EXPÉRIMENTATION
Privilégier l’utilisation d’auxiliaires contre les ravageurs
Depuis 2019 et jusqu’en 2024, la station d’expérimentation Rhône-Alpes et information légumes (Serail), située dans le Rhône, teste une stratégie de lâchers d’auxiliaires afin de lutter contre les ravageurs en abri non chauffé. Les derniers résultats ont été dévoilés le 4 juillet dernier.
En 2018, le gouvernement s’était donné comme objectif de réduire les usages de produits phytopharmaceutiques de 50 % d’ici 2025. C’est dans ce cadre que le projet Cosynus (conception de systèmes maraîchers favorisant la régulation naturelle des organismes nuisibles) a vu le jour à la station d’expérimentation Rhône-Alpes et information légumes (Serail), située dans le Rhône. Cette expérimentation, démarrée en 2019, vise à répondre à une problématique précise : la présence de bioagresseurs en production maraîchère sous abris froid. Ces derniers pénalisent fortement les performances des exploitations en causant des pertes économiques liées aux baisses des rendements et à l’augmentation des coûts de traitement et de main-d’oeuvre.
Testé sur salades, concombres et aubergines
Durant les six années d’expérimentation, les experts de la Serail utilisent l’installation d’infrastructures agroécologiques afin de favoriser la biodiversité fonctionnelle et la lutte biologique par conservation sur salades, concombres et aubergines. L’expérimentation a lieu sur 0,53 ha en agriculture conventionnelle et a pour objectif d’atteindre 0 IFT (indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires). Les infrastructures agroécologiques choisies sont des zones réservoirs, des transferts actifs et des plantes relais pour permettre la production d’auxiliaires et le contrôle des ravageurs. En 2022, les équipes ont remarqué que l’explosion de la population d’acariens s’est déroulée fin juillet. La régulation des pucerons a eu lieu, quant à elle, à partir de la fin du mois de juin avec l’installation de parasitoïdes et de prédateurs aphidiphages, qui se nourrissent de pucerons.
La zone réservoir de soucis a vu l’installation progressive de punaises prédatrices généralistes Macrolophus pygmaeus. Cette population a été multipliée par cinq entre 2019 et 2020. La zone réservoir de blettes a généré une autoproduction d’auxiliaires grâce à la présence précoce de pucerons de substitutions qui ont agi comme des proies. Cette population d’auxiliaires a également augmenté significativement de 2019 à 2021. Les transferts actifs ont, quant à eux, permis l’installation de populations auxiliaires dans la culture. Après comparaison avec un lâcher « classique » d’auxiliaires achetés, les spécialistes ont pu estimer les premières économies réalisées sous une serre de 240 m². Pour l’auxiliaire Aphidius sp. (120 individus), le transfert actif via un transfert d’organes a été effectué en dix minutes et a permis d’économiser 250 €/ha. Le transfert des coccinelles à sept points et Scymnus (80 individus) s’est fait via aspiration durant trente minutes et a permis une économie de 2 000 €/ha. Enfin, le transfert de Macrolophus pygmaeus (130 individus) par frappage et capture a demandé trois minutes pour une économie estimée à 708 €/ha. En 2021, des données plus précises ont évalué le coût des intrants en baisse de 45 %, mais celui de la main-d’oeuvre a augmenté de 20 %. Les références obtenues seront transférées aux maraîchers de la région, essentiellement en circuits courts, avec des cultures très diversifiées. « L’important, c’est de réussir à pérenniser ces infrastructures agroécologiques et à anticiper les transferts actifs », a conclu le chargé d’expérimentation de la station, Pierre Lasne. Selon l’expert, les transferts actifs doivent avant tout être effectués en préventif sur le long terme, et non en curatif.
Léa Rochon
Adapter les itinéraires culturaux
Lors de cette journée technique, la station d’expérimentation Rhône-Alpes et information légumes (Serail), a également rendu les premiers résultats de son projet d’adaptation des itinéraires culturaux en maraîchage face au changement climatique (Adict).
En 2022, les chargés d’expérimentation de la station ont associé la culture de poivrons et de melons en agriculture biologique plein champ. L’objectif était de procurer un ombrage aux poivrons, afin de les protéger des radiations lumineuses. Pour l’essai, les poivrons ont été palissés en haie (simple rang), tandis que les melons l’ont été soit à la verticale sur des filets simples, soit sur des filets montés sur des structures arrondies. Les cultures simples qui ont permis de réaliser le comparatif étaient composées de poivrons palissés en haie (simple et double rang). Durant cette expérimentation, les experts de la Serail ont cherché à mesurer plusieurs variables agronomiques : la vigueur des plantes, le rendement des cultures, l’homogénéité et la qualité des récoltes (brûlures, fruits déformés), l’état sanitaire et le recouvrement de la culture associée. Les variables climatiques, comme la température de l’air et du sol, l’hygrométrie, l’humidité du sol et l’ombrage conféré par la culture associée, ont également été minutieusement scrutés. Les rendements observés au cours de l’année 2022 ont finalement montré que cette association ne favorise pas le rendement des poivrons, tandis que celui des melons palissés reste dans la norme. Néanmoins, le poivron offre une meilleure productivité lorsqu’il est conduit en double rang.
Ce test cultural a néanmoins démontré que les coups de soleil sont la principale cause de perte des poivrons : 59,2 % sur les poivrons mono-rang ; 62,9 % sur les poivrons double rang ; 62,1 % avec l’association en palissage arrondi et 84,4 % avec l’association en palissage vertical. Cette expérimentation, d’une durée de trois ans, va également analyser l’association de poivrons et de haricots verts en plein champ.
