PPAM
Malgré la conjoncture économique, les Ppam d'Ardèche résistent

Marine Martin
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Au-delà des producteurs de lavandes et lavandins, la filière Plantes à parfums aromatiques et médicinales (Ppam) d’Ardèche tire son épingle du jeu dans une conjoncture économique pour l’ensemble morose.

Malgré la conjoncture économique, les Ppam d'Ardèche résistent
Culture d'escscholtzia californica à Bise ©Rascle_jean claude

Des aléas climatiques aux aléas économiques

« Tout est compliqué, le marché, le climat qui n’est pas là… Le manque de soleil provoque un manque de maturité et les plantes ne poussent pas. Nous irriguons pour compenser. En ce moment, début juillet, c’est la grosse période pour l’Arnica et il n’y a pas assez de quantités… », témoigne Marc Mirabel, président de la SICA Viva-Plantes, une coopérative basée à Vals-les-Bains dont la production est « 100 % bio » et qui regroupe environ 95 adhérents. Les adhérents sont des producteurs en monoculture ou en polyculture, des cultivateurs et/ou des cueilleurs. « Nos clients sont des laboratoires, des grossistes, des petits magasins », précise-t-il.

Le poids de l’inflation

En ce début d’année, les précipitations ont pu impacter défavorablement la production. Sécheresse à répétition et pluies abondantes, un yo-yo qui, sur le long terme, a abîmé certaines productions. Au-delà des conditions climatiques, parfois délicates, la conjoncture économique actuelle, aussi, est en dents de scie. Dans un contexte économique inflationniste, multifactoriel, et de surcroît pour le marché des Ppam bio, la situation se tend. « Le marché du bio a été mis à rude épreuve depuis le Covid. La hausse des coûts de l’énergie, du gaz, de l’électricité, qui nous servent pour congeler ou sécher les plantes, et la guerre en Ukraine ont impacté les prix ; résultat, les stocks sont importants chez nos clients », explique Marc Mirabel.

Même son de cloche du côté de Pam Ardèche. Didier Blache, gérant de la SARL qui regroupe aujourd’hui 11 associés et une cinquantaine d’apporteurs, témoigne : « Sur les cultures, on subit l’inflation de plein fouet. Concernant les plantes sèches, leur prix est trop bas et pas assez rémunérateur. Il y a des plantes comme la mélisse, l’origan, le thym, dont le marché est saturé. Il y a quelques années tout le monde en voulait, désormais, c’est compliqué. Nous travaillons depuis longtemps avec nos clients, mais nous avons eu des clients qui ont changé de main. Il y a de la concurrence aussi sur les plantes fraîches, car il faut répondre à des appels d’offres européens, donc la concurrence est internationale », constate Didier Blache.

Déréférencement de l’homéopathie

Le marché de l’homéopathie a largement baissé du fait que cette « médecine douce » ne soit plus remboursée par la sécurité sociale. « Heureusement, ce n’est pas un gros marché pour nous », relativise Guillaume Balay, responsable chez Pam Ardèche. « Nous avons l’avantage de travailler avec tous les domaines qui ont besoin de plantes : laboratoires, cosmétique, herboristerie, extraction végétale, agroalimentaire, pharmacie, compléments alimentaires », énumère le responsable. « En herboristerie, nous avons vécu une croissance parfois à deux chiffres pendant plus de 20 ans sur les marchés biologiques, tendance qui a subi un fort revers avec la crise inflationniste ; le marché revient aujourd’hui à un taux de croissance faible. Dans l’industrie de l’extraction, c’est plus stable et il semble y avoir une baisse de la croissance, mais moins marquée », analyse-t-il. « Ce qui rassure nos clients industriels, c’est avant tout des produits analysés en pesticides, métaux lourds, HAP, AP et microbio. Il y a d’ailleurs un gros problème avec les nouvelles normes sur les AP (alcaloïdes pyrrolizidiniques), des normes extrêmement basses. Concernant les produits alimentaires, nos petites cultures avec beaucoup de main-d’œuvre semblent se démarquer à ce niveau, grâce à un désherbage méticuleux. »

Se démarquer grâce à la diversité des plantes…

Avec ses territoires escarpés, en Ardèche, les parcelles de PPAM (hors lavande-lavandin) sont de dimensions réduites et difficilement mécanisables. La SICA Viva-Plantes cultive 150 variétés différentes et PAM Ardèche en compte 120. « Dans la filière des plantes sèches, il y a plus de producteurs, mais moins de surfaces cultivées comparées à la production de lavande et lavandin », explique Renaud Pradon, conseiller à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. « La production de plantes de grandes cultures fortement mécanisées est certes généralement moins concurrentielle que dans d’autres départements à cause du relief, mais nous pouvons nous démarquer sur des cultures nécessitant davantage de main-d’œuvre », développe Guillaume Balay. « De plus en plus de clients recherchent de l’origine France, bio, voire commerce équitable tant pour des questions de valeurs, d’image et de sécurité des approvisionnements. »

… Et tirer son épingle du jeu entre cueillette et culture

D’un autre côté, la cueillette constitue une autre corde à l’arc des PPAM en Ardèche. « Pour se démarquer, il faut miser sur la cueillette », affirme Didier Blache. Elle permet de se distinguer par la qualité, mais aussi par des propriétés avantageuses. Sur certaines plantes comme le thym, trop concurrentiel en culture, Viva-Plantes continue la cueillette une fois tous les deux ans. « On se défend sur la qualité et un savoir-faire pour nos clients, notamment avec le label "Bio équitable en France". Le thym sauvage possède des propriétés différentes et de meilleures qualités », affirme Marc Mirabel.

La cueillette est plus flexible, mais son caractère aléatoire en fait un frein pour l’anticipation des ventes sur les marchés. « Le marché est très réactif, nous ramassons les plantes au jour le jour. Mais il faut également prévoir suffisamment à l’avance, et nous préférons contractualiser nos plants et cultures pour mieux fidéliser nos clients. Aujourd’hui, la culture pour Viva-Plantes concerne surtout l’achillée millefeuille et, en phase de test, l’arnica. Chaque année, nous lançons de nouvelles cultures, car la cueillette est trop aléatoire. Nos cultivateurs se spécialisent dans certaines cultures en fonction du terroir », développe le président de Viva-Plantes. La mise en culture présente l’avantage d’une meilleure visibilité sur le rendement et permet ainsi de pouvoir anticiper. « Les cultures pérennes peuvent durer six ans, il faut donc un marché que nous essayons de sécuriser via le commerce équitable, avec des engagements sur quatre ans. Le client s’engage sur un volume et à prendre la récolte durant quatre ans, basé sur des coûts de production qui peuvent être revalorisés », ajoute Guillaume Balay.

Entre culture et cueillette, les producteurs de PPAM naviguent de l’une à l’autre, chacune présentant des avantages et des inconvénients.

Bourgeons, arnica et rhubarbe ont le vent en poupe

Pour Viva-Plantes et Pam Ardèche, la vente de bourgeons pour la gemmothérapie, notamment de hêtre, dont la récolte en cueillette s’effectue en mars-avril, permet de tirer son épingle du jeu. Bien qu’il y ait plus de 150 variétés différentes représentées dans la coopérative, les plantes phares sont l’arnica, le bourgeon de hêtre, la bruyère, ainsi que l’angélique et le sureau. « La bruyère peut être un atout supplémentaire pour nous, et nous espérons nous agrandir encore et attirer les jeunes pour que d’autres cultivateurs cueilleurs prennent la relève », souligne Marc Mirabel.

Pam Ardèche se distingue également par la vente de bourgeons. « Les bourgeons représentent un quart du chiffre d’affaires de la SARL. C’est notre plus grosse commande, environ deux tonnes, car ils entrent dans la composition de produits de beauté », révèle Didier Blache. En 2023, Pam Ardèche a été bénéficiaire, contrairement aux deux années précédentes. Le premier semestre de 2024 annonce un chiffre d’affaires semblable, « grâce aux bourgeons ».

Pam Ardèche réalise également de plus en plus de transformations. « En 2018, nous avons investi dans une batteuse, et cette année, nous avons également acheté une nouvelle coupeuse et un broyeur pour transformer les plantes sèches. Coupées, broyées, triées. Nous pouvons tirer notre épingle du jeu grâce à la diversité des variétés, à la cueillette, à la réactivité et au rapport qualité-prix », résume Guillaume Balay.

La rhubarbe, une PPAM comme les autres ?

Bien que la rhubarbe soit souvent associée aux champs des maraîchers, elle fait également partie des Ppam et devient même une activité primordiale pour les Ppam d’Ardèche. Aujourd’hui employée dans l’industrie agroalimentaire, elle était à l'origine utilisée à des fins médicinales, il y a quelques siècles, avant de faire son entrée dans nos cuisines. « Cette année, nous en avons produit 15 tonnes, peut-être 30 l’an prochain », se réjouit Didier Blache.

Dans l’ensemble, « bien que la situation reste difficile, il y a une demande pour les plantes. L’avantage est qu’il existe une grande diversité d’espèces, donc même si certaines plantes fonctionnent moins bien, d’autres prennent le relais », conclut Renaud Pradon, conseiller à la Chambre d’agriculture. Une richesse qui permet aux PPAM d’Ardèche de s’en sortir malgré une conjoncture économique difficile.

N.D.L.R. : Dans une prochaine édition, un article sera consacré à la production de lavande et de lavandin, revenant sur les difficultés de la filière dans un contexte économique particulièrement défavorable.

Marine Martin

 

CULTURE

La difficile culture de l’Arnica montana

Des plants qui déprissent sans savoir pourquoi… La culture de l’Arnica Montana (variété suisse) dont le marché se montre florissant, est récalcitrante à la culture.

Sauvage, ça pousse tout seul, mais concernant la récolte, pour les producteurs, c’est une autre paire de manches…

Pour que l’Arnica ait une chance de s’épanouir, il faut « un sol avec un pH acide, pas de fertilisation, donc un sol plutôt pauvre et être à 1 000 mètres d’altitude, idéalement », précise Cédric Yvin, conseiller Ppam de la chambre d’agriculture de la Drôme. Mais même avec ces critères réunit, le succès de son épanouissement n’est pas garanti.
Viva-plantes et Pam Ardèche, tentent de cultiver l’Arnica Montana : « On a mis à peu près 30 000 plans l’année dernière et 20 000 l’année précédente. On continue la culture en place, mais ça dépérit de d’un tiers tous les ans, ce n’est pas maîtrisé : la moitié monte en tige et ne fait pas de fleurs, c’est dommage, car le marché de fleurs sèches attend », remarque, dépité Didier Blache.
Après une phase d’expérimentation interrompue, la chambre d’agriculture de l’Ardèche a « mobilisé un technicien pour accompagner les Ppam Ardèche afin de travailler sur l’amélioration de cultures d’arnica », indique Renaud pardon, conseiller Ppam de la chambre d’agriculture Ardèche. Le projet devrait démarrer à l’automne.

Importations et exportations françaises, entre 2019 et 2023, de plantes aromatiques (cultivables en France) et médicinales en l’état

Importations et exportations françaises, entre 2019 et 2023, de plantes aromatiques (cultivables en France) et médicinales en l’état
Source : FranceAgriMer d’après les données de Trade Data Mo- nitor
Culture de Ginkgo biloba à Saint-Didier-sous-Aubenas ©Guillaume_Balay
Culture de camomille romaine à Silhac, ©Courtial_Yoann