FILIÈRE CAPRINE
Au Pradel, des recherches « du brin de luzerne au Picodon »
Sous le soleil, mardi 18 octobre, des centaines de personnes étaient réunies pour la journée portes ouvertes de la ferme expérimentale caprine du Pradel, à Mirabel. Un événement bisannuel qui est aussi l'occasion de présenter les études et résultats de la station.
« On voulait voir le site et ce qui se fait ici… Le Pradel est renommé dans la profession ! » Cette jeune éleveuse caprine en cours d’installation a fait 5 heures de route pour assister à cette journée. En visitant la ferme, elle observe les bâtiments avec attention et prend des notes. Comme elle, plus de 400 participants ont défié les grèves et pénuries de carburant pour découvrir ou redécouvrir cette station de recherches sur l’élevage caprin.
« C’est un site qui nous permet de conduire des expérimentations allant du brin de luzerne au Picodon », s’est félicité André Le Gall, chef du département techniques d'élevage et environnement à l’Institut de l’élevage (Idele). Un équipement unique, créé en 1989, et qui dispose aujourd’hui de son propre cheptel de 228 chèvres alpines, de 44 ha pour le pâturage et la production fourragère mais aussi de sa propre fromagerie où plus de 150 000 L de lait sont transformés chaque année.
Dans les contextes géopolitiques et climatiques actuels, l’importance des recherches menées au Pradel est encore plus criante. Par exemple, des projets comme SécuFourrage, Cap‘Protéine ou APaChe cherchent de nouvelles méthodes pour développer l’autonomie et la sécurisation alimentaire des fermes caprines, tout en gardant une bonne qualité de production.
Des doubles cultures à l'essai
Des essais sont aussi en cours avec des doubles cultures, tels que du méteil pâturé au printemps et du sorgho l'été. Du pâturage de chicorée ou de plantain vont aussi être testés dans le projet ADAoPT. « Grâce à des protocoles on analyse l'appétence pour les chèvres, la qualité nutritionnelle des aliments, mais aussi la réponse laitière et sa fromageabilité », liste Philippe Thorey, ingénieur d’Idele et animateur de Cap’pradel.
Afin de présenter les différentes recherches et résultats de la ferme, chaque participant a assisté à trois des huit ateliers proposés. Menées par des chercheurs, ces présentations* traitaient des expérimentations sur les rendements fromagers, le parasitisme, la lactation longue, la gestion de la litière ou encore l’engraissement du chevreau et la valorisation de sa viande. Ce dernier sujet était d'ailleurs l'un des thèmes phares de la journée, y compris à l'heure du repas... Une manière de rappeller l'engagement de la filière en la matière, en Ardèche et au-delà.
* Tous les diaporamas diffusés lors de ces ateliers sont disponibles en ligne sur le site de l'Institut de l'élevage : https://idele.fr/detail-dossier/retour-sur-la-journee-portes-ouvertes-du-pradel-2022
Pauline De Deus
Cap'Pradel veut « accroître encore les recherches »
La ferme du Pradel est unique, de par ses recherches appliquées mais aussi de par sa gestion. A travers l'association Cap'Pradel, ce sont les éleveurs et acteurs de la filière qui pilotent la station et décident des expérimentations à mener. Tour d'horizon avec le président de Cap'Pradel et éleveur caprin, Laurent Balmelle.
Cap'Pradel a organisé une journée portes ouvertes qui a réunit plus de 400 participants... Êtes-vous satisfait du résultat ?
Laurent Balmelle : Je suis très satisfait à plusieurs égards. D'abord, parce que nous avons réuni beaucoup d'éleveurs et d'acteurs de la filière. Ensuite, pour l'organisation qui a été très fluide. Et aussi parce que beaucoup d'ingénieurs de l'Institut de l'élevage étaient présents. C’est de bon augure pour la recherche caprine sur un secteur d’élevages fermiers, comme le nôtre. Et bien sûr, c’est une réussite pour l’équipe de la ferme Pradel. Ces travailleurs de l'ombre sont des passionnés et ce sont eux qui font avancer les choses au quotidien.
Quelle est l'ambition de l'association Cap'Pradel à l'avenir ?
L.B. : Depuis la fin des travaux, il y a deux ans, on a pris un rythme de croisière avec le troupeau, la fabrication et les projets qui occupent la ferme tout au long de l’année. Mais on l'a vu encore mardi : il y a une demande très forte, des professionnels, pour accroître encore les recherches. Après, il faut avoir des financements… Mais ce que l'on peut dire, c'est que lors de cette journée, Cap'Pradel a décidé, de façon commune, de trouver les moyens de ses ambitions !
Actuellement, au sein de la filière, quelles sont les problématiques prégnantes ?
L.B. : Il y en a beaucoup… Ce qui nous préoccupe de façon particulière, c’est le changement climatique. Comment baisser nos émissions de gaz à effet de serre ? Et, à la fois, comment nous adapter ? Un axe important est l’efficacité de nos élevages caprins. Car si l'on a moins de chèvres pour la même quantité de lait, on va aussi moins polluer et réduire nos besoins.
Une autre ambition capitale, c’est le chevreau. A l’heure où l'on cherche des protéines dans tous les sens, la viande de chevreau reste mal connue. Notre volonté est de travailler sur la mise en valeur de ce produit. On est convaincu de son potentiel et de son intérêt !
La ferme du Pradel expérimente aussi de nouvelles technologies sur son cheptel. Récemment, les chercheurs ont testé les clôtures virtuelles. Un système norvégien qui permet de définir une zone de pâturage directement depuis un smartphone. Un collier, glissé autour du cou des chèvres et connecté au téléphone, émet un son lorsque l’animal s’approche de la clôture virtuelle et envoie une décharge électrique au franchissement de la limite. « Le programme demande encore à être développée et il faut un modèle économique qui pourrait coller », précise toutefois Philippe Thorey, animateur de l’association Cap’Pradel.
Ce test a été réalisé dans le cadre du projet européen Sm@RT dont l’objectif est de faire remonter les besoins des éleveurs pour que les entreprises puissent s’en saisir et développer des technologies. Dans la même idée, le Pradel a rejoint Digifermes, un réseau de fermes expérimentales françaises, afin de mener des tests sur de nouveaux outils digitaux.
« Notre travail n'est pas de développer des technologies, insiste Philippe Thorey. Par contre on peut être mis à contribution pour permettre d’adapter un appareil au contexte, aux réalités du terrain, de la filière et du marché. »