SYNDICAT
Prédation : ce sont les éleveurs qu’il faut protéger !
Vendredi 22 octobre, entourée de responsables nationaux et régionaux, Christiane Lambert la présidente de la FNSEA s’est rendue sur l’exploitation ovine de Luc Étellin à Aiton en Savoie, pour soutenir les éleveurs face à la prédation de plus en plus forte du loup.
Depuis plus de 20 ans, la situation est chaque année de plus en plus compliquée : « je perds 30 à 40 moutons par an. Mon circuit court de commercialisation est remis en cause, mes brebis sont de plus en plus souvent enfermées ce qui est un non-sens, et nos alpages sont devenus des lieux de conflits et d’agression », égrène Luc Étellin. Bernard Dinez, président du syndicat ovin 73 indique que les éleveurs sont épuisés, que les loups les détruisent moralement et psychologiquement, tout autant que ceux qui les soutiennent. Il reproche à certains fonctionnaires d’être trop partisans d’un mouvement pro-loup et anti-élevage. Matthieu Richel, président de Jeunes agriculteurs de Savoie (JA73), s’inquiète quant à lui des conséquences sur le renouvellement des générations : « pour l’instant c’est l’abandon de certains qui se profile ».
Un échange utile pour soutenir les éleveurs
Dans ce contexte, cette rencontre au milieu de la bergerie était importante pour apporter un soutien aux éleveurs. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA ; Justine Fusi, administratrice JA en charge du dossier loup ; Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO) et son référent loup Claude Font, ont écouté les éleveurs raconter leur vécu et leur ressenti. La présidente de la FNSEA a été bouleversée par ces témoignages poignants, par les conséquences sur la vie de l’exploitation mais aussi sur la vie de la famille. « Dans ce dossier prédation, ce sont les victimes qui payent le bourreau. Je suis d’accord avec vous pour que le budget loup ne soit plus pris sur celui du ministère de l’Agriculture, mais sur celui de l’Écologie. La cellule Demeter pour combattre les intrusions sur les exploitations pourrait aussi agir pour la défense des agriculteurs contre les agressions sur leur lieu de travail, on va travailler là-dessus. » Émilie Bonnivard, députée et conseillère régionale, dit ressentir la fatigue des éleveurs. Elle a annoncé qu’une mission parlementaire était en cours pour estimer le coût global de la prédation en France englobant « le nombre de personnes payées sur ce dossier, l’argent public engagé par l’ensemble des collectivités et le financement des éleveurs pour se protéger (entre 8 et 9 M€ par an) ». Le président de la Fédération de la chasse de Haute-Savoie, André Mugnier, par ailleurs référent loup à la Fédération nationale de la chasse, estime qu’un loup coûte actuellement 60 000 € par an. Pour lui, « l’État français se réfugie derrière la Convention de Berne, par manque de courage ». « On doit affirmer la volonté d’une régulation du loup pour la survie de l’élevage des Alpes et de la faune sauvage », alerte-t-il. Pour Michel Joux, président de la FRSEA Aura, « il faut maintenant avoir une politique de résultat, l’argent n’est pas exponentiel et si ça ne marche pas, il faut changer le plan loup. On ne demande pas zéro loup, mais zéro attaque sur nos troupeaux ». Pour cela, le loup doit retrouver son comportement sauvage et craindre homme. Michèle Baudoin prend l’exemple du Canada : « comme dans de nombreux pays, l’éleveur tire pour défendre son troupeau, c’est une évidence et le loup reste à sa place d’animal sauvage ». René Féchoz, secrétaire général de la FDSEA des Savoie confirme que les loups se rapprochent de plus en plus des villes et commencent à avoir un comportement déviant : « cette semaine, les attaques ont été quotidiennes, de plus en plus sur les bovins et les veaux, dont une à proximité d’Aix-les-Bains sur Drumettaz-Clarafond. Il faut bien constater que le loup n’a plus peur de l’homme et que son comportement n’est plus celui d’un animal sauvage », rapporte-t-il.
Quand les services de l’État passent à l’attaque
Cédric Laboret, président de la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc, a fait part de son expérience personnelle : « sur mon alpage, j’ai été contrôlé plusieurs fois cet été pour voir si j’avais des armes dans mon véhicule. L’Office français de la biodiversité (OFB) nous prend pour des criminels et le préfet référent fait tout ce qu’il faut pour ne rien faire et nous pousser à bout ! » Un autre éleveur indique avoir vu les agents de l’OFB détruire des pièges photos mis en place par les éleveurs pour supprimer des preuves de présences du loup : « c’est la Région qui finance du matériel et c’est l’État qui le détruit, on a un problème là, non ? » Face à tous ces témoignages, Bernard Mogenet, président de la FDSEA des Savoie a résumé les résultats du combat syndical de ces dernières semaines : « après les manifestations de Grenoble, de Chambéry et d’Annecy, puis une rencontre avec le ministre de l’Agriculture lors de l’assemblée générale de l’Association nationale de l’économie montagnarde (Anem) au Grand-Bornand, nous avons un engagement de sa part sur deux points importants : la révision de la méthode de comptage des loups en lien avec les chasseurs et les éleveurs ; l’évolution du statut du chien de protection des troupeaux. Ce n’est pas à l’éleveur d’assurer seul cette contrainte imposée par l’État ». Justine Fusi, administratrice nationale de JA confirme que la forte mobilisation de ces derniers jours a permis de faire avancer ce dossier. « Merci à tous ceux qui se sont bougés. C’est une première étape importante, mais on ne se laissera pas endormir dans des groupes de travail ! » indique-t-elle. Christiane Lambert a annoncé devoir rencontrer prochainement la ministre de l’Écologie puis le Premier ministre : « je veux que la dignité soit rendue aux éleveurs et qu’aucun ne soit traduit en justice à cause de ses chiens ».
Claudine Lavorel