VITICULTURE
Coup d'envoi des vendanges pour Vignerons Ardéchois

Marine Martin
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Mercredi 21 août 2024 a été synonyme de début des vendanges en Ardèche méridionale, avec la récolte des cépages les plus précoces, à l’instar du chardonnay effervescent.

Coup d'envoi des vendanges pour Vignerons Ardéchois
Les vendanges ont commencé pour les cépages précoces tels que le chardonnay effervescent ou encore le cépage résistant muscaris.©AAA_MMartin

La lune est encore haute en ce matin d’août, alors que les tracteurs s’activent déjà dans la parcelle de Thierry Champetier, vigneron à Saint-Alban-d’Auriolles. Sur ce secteur de plaine, traditionnellement arboricole, le chardonnay a su y trouver sa place depuis de nombreuses années. Réputé pour sa fraîcheur et ses arômes subtils d’agrumes, ce raisin sera notamment utilisé, combiné au sauvignon, dans l’assemblage « Orélie 10°», un vin de la gamme Orélie, crée par l’Union des Vignerons Ardéchois. Un vin vif et frais, tirant sa singularité par son taux d’alcool à 10 degrés.

« Aujourd’hui sonne le début des vendanges et la récompense d’une grosse année de travail », lance en préambule Jean-François Maigron, président de la cave coopérative des Vignerons Sud Ardèche, à Ruoms. « On a des journées moins longues, des nuits plus fraîches, les vendanges commencent dans de bonnes conditions », déclare satisfait, Cyril Jaquin, président de l’Union de Vignerons Ardéchois.

Chronique d’une année pluvieuse pour les vignobles ardéchois

S’il fallait choisir un mot pour qualifier le développement des vignobles ardéchois cette année, ce serait « pluie ». « Une pluviométrie qui a même doublé par rapport à l’an dernier », souligne Cyril Jaquin. Cela a nécessité de nombreuses interventions dans les vignes pour lutter contre l’enherbement et la pression des maladies, avec le mildiou en première ligne. D’ailleurs, « le mildiou est toujours présent, surtout sur les parcelles grêlées où de nouvelles feuilles apparaissent », précise Cyril Jaquin. « Nous avons eu un printemps frais, un débourrement tardif et des pluies persistantes », se souvient-il. « Mais cette année, nous n’avons pas souffert de fortes chaleurs. » À la floraison, « les conditions étaient hétérogènes selon les zones : en vallée du Rhône et dans le sud de l’Ardèche, comme à Saint-Remèze, les périodes de floraison n’ont pas été les mêmes ».

L’estimation initiale 2024 de la production pour l’Union des Vignerons Ardéchois était de 350 000 hectolitres, mais elle a dû être révisée à la baisse de 30 000 hectolitres, en raison de plusieurs facteurs. Si la perte de volume s’explique en partie par la pression du mildiou, certains cépages sensibles lors de la floraison, comme le grenache ou encore le merlot, ont parfois souffert de millerandage, un phénomène provoquant la coulure des fleurs, entraînant un avortement partiel ou complet des grains de raisin. Mais alors que le travail dans les vignes pour endiguer les conséquences des pluies abondantes s’achevait, un autre évènement s’est invité à l’orée de l’été. Un épisode dévastateur de grêle, en juillet, a ravagé près de 800 hectares de vignobles des vignerons ardéchois. Désormais, un nouveau chapitre s’ouvre, celui du temps des vendanges. Mais avant le top départ, un contrôle de maturité est nécessaire.

Savoir vendanger au bon moment : une question de timing

Cette année, la pluie a ralenti la maturité attendue. Les vendanges se font donc plus tardives. « Pour un vin rouge, il est indispensable d’obtenir une maturité avancée pour permettre les meilleures extractions », affirme Cyril Jaquin. « Chaque fois qu’on attend, par exemple s’il y a 15 jours de beau temps sec, certains disent qu’il y a une perte de volume. Mais avant tout, il faut s’assurer que le degré soit suffisant. Si l’on estime qu’il faut vendanger un merlot à 13°C et qu’on le récolte à 11,5°C, cela ne fonctionne pas. Un vin rouge qui n’est pas à maturité ne sera pas agréable à la dégustation », explique-t-il.

Jean-François Maigron détaille quant à lui la méthode utilisée pour contrôler la maturité. « Il y a deux principes : le premier est un prélèvement effectué par le laboratoire d’œnologie, l’Institut Coopératif du Vin (ICV), qui prélève environ 200 baies dans les rangées, pour un suivi dans le temps. Cela nous permet de suivre l’évolution des vignes dans la plaine, qui est complètement différente de ce qu’elle était il y a 20 ans, notamment à cause du réchauffement climatique. »

Un autre contrôle est effectué par les équipes de la cave coopérative, sur 10 grappes entières réparties sur une parcelle. À la cave coopérative des Vignerons Sud Ardèche, à Ruoms, la maîtresse de chai, Estelle Bulon, déguste les baies et émet des commentaires. « En fonction de ses observations, elle oriente les envois sur les pressoirs, selon les tonnages et les objectifs fixés par l’Union, afin de répondre aux volumes demandés », précise Jean-François Maigron. Concernant l’échantillonnage, Cyril Jaquin ajoute : « On observe l’évolution de l’acidité, qui diminue, et du degré alcoolique potentiel, qui augmente ».

Les vendanges sont ensuite déclenchées en fonction du profil de vin recherché, avec une maturité optimale pour garantir des vins de qualité. « Ici, sur cette parcelle, le maximum est fixé à 10°C, pour la cuvée Orélie 10°. Pendant la vinification, on récupère au maximum 0,5°C ». Ce jour-là, au petit matin, dans la parcelle de chardonnay effervescent, Jean-François Maigron espère donc retrouver des raisins à 9,6°C lors de leur arrivée à la cave, pour compenser et atteindre l’équilibre optimal.

Les vendanges se poursuivent avec les muscaris, autre cépage précoce, puis suivront le chardonnay tranquille, le pinot et le sauvignon, à partir de fin août.

Marine Martin

S’adapter au réchauffement climatique

Encore une fois, cette année, le changement climatique s’est invité, dans les vignobles ardéchois. Acteur récurrent saison après saison, les vignerons n’ont pas d’autres choix que celui de s’adapter.

Sur ces plaines autrefois arboricoles, s’est aujourd’hui implantée la vigne. « C’est une zone de terroir qui se prête aujourd’hui à ce que l’on recherche pour faire du vin vif et frais, notamment pour le vin à 10 degrés », révèle Jean-François Maigron. « Depuis une vingtaine d’années, en particulier pour les rosés et les blancs, il faut que le raisin soit rentré avant 9, 10 heures ou 11 heures maximum afin de garder la fraîcheur du matin. Cela permet de moins rafraîchir les jus en cave et de garder dans les extractions une partie aromatique qui pourrait être moins puissante si l’on vendangeait plus tard, avec la chaleur et l’oxydation qui perturbe le raisin dans une benne à 30 ou 40 degrés » ajoute Cyril Jaquin.

La question de la ressource en eau est un sujet qui revient régulièrement aussi, pour la filière : « Dans quelques dizaines d’années, on sera obligé d’irriguer si l’on veut maintenir la production de vin en Ardèche », affirme Jean-François Maigron. « Il faut se poser la question du stockage de l’eau et des projets collectifs », renchérit de son côté, le président de l’Union.

« Orélie 10° » : un vin qui a su séduire
Ce vin est le résultat d’un assemblage entre un chardonnay effervescent aux arômes d’agrumes et un sauvignon. ©AAA_MMartin
NOUVEAUTÉ

« Orélie 10° » : un vin qui a su séduire

Ces dernières années en France, le paysage de la consommation d'alcool a évolué, et le vin n'échappe pas à cette tendance.

Pour répondre à une demande croissante de vins moins alcoolisés, plus frais, souvent dégustés en apéritif et appréciés par une nouvelle génération de consommateurs, les vignerons ardéchois ont créé la cuvée Orélie 10°, un vin vif et frais. Ce vin est le résultat d’un assemblage entre un chardonnay effervescent aux arômes d’agrumes et un sauvignon révélant une acidité fraîche et des notes fruitées. La première cuvée d’Orélie 10° a vu le jour en 2023 pour répondre à cette demande spécifique.

Un vin à 10°C sans désalcoolisation, une question d’équilibre

Tous les cépages ne conviennent pas à un faible taux d’alcool si l’on veut préserver la qualité, bien que le chardonnay effervescent s’y prête. « L’objectif est de rester sur un produit naturel avec le raisin tel qu’il est, sans avoir recours à la désalcoolisation, car cela coûte cher et altère l’équilibre et les arômes du produit », souligne Sylvain Gras, directeur du laboratoire ICV. « L’acide malique diminue avec la maturité, tandis que le sucre augmente. L’enjeu est de trouver le bon moment où ces courbes se croisent, afin de conserver le côté acidulé d’Orélie 10° », précise-t-il. Ce vin acidulé aromatique et frais a rapidement séduit les consommateurs. Trois embouteillages ont eu lieu : après un premier test concluant, les deux autres embouteillages ont suivi. Au total, ce sont près de 30 000 bouteilles qui se sont écoulées l’an dernier.

Pour cette année, « nous allons continuer à développer ce vin », explique Philippe Dry, directeur de l’Union des Vignerons Ardéchois. « Cela prouve que nous sommes capables de produire des vins à faible degré d’alcool », ajoute-t-il. Le directeur insiste également sur l’importance de « promouvoir une image festive du vin, tout en restant fidèle à nos traditions et en reflétant notre patrimoine. Ce vin peut servir de porte d’entrée dans le monde du vin pour les jeunes générations, permettant ainsi de préserver et de moderniser notre savoir-faire ».

Le réseau de distribution reste traditionnel, avec de nombreux points de vente locaux comme les cavistes proposant la cuvée Orélie 10°.

 M.M.

Jean-François Maigron et Estelle Bulon contrôlent le taux d'alcool du raisin, à la cave coopérative de Ruoms, une des 11 que compte l'Union des Vignerons Ardéchois. ©AAA_MMartin
De gauche à droite : Estelle Bulon, maîtresse de chai et gérante de la cave des Vignerons Sud Ardèche de Ruoms, Cyril Jaquin, président de l'Union des Vignerons Ardéchois, et Jean-François Maigron, président de la cave des Vignerons Sud Ardèche. ©AAA_MMartin
Le chardonnay effervescent, ici vendangé à maturité minimale, parfait pour l'élaboration d'un vin acidulé, pour la cuvée 2024 de l'Orélie 10 °. ©AAA_MMartin