En 2016, les chiffres du mal-être et du suicide chez les professionnels agricoles publiés par la MSA et le Système national des données de santé sont alarmants. Face à l'urgence et l'importance de la situation, la MSA poursuit sont action et continue de déployer depuis de nombreux dispositifs complémentaires destinés à soutenir et accompagner ses ressortissants.
D epuis toujours, la Mutualité sociale agricole (MSA) s’engage pour le bien-être de tous ses ressortissants salariés et non-salariés. Cependant, en 2016, une étude conjointe de l’organisme et du Système national des données de santé (SNDS) révèle des chiffres alarmants : le monde agricole présente une surmortalité par suicide et un risque supérieur de 43 % par rapport au reste de la population en âge d’être actif. L’État et les différents acteurs territoriaux réagissent alors le 23 novembre 2021, le gouvernement présente sa feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté. Une charte interministérielle charge alors les MSA et les DDT (Direction départementale des territoires) en lien avec les ARS (Agences régionales de santé), les Chambres d’agriculture et les associations de développer des actions dans ce domaine.
Nadine Coursin, directrice adjointe en charge de l’action sanitaire et sociale, indique que l’expérience, la connaissance des populations et les dispositifs d’aide permettent à la MSA d’accompagner les situations de mal-être des populations agricoles. En premier, pour faciliter les démarches, l’organisme a mis en place le dispositif Pass’agri accessible à tout moment en tapant https:// ardechedromeloire.msa.fr/Ifp/pass-agri sur internet, qui propose aux adhérents l’ensemble des dispositifs auxquels ils ont droit, que ce soit financiers, des réseaux de soutien, des prestations sociales ou autres solutions. Ensuite, des comités techniques et pléniers sont organisés à l’échelle de chaque département pour agir au mieux, au cœur des territoires et au plus près des ressortissants agricoles dans l’accompagnement des publics. Enfin, des dispositifs de santé sécurité au travail, les programmes d’action sanitaire et sociale, des interventions sociales et mesures financières préviennent également les situations difficiles.
Des cellules pluridisciplinaires
anvier 2021, 300 appels ont été passés en moyenne chaque mois. En revanche, Nadine Coursin souligne : « En cas de situation d’urgence ou de risque suicidaire, préférez des numéros tels que le 15 ou le 3114, qui sont dédiés à ces situations. Agri’ écoute est plutôt une plateforme sur laquelle trouver une oreille attentive, qui peut aider à prendre du recul sur des situations personnelles douloureuses, compliquées ou de crise. »
Si l’adhérent le souhaite, jusqu’à cinq séances avec le même interlocuteur sont possibles, ainsi qu’un suivi personna- lisé favorisant sa bonne orientation et la mise en place d’éventuelles solutions. En cas de besoin, l’adhérent peut d’ailleurs lever son anonymat, ce qui ouvrira la possibilité de faire le lien avec la cellule pluridisciplinaire de prévention mal-être de sa caisse MSA, et qui pourra lui proposer un accompagnement plus durable. En 2021, 238 personnes ont ainsi été orientées vers les CPD. Récemment, une nouvelle plateforme en ligne a été mise en place pour compléter ce ser- vice téléphonique : https://agriecoute. fr/. Elle permet la prise de rendez-vous par tchat, mail ou visio-consultation. Un moyen de convenir à un public plus large, y compris des personnes mal à l’aise avec les conversations téléphoniques.
Enfin, pour donner suite à ce plan mal- être et dans la continuité de sa mobilisa- tion, la MSA Ardèche-Drôme-Loire (ADL) développe alors des actions variées, répondant aux engagements fixés dans le cadre de son Plan d’action sanitaire et sociale 2021- 2025 validé par le Conseil d’administration de la MSA. Un des axes du Plan est d’accompagner les actifs fragilisés confrontés à des évènements personnels, professionnels ou de santé qui impactent leur parcours de vie. « Le suicide et le mal-être sont tabous, particulièrement dans le monde agricole. Cela doit changer. Nous devons mettre ces sujets sur la table pour en favoriser la détection » explique Nadine Coursin. Anne Develle, Responsable du service action sanitaire et sociale, indique que « repérer au plus tôt les premiers signes du mal-être, cela permet inévitablement de réduire à la fois le risque et d’orienter de manière adaptée. » En lien avec ses partenaires, la MSA propose un accompagnement sur le plan humain, financier et administratif. « Nous mettons en place différents dispositifs de soutien à disposition de nos ressortissants. Si l’accompagnement nécessite des soins, en revanche, nous orientons la personne vers les bons professionnels de santé » prévient la directrice adjointe.
Parmi ces aides, nous retrouvons des ac- tions de maintien dans l’emploi, d’aides à la préservation de l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, de la démarche Et si on parlait travail (Esopt) proposée par les équipes santé sécurité au travail, Ensemble pour repartir ou encore le réseau sentinelles (voir ci-contre) et l’aide au répit (voir ci-dessous), des démarches d’accompagnement avec les Chambres d’agriculture également, etc. Ils permettent, de manière complémentaire, de répondre aux différents objectifs du plan mal-être de la MSA que sont la prévention, la détection et l’accompagnement des personnes en difficulté.
Clara Serrano
Mieux vaut prévenir que guérir
Parmi les différents moyens d’action déployés par la MSA pour lutter contre le mal-être de ses adhérents, l’aide au répit s’est largement développée ces dernières années. Elle permet de soutenir les professionnels du secteur agricole et de prévenir un éventuel épuisement. Pour cela, des dispositifs complémentaires sont mis en place, sur les plans économiques, humains et administratifs.
C'est en janvier 2017 que la MSA lance son aide au répit. Un outil déployé sur les territoires de la MSA grâce à ses services d’action sani- taire et sociale, qui a vocation à limiter les risques d’épuisement professionnel chez les actifs agricoles. Les quelque 3 000 bénéficiaires annuels (en France) ont alors l’occasion de prendre une pause dans leur travail, de sortir « la tête du guidon » et d’être accompagnés pour surmonter leurs difficultés. Elle s’adresse entre autres aux exploitants, salariés agricoles, conjoints collaborateurs, aidants familiaux, etc.
Différents leviers peuvent être actionnés dans le cadre de cette aide, qu’ils soient financiers, administratifs ou humains. D’abord, elle permet de financer le recours à un salarié dans le cadre d’un remplacement sur l’exploitation pour une durée de 14 jours maximum (renouvelable une fois par an). Parallèlement, après une évaluation sociale de chaque situation, un accompagnement est construit en accord avec le travailleur social et l'adhérent et en fonction des difficultés que ce dernier rencontre. Il peut prendre la forme d’aide au départ aux vacances, d’accès à des loisirs, d’actions de prévention ou de démarche de soins. Chacune de ces actions peut être mise en œuvre selon les besoins, individuellement ou collectivement, pour intervenir sur le syndrome de l’épuisement. Elles comprennent entre autres des séjours, journées familiales, séances d’activité physique ou diététique ainsi que la consultation psychologique, la participation à des groupes de parole ou encore au parcours « Avenir en soi ».
« Sauter le pas »
Aurélie Braesh et son conjoint Jean- Philippe Vergain ont d’ailleurs eu re- cours à cette aide. Exploitants installés depuis 2012 à Genestelle (07), le couple d’agriculteurs a notamment bénéficié d’une aide au départ en vacances, encore une fois relevant de différents leviers. D'abord, financier : « L'aide au répit nous a permis de sauter le pas pour employer un salarié extérieur, chose que nous n’osions pas faire auparavant et que nous ne pouvions nous permettre. » En effet, parents de deux jeunes enfants, les deux Ardéchois n’avaient encore jamais pris de repos jusque-là et manquaient de recul face aux difficultés qu’ils rencon- traient alors. Après s’être confiés à leur assistante sociale sur les complications liées à la location de leurs terrains sur l’espace communal, les deux éleveurs de chèvres présentaient des signes impor- tants de fatigue : « La fatigue physique et mentale s’accumulait sans même que nous nous en rendions compte. » L’aide au répit leur a donc permis d’employer un salarié pour la durée de leurs vacances, soit une semaine, mais également de bénéficier d’un suivi psychologique par un professionnel extérieur à la MSA.
Pour eux, le processus s’est avéré assez rapide : « Nous avons eu la chance de trouver rapidement un salarié de remplacement puisque notre voisine, qui nous avait déjà donné un coup de main durant la crise sanitaire, était disponible. Un coup de chance car ce n’est pas facile de confier son exploitation » confie Aurélie. Elle a donc pu choisir avec son compagnon parmi l’une des nombreuses destinations proposées par la MSA, en France. Leur choix se portant pour un séjour de sept jours dans les Pyrénées Orientales. Avant leur départ, la MSA s’est chargée de toutes les formalités ; seule démarche à faire pour le couple : la fiche de paie et le contrat de leur employée provisoire. « Nous avons seulement choisi la destination puis la MSA s’est chargée de tout. Nous avons simplement réglé le reste à charge, ce qui nous a soulagés d’un poids vraiment important. » Pour les activités, une certaine part est remboursable, sur présentation de justificatifs. Un travail qu’ils jugent en partie dû à ce dispositif qui leur a permis de prendre du recul sur leur situation professionnelle et personnelle. « Cela nous a tellement plu que nous y sommes retournés l’année suivante, toujours grâce à l’aide au répit de la MSA. Cependant nous sommes aujourd’hui en réflexion sur notre avenir » conclut Aurélie Braesh.
Anne Develle précise que la MSA met en place des actions pour aider à concilier les rythmes de vie personnels et professionnels et favoriser l’accès aux vacances pour souffler. Le répit permet également d’engager un accompagnement pour faire évoluer la situation. Il donne l’occasion aux agriculteurs et leurs familles de sortir des moments difficiles qu’ils traversent. La MSA travaille aussi avec d’autres partenaires, notamment la Chambre d’agriculture, pour proposer un accompagnement global.
C.S.
Un réseau de “sentinelles” à pied d’œuvre
Parmi ses différentes actions de lutte face au mal-être des professionnels agricoles, la MSA déploie et développe depuis début 2023 son tout nouveau dispositif « sentinelles ». Explications.
Face au nombre important de suicides en France et particulièrement chez les professionnels du secteur agricole, janvier 2023 marque, pour la Mutualité sociale agricole (MSA), le déploiement de son nouveau réseau de sentinelles. Voués à se multiplier, ces volontaires sont des élus MSA, salariés agricoles, exploitants ou non, employés d’OPA ou encore retraités et autres personnes au contact de personnes susceptibles d’avoir besoin d’aide. Après avoir suivi une formation, ils ont vocation à repérer parmi leur entourage les premiers signes de mal-être et les éventuels risques de suicide. Guy Péran, agriculteur retraité et élu MSA au comité départemental de la Drôme, explique : « Il y a tout un tas de raisons qui peuvent causer du mal-être chez les agriculteurs, que ce soit personnel ou professionnel. » Et Julie Malsert, chargée d’études mal-être à la MSA, d’ajouter que ces causes sont fréquemment liées à la dureté du travail et l’implication qu’il nécessite face à un manque de reconnaissance voir parfois à l’agribashing (dénigrement des pratiques agricoles), mais aussi au contexte économique. Guy Péran complète : « Il est donc important de savoir déceler et réagir face aux premiers signes. En tant qu’élu, nous y sommes régulièrement confrontés, mais chacun peut l’être et les formations sont destinées à tous ». Puis il précise que « l’objectif de ce réseau de sentinelles est de permettre au plus grand nombre de personne, de savoir orienter celui qui présente des signes de mal-être. » Anne Develle, responsable de l’action sociale à la MSA Ardèche-Drôme-Loire (ADL) précise que l’ensemble des collaborateurs de la MSA sont amenés à suivre cette journée de formation, durant laquelle ils apprennent également à faire la différence entre mal-être profond et mécontentement face à une situation.
Une solution attractive
Animée en binôme par des formateurs experts, la formation s’étend sur une journée complète, durant laquelle les volontaires découvrent les bonnes questions à poser ainsi que le bon comportement à avoir, notamment grâce à des mises en situation. Son rôle est donc, en s’assurant que la personne veuille effectivement être accompagnée, de l’orienter vers des professionnels spécialisés qui sauront recueillir sa parole et proposer des solutions. Avec l’objectif de former une cinquantaine de sentinelles par an et par département, Guy Péran constate que ce dispositif convainc les adhérents : « Pour l’instant, toutes les personnes que nous avons sollicitées ont répondu positivement. » Après avoir participé lui-même à la formation en début d’année, il espère que ce réseau sera efficace et conclut : « Si l’on peut sauver ne serait-ce qu’une vie ou deux, alors il faut tout mettre en œuvre pour le faire. »
Cette mobilisation citoyenne entraînera un renforcement du maillage territorial des acteurs concernés dans la préven- tion, la détection et la prise en charge du mal-être, spécialement en milieux ruraux et dans les déserts médicaux. C’est pourquoi ce dispositif nécessite la participation de nombreuses senti- nelles pour en augmenter l’efficacité. Les personnes intéressées par la for- mation sont d’ailleurs invitées à contacter Julie Malsert par téléphone au 04.75.75.68.95 ou au 06.34.12.67.31.
C.S.
DONNÉES NATIONALES / Le plan mal-être en 5 chiffres clés
• 300 appels ont été reçus en moyenne chaque mois par le service Agri ‘écoute depuis le 9 janvier 2021.
• 1 655 situations ont été détectées en 2020. Parmi elles, 1 479 ont nécessité un accompagnement des services MSA.
• 1 500 sentinelles ont été recensées sur le terrain au premier trimestre 2023.
• 2 806 personnes (affiliés hors ayants droit et ayants droit) ont bénéficié du dispositif d’aide au répit en 2020. Le montant total dépensé est de 2 156 535 € pour cette année-là.
• Plus de 3 000 exploitants ont par- ticipé au moins à une réunion-débat depuis 2016 dans le cadre du dispositif Et si on parlait du travail (Esopt).
BESOINS DE RENSEIGNEMENTS /
Service Action Sanitaire et Sociale : 04.75.75.68.95
Service santé Sécurité au Travail : 04.75.75.68.67