RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS EN AGRICULTURE
Une installation réussie est une installation réfléchie
Pour bien préparer son installation, la Région et l’État apportent des aides financières tandis que les Points accueil installation transmission, basés dans les chambres d’agriculture départementales, accueillent et informent les futurs installés comme les cédants, tout au long du parcours pour des transmissions et des installations réussies.
L’évolution des formes d’organi-sation du travail pose la question du renouvellement des exploitants agricoles en de nouveaux termes. C’est ce que vient rappeler une étude du CNRS et de l’université de Caen Normandie, dont les auteurs soulignent « une hétérogénéisation croissante des formes d’organisation du travail sur les exploitations agricoles ». Réalisé à partir du recensement général agricole (RGA) de 2020, ce travail apporte un éclairage nouveau sur la question du renouvellement. Le moteur de cet éclatement est l’essor des sociétés. S’installer dans de telles structures pose deux types de difficultés, notent les auteurs. L’une est liée au coût d’entrée plus important. « Si les actifs professionnels sont parfois cédés en deçà de leur valeur nette comptable dans le cadre de sociétés familiales – afin de faciliter l’installation financière d’un membre de la famille –, sous-évaluer la valeur de l’actif est souvent plus délicat dans le cadre des sociétés entre tierces personnes sans lien de parenté », pointe l’étude.
Les ressources humaines
La gestion des ressources humaines est aussi une source de difficultés bien connue. D’abord entre associés. Qu’il s’agisse d’installer le fils ou la femme d’un des co-exploitants, de promouvoir un salarié de l’exploitation au rang d’associé ou d’intégrer une connaissance, le renouvellement d’un associé engage « des rapports familiaux et sociaux souvent dissymétriques », soulignent les auteurs. Une autre stratégie en matière de renouvellement est le salariat. Entre 2010 et 2020, le recours à une main-d’oeuvre salariée extérieure à la famille s’est accru de 10 %, indique l’étude. Il y a, enfin, la sous-traitance. D’un recensement à l’autre, les fermes qui externalisent tout ou partie du travail agricole sont 53 % plus nombreuses, d’après les statistiques du ministère de l’Agriculture.
34 % d’exploitants seuls parmi les 52 à 62 ans
Les auteurs soulignent que tous les types d’organisation ne sont pas égaux devant la transmission. Ceux travaillant seuls à temps complet forment le profil « le plus vulnérable du point de vue des perspectives de renouvellement ». Dans la tranche d’âge des 52 à 62 ans, en 2020, ils sont 34 % à être seuls à temps complet sur leur ferme. « De moins en moins de jeunes recherchent la reprise individuelle d’une exploitation, l’organisation du travail y étant plus contraignante en comparaison des structures sociétaires », rapporte l’étude. Un autre grand bloc est constitué par les sociétés familiales « en forte expansion depuis trois décennies ». Regroupant 21 % des exploitants et co-exploitants âgés de 52-62 ans, elles font face à d’autres défis : l’intégration de nouveaux associés ou l’embauche de salariés. L’étude dresse ensuite une géographie des difficultés de renouvellement, via une typologie des cantons selon les formes de collectif de travail. La partie méridionale (à l’exception du Massif central et des Alpes) montre « une surreprésentation des exploitations individuelles à temps complet et à temps partiel dans les cessions d’activité à venir d’ici 2030. Le risque est grand de voir ces exploitations individuelles partir à l’agrandissement », notent les auteurs. Un cran plus bas dans l’échelle des difficultés de renouvellement, le Massif central, le Morvan et les Alpes voient une surreprésentation de départs d’associés dans des sociétés familiales sans salarié. Problème, le salariat agricole y est peu développé. « Une culture de gestion des salariés en ressources humaines reste probablement largement à acquérir dans le cas du recours au salariat pour le remplacement d’associés ». Moins exposés au risque de démantèlement, la Bretagne, les Pays de la Loire et une partie de l’Aveyron sont concernés par des départs à la retraite qui surviendront davantage chez des couples d’agriculteurs et des sociétés familiales sans salarié. Le recours au salariat, davantage implanté dans leur environnement local, est là une option possible. Enfin, le pourtour du bassin parisien se distingue par une présence un peu plus marquée qu’ailleurs d’exploitations en gérance et d’exploitations sociétaires à temps partiel. « Ce type de montage est assez caractéristique de certaines régions céréalières où des exploitations familiales poursuivent leurs activités en choisissant de déléguer tout ou partie du travail agricole à des prestataires extérieurs. »
J.-C. D.
La DJA, un dispositif solide
Comprise entre 16 000 et 56 000 €, la dotation jeune agriculteur (DJA) en Auvergne-Rhône-Alpes est la plus élevée de France. Gérée depuis 2023 par le conseil régional, elle est de plus en plus plébiscitée par les candidats à l’installation.
La dotation jeune agriculteur (DJA) est une aide à la trésorerie au démarrage d’une nouvelle activité agricole. Son montant, pour une installation à titre principal, peut s’élever entre 16 000 à 56 000 € selon différents critères. En zone de plaine, elle est de 16 000 €, en zone défavorisée de 24 000 € et en zone de montagne de 32 000 €. Selon les cas, trois modulations peuvent s’ajouter. Si le jeune bénéficie d’une formation agricole bac + 2 et plus ou d’une expérience professionnelle d’au moins deux ans à mi-temps sur les quatre dernières années en tant que salarié agricole en dehors de l’exploitation de reprise ou de l’exploitation familiale, en service de remplacement ou au sein d’un groupement d’employeurs, un bonus de 6 000 € est possible. En cas de nouvel engagement dans une démarche de type agriculture biologique, haute valeur environnementale niveau 3 (HVE3), signe de qualité, Mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), label bas carbone, GIEE ou de mise en place d’au moins 70 ruches, un bonus de 6 000 € s’applique également. Sur la base des investissements figurant dans le plan d’entreprise (PE) et pour certains types d’investissements seulement, une majoration peut s’appliquer : au-delà de 100 000 € elle est de 6 000 € d’investissement ; de 200 000 à 300 000 € cette majoration s’élève à 9 000 € ; et au-delà de 300 000 € à 12 000 €. Pour les sociétés, le montant retenu sera celui des investissements propres au candidat (ex : rachat de parts sociales, foncier, bâtiments…) auxquels s’ajouteront les investissements portés par la société, au prorata du nombre de parts sociales détenues par le nouvel installé.
Qui peut bénéficier de la DJA ?
Pour bénéficier de la DJA en Auvergne- Rhône-Alpes, il faut être âgé de 18 à 40 ans à la date de dépôt du dossier sur le portail des aides (PDA) ; disposer a minima d’un diplôme agricole de niveau IV ; ne pas avoir déjà bénéficié de la DJA, avoir validé un plan de professionnalisation personnalisé (PPP). L’installation doit se faire sur une exploitation ayant son siège en région Auvergne-Rhône-Alpes. Le plan d’entreprise, d’une durée de quatre ans, doit démontrer l’atteinte d’un revenu disponible agricole (RDA) supérieur à un smic au terme de cette période. Ce RDA doit représenter plus de 50 % du revenu professionnel global chaque année s’il y a d’autres revenus professionnels. Le revenu professionnel global doit être inférieur à trois smic en 3e et 4e année. Le demandeur devra fournir une analyse de la durabilité de son projet d’installation. Pour une installation sociétaire, l’associé bénéficiant de la DJA doit être gérant et détenir plus de 10 % des parts sociales. Le revenu disponible agricole, au terme des quatre ans, doit être supérieur à un smic par associé exploitant.
Les cas particuliers
En cas de pré-installation, le RDA sur chacune des trois dernières années doit être inférieur à un smic. Le plan d’entreprise doit présenter les modifications sur l’exploitation permettant d’atteindre le revenu minimum pour l’obtention de la DJA. Pour une installation à titre secondaire, le parcours est identique, mais le RDA à atteindre est diminué de moitié. De plus, il doit être compris entre 30 et 50 % du revenu professionnel global. Logiquement, le montant de la DJA est divisé par deux. Dans le cas d’une installation progressive, le futur installé doit être affilié à la MSA dès le départ. Les revenus non agricoles sur les trois premières années peuvent être supérieurs aux revenus agricoles. Le RDA doit être supérieur ou égal à 0,5 smic en année 2. En année 4, il doit être supérieur aux revenus non agricoles et atteindre au moins un smic.
Dérogations pour la capacité professionnelle
Le futur installé doit se trouver dans une situation qui nécessite une installation urgente, en raison d’une circonstance exceptionnelle ou d’un cas de force majeure. Il doit avoir un diplôme agricole de niveau III ou non agricole de niveau IV et avoir un PPP agréé. Il a ensuite quatre ans pour obtenir son diplôme agricole de niveau IV et pour valider son PPP. « Nous bénéficions d’un dispositif solide sur la DJA en Aura. Au niveau de Jeunes agriculteurs, nous avons à coeur de toujours améliorer les outils en place pour répondre au mieux aux défis agricoles de demain. Il s’agit de simplifier les démarches des porteurs de projet tout en mettant en place suffisamment de garde-fous sur la formation, le plan d’entreprise… afin de ne pas envoyer les jeunes au casse-pipe », relève Jocelyn Dubost, président de Jeunes agriculteurs Auvergne-Rhône- Alpes.
Sophie Chatenet
Du service de remplacement à l’installation
Après sept années en tant qu’agent de remplacement et un stage de parrainage en cours sur le Gaec de la Plaine (Occitanie), Xavier Teilhol s’installera sur cette même ferme en début d’année prochaine.
À 25 ans, Xavier Teilhol s’apprête à s’installer sur le Gaec de la Plaine à Paulhac (Haute- Garonne) aux côtés de deux associés, Jérôme et Agnès Preyssat. Le jeune homme a déjà une belle expérience du métier d’agriculteur derrière lui, grâce à son activité en tant qu’agent au sein du service de remplacement agricole de Haute-Loire.
Une expérience plurielle
À la suite de l’obtention de son Bac pro conduite et gestion de l’entreprise agricole (CGEA), en 2016, au lycée de Brioude-Bonnefont (Haute-Loire), Xavier Teilhol avait l’intention de s’installer hors cadre familial, ses parents n’étant pas agriculteurs. Il entreprend alors une formation complémentaire (CS lait) sur une exploitation du Cantal. Un problème de santé à l’épaule l’empêchera cependant de poursuivre son expérience au sein de la ferme qui l’accueille. Xavier Teilhol se tourne alors vers le service de remplacement (SR) qui lui permet de poursuivre sa formation après une phase de rééducation de son épaule. « Le premier jour, j’ai effectué un remplacement sur une ferme, puis on a fait appel à moi pour intervenir sur un gros accident à Azerat (Dordogne). C’est finalement sur cette exploitation que j’ai terminé mon alternance », explique-t-il. Un poste de remplacement qui l’a conduit à intervenir dans une multitude d’exploitations et de productions. « Cela m’a donné confiance en moi. Quand un éleveur part en vacances et qu’il vous confie ses cinquante vaches laitières, on veut faire au mieux », assure Xavier Teilhol. « J’ai appris de nombreuses choses. J’ai vu beaucoup de bâtiments d’élevage, j’ai donc pu me faire une idée de ce qui fonctionnait et de ce qu’il ne fallait pas reproduire », témoigne-t-il.
Être calme et savoir recevoir les critiques
« Lorsque l’on travaille avec les animaux, il ne sert à rien de crier. Plus on est calme, plus notre travail est facilité », constate-t-il. « Dans notre Gaec de la Plaine, le troupeau est calme. Je passe souvent voir les génisses de renouvellement et ne manque pas de les caresser, ce qui les rend plus calmes et dociles », raconte Xavier Teilhol. Un savoir-vivre qu’il applique également à sa relation avec ses collaborateurs. « Un bon agent doit être calme et savoir considérer les critiques, avancer sans se braquer. Personne ne travaille de la même façon, mais à la fin, c’est bien le résultat qui compte », assure-t-il.
Ravi de son expérience, le futur installé n’hésite pas une seconde quand le SR lui demande d’intervenir auprès des jeunes du lycée de Bonnefont : « On s’aperçoit bien souvent que ces jeunes ont une idée négative du métier d’agent. Moi, je leur explique que l’on peut tout à fait s’épanouir dans ce domaine-là. Certes parfois les tâches sont un peu difficiles, mais il y en a aussi à accomplir sur nos propres fermes ! En tout cas, il ne faut pas hésiter à pousser la porte du SR, car cela ne peut qu’être bénéfique pour ces jeunes ».
Véronique Gruber
ACCOMPAGNEMENT / Installation et transmission, un parcours balisé
Le Point accueil installation transmission (PAIT) est la porte d’entrée de tous les porteurs de projet en agriculture. Il accueille, informe et accompagne ceux qui veulent s’installer et ceux qui souhaitent partir et transmettre leur exploitation.
Face à un renouvellement des générations de plus en plus préoccupant, la plupart des départements se sont dotés d’un guichet unique afin d’accompagner cédants et futurs installés dans leurs démarches. Ces Points accueil installation transmission (PAIT), basés dans les chambres d’agriculture, centralisent l’ensemble des connaissances nécessaires pour des installations ou des transmissions réussies.
Préparer l’installation
Une installation réussie est avant tout une installation bien réfléchie. Le PAIT est donc le premier interlocuteur auquel un porteur de projet doit s’adresser. Les conseillers l’informeront, étape par étape, du parcours sur lequel il s’engage : ils l’aideront dans les différentes démarches à entreprendre, l’orienteront vers les bonnes personnes en fonction des situations spécifiques et l’informeront sur les aides auxquelles il peut prétendre, les accompagnements et les formations. Leurs connaissances globales des dossiers départementaux leur permettent de connaître les pièges à éviter et les éventuels raccourcis possibles.
Mais aussi la transmission
Le PAIT a également en charge la transmission. Il aide les exploitants à préparer leur cessation d’activité dans de bonnes conditions. Pour être sereine, la transmission doit s’anticiper, il ne faut donc pas hésiter à consulter les conseillers du PAIT bien avant ses soixante ans. Parmi les outils à disposition, le Répertoire départ installation (RDI) en est un très efficace. Il permet, par l’intermédiaire des conseillers transmission, de mettre en relation les futurs installés avec les cédants en recherche d’un repreneur, d’un locataire, ou encore d’un associé. Le RDI est géré par les chambres d’agriculture et permet une recherche au niveau national, voire international, en fonction de critères techniques : type de production, situation géographique, surface, budget, etc.
Une fois la mise en relation effectuée et avant de totalement sceller les accords, le Point accueil installation transmission peut organiser un stage parrainage, qui permet de voir directement sur l’exploitation si celle-ci convient au futur installé, ou si l’association fonctionne. Il fait office de période d’essai, afin que ni le cédant ni le repreneur ne se retrouvent face à de mauvaises surprises.