PETITS FRUITS
La Drosophila suzukii devenue ennemi numéro un des myrtilles

Marine Martin
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C’est l’été et donc la saison des myrtilles. Seulement, les cueilleurs de la montagne ardéchoise font face à une invasion de Drosophila suzukii inédite cette année. On fait le point.

La Drosophila suzukii devenue ennemi numéro un des myrtilles
©Francis_Giraud

« Des nuées » qui s’envolent à l’approche des cueilleurs parés de leurs peignes. Mais la bataille est perdue d’avance. Du jamais-vu selon les producteurs de myrtilles, unanimes. « Chaque année, cela s’amplifie », constate impuissant Baptiste Teyssier, qui récole sur la commune de Mézilhac et dont les landes couvrent une soixantaine d’hectares. « En trois jours, l'invasion s’est accentuée, on ne peut pas les rattraper. En plus, celles qui sont piquées passent à travers le peigne. Le tri nous prend d’habitude une heure à sept, alors que là, c’est plutôt 4 heures de tri. »
L’explication est à chercher du côté du climat : « Nous avons eu une année humide avec des températures oscillantes entre 12e et 25 degrés. La drosophile disparaît quand les mâles sont infertiles. Pour cela, il faut 5 jours réguliers à plus de 30 degrés. C’était le cas, l’été, il y a encore deux ans », explique Francis Giraud, président de l’Association de la Myrtille Sauvage d’Ardèche et producteur.
Alors, cette année, avec une végétation luxuriante, la Drosophile s’en donne à cœur joie. Résultat, la récolte est « catastrophique » : « Cette année, nous devions doubler notre récolte par rapport à celle de l’an dernier. Mais là, nous avons attaqué lundi (22 juillet) et dans quatre jours, c’est fini », déplore Baptiste Teyssier. Le producteur a été obligé d’attaquer le début de la cueillette par les parcelles avec lesquelles il finit d’habitude. « On se dépêche de ramasser : les landes sont à moitié vertes et déjà piquées ». Un compte à rebours lancé pour sauver une maigre récolte : il compte récolter environ entre 1 tonne et 1.5 tonne. « Il y a quelques années, nous faisions une dizaine de tonnes par an, c’est monté jusqu’à 27 tonnes à 8 ou 9 euros le kilo ». Cette époque semble, en effet, lointaine, tant, la Drosophile ne fait pas de quartier.
Même son de cloche du côté de Marcols-les-eaux ou François Blache a engagé lui aussi un contre-la-montre avec la Drosophile, même s’il ne se fait pas d’illusions. « La Drosophile ira plus vite que nous ». Sur ses 16 ha, il attendait une récolte entre 30 et 40 % d’une récolte normale. S’il arrive à en tirer 10 %, ce sera le bout du monde. Pourtant, lui qui a ses landes entre 1000 et 1300 mètres d’altitudes l’affirme : la quantité est là sur les petits arbrisseaux. Seulement, « au tri, il y aura beaucoup de déchets. Ce ne sera pas une production qualitative. Pour la confiture ou des glaces, ça passe, mais pas pour des tartelettes, » explique celui qui compte parmi ses clients, des confituriers, mais aussi des pâtissiers. 
Francis Giraud, a de son côté jeté l’éponge pour cette année. « J’ai commencé fin juin sous les châtaigniers et j’ai eu très vite, de la Drosophile. Je vais peut-être en vendre 150 kilos cette année. Mais même à 12 euros le kilo, on ne gagne pas sa vie : si on fait le calcul entre la cueillette, le tri et la vente, nous sommes à 4 euros de l’heure », alerte t’il. 

Une situation qu’il déplore, d’autant plus que la Région et le Parc Naturel Régional, ont contribué en subventionnant, à valoriser et reconquérir les landes, par exemple en nettoyant les parcelles pour les rendre ensoleillées, et éviter les coins d’ombre fournis par les arbres et bosquets, refuges privilégiés des drosophiles. « On a fait tout ce qu’il fallait faire pour faire évoluer la myrtille en Ardèche. Et maintenant qu’allons-nous faire ? », s’interroge Francis Giraud.

Quel avenir pour la myrtille sauvage d’Ardèche ?

Aux députés de l’Ardèche, il lance un appel : « La myrtille est un produit sauvage, nous n’avons pas d’aides. Il faut donner un coup de pouce aux jeunes qui s’installent, qui ont 2 ou 3 ha et qui n’ont pas le fruit de leur travail. Ça va se perdre, on ne peut pas tenir », prévient-il. « C’est dommage, car c’est un fruit emblématique d’Ardèche et un revenu complémentaire », regrette Baptiste Teyssier.
« On attend beaucoup de l’expérimentation qui est en cours sur les cerises au sujet du parasitoïde (micro-gûepe Ganaspis) qui lutte contre la mouche », dévoile Francois Blache.
Au quotidien, les producteurs sont las. « Chaque année, nous avons de la Drosophile : au niveau moral, motivation, c’est dur. Il faut soutenir la production, même si les prix sont élevés, car sinon, nous baisserons les bras. C’est regrettable, car c’est un produit qui se vend comme des petits pains », conclut François Blache.
Mais c’est bien la crainte de voir s'effriter un fragment de l'identité et du patrimoine de l’Ardèche qui se joue ici.

M.M

Des myrtilles au marché de Mezilhac le 3 août ? 

Le marché de la myrtille approche à grands pas. Selon les producteurs, il devrait « manquer l’actrice principale », à savoir, la myrtille fraîche. « C’est dommage, car les exposants et les clients viennent de loin », indique Francis Giraud.