchet se réduire à l’âge adulte. Pour conclure, Laurine Messager a rappelé qu’il manque une évaluation plus précise de l’effet des dommages du bréchet (en fonction de la gravité) à la fois sur le bien-être des poules pondeuses, mais aussi sur les performances technico-économiques. Le projet PouleBREAK développant une imagerie simple et efficace à utiliser sur le terrain pour évaluer les dommages et étudiant le comportement des poules pour la détection précoce des fractures constituera une avancée.