SANITAIRE
Maillage vétérinaire : comment enrayer des problématiques prégnantes ?

L’ensemble des acteurs territoriaux concernés par le maintien d’un maillage vétérinaire en Ardèche étaient réunis, mercredi 22 mai, à la chambre d’agriculture de Privas.

Maillage vétérinaire : comment enrayer des problématiques prégnantes ?
Les différents acteurs engagés dans le cadre du diagnostic de territoire de l’Ardèche étaient réunis à la chambre d’agriculture de l’Ardèche à Privas. ©AAA_AL

Le maillage vétérinaire de l’Ardèche pour les animaux de rente se dilate au fil des années et sa dégradation risque de s’accentuer à l’avenir. La marginalisation de l’activité rurale s’inscrit dans un cercle vicieux, en conséquence de la baisse du nombre d’élevage, des difficultés liées à la ruralité et à l’attractivité de ses entreprises vétérinaires, a exposé Matthieu Mourou, membre du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, venu à Privas, mercredi 22 mai, afin de présenter la restitution des travaux nationaux réalisés dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en 2022 pour accompagner les territoires touchés par la dégradation du maillage vétérinaire, dont celui de l’Ardèche. La directrice du GDS de l'Ardèche, Margot Brie, a présenté quant à elle, les travaux départementaux menés sur le maillage vétérinaire du sud d'Ardèche.

Depuis trois ans, cet AMI mené par le GDS de l'Ardèche et la DDETSPP1 a permis de réaliser un diagnostic de territoire et de réunir tous les acteurs du département concernés par le maintien d’un maillage vétérinaire rural : vétérinaires, éleveurs, collectivités locales et services de l’État... D’après les enquêtes effectuées, des freins et des leviers ont été identifiés dans le but d’établir un plan d’action adapté au territoire. Gestion des gardes et astreintes, rentabilité des entreprises vétérinaires, recrutement, qualité de vie, compétences… sont autant de difficultés qu’annoncent rencontrer les vétérinaires face aux problématiques de maillage. Du côté agricole, les éleveurs ardéchois évoquent l’accès aux soins, en matière de délais et de disponibilité, leurs coûts et les niveaux de formation proposés par les cabinets vétérinaires.

Objectifs : maintenir le maillage existant, puis le développer

Deux degrés d’urgence ont été posés : tout d’abord maintenir le maillage existant, puis le développer. Parmi les actions prioritaires figurent la mutualisation des gardes et astreintes, l’appui au recrutement et à l’accueil de stagiaires tutorés pour favoriser des vocations, la mise à disposition de logements, la télémédecine, les aides aux investissements des cabinets vétérinaires…

Depuis 2021 et l'arrêt de l'activité rurale d'un cabinet vétérinaiure dans le nord du département, des actions ont été engagées dans ces domaines, ainsi qu’une aide de l’État pour réaliser les campagnes de prophylaxies, mais ces orientations et leurs avancées ont pu susciter débat durant la réunion du 22 mai. « La mutualisation des gardes n’est plus possible, on ne reviendra pas en arrière », a indiqué Déborah Prévost, vétérinaire privadoise et vice-présidente du syndicat régional des vétérinaires d'exercice libéral (SRVEL), qui a exprimé la nécessité de mettre en place une régulation des appels. « Il faut se poser la question de ce qu’on souhaite pour renforcer l’accompagnement et mettre en place des collaborations. Quelles sont les cibles et comment les atteindre ? », a rappelé le président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche, Benoit Claret. « Souhaite-t-on des services de l’État qui se suppléent aux services vétérinaires pour faire les prophylaxies ? »

Des pertes de matériels et de compétences liées à des difficultés de rentabilité et d’investissement

L’intervention de Matthieu Mourou a permis de mettre en avant diverses problématiques, dont les difficultés de rentabilité et d’investissement des cabinets vétérinaires. Président du SRVEL et membre du Conseil régional de l'ordre des vétérinaires, Laurent Planeix a exprimé le besoin « d’éviter les pertes d’investissements qui engendrent des pertes de matériels et de compétences », ainsi que le manque d’aides significatives. Il a évoqué l’existence du plan régional d’aide aux structures vétérinaires à activité rurale, pour lequel les vétérinaires doivent se placer dans le cadre du financement Leader, avec un dossier correspondant aux fiches actions du groupe d’action local, chargé de l’animation des fonds du département où est déposé le dossier et donc de l’évaluation de son éligibilité. « Mais en Ardèche, ce groupe d’action local est injoignable », s’insurge le président du SRVEL. Il a interpellé, aussi, les Départements, « un niveau un peu absent », pour « des aides aux déplacements » ou « une collaboration » entre conseils départementaux, face aux fréquents déplacements que doivent faire les vétérinaires entre départements voisins. Le Département de l’Ardèche a indiqué « réfléchir à de l’aide à l’investissement mais pas aux charges de fonctionnement ».

« Proposer un cap pour attirer des vétérinaires »

Sur la problématique prégnante d’accès aux soins vétérinaires, « il va falloir cibler des vétérinaires capables de toucher à tout dans leur formation », a conseillé Matthieu Mourou. Concernant la relation entre éleveur et vétérinaire, « systématiquement basée sur des appels d’urgence », estime Jean-François Mourier, la contractualisation pourrait « inscrire un nouveau modèle de relation » en travaillant sur du préventif et décaler les soins d’urgence. Pour l’heure, elle ne séduit pas vraiment les éleveurs ardéchois. « Elle marche en laitier mais que propose-t-elle en allaitant ? », questionne la directrice du GDS de l’Ardèche, Margot Brie. « C’est une étape qui viendra se mettre en place dans quelques années, mais que ce soit de la contractualisation, de la forfaitisation, il faudra des vétérinaires... Le problème aujourd’hui est qu’il en manque. À moyen terme, on court au désastre. » Pour le président du SRVEL, justement, « il faut essayer tout de suite de proposer un cap pour attirer des vétérinaires ».

Actions déployées en 2024 et 2025

Pour 2024 et 2025, le GDS de l'Ardèche entend poursuivre les actions déployées pour attirer les étudiants vétérinaires et favoriser leur recrutement dans les structures existantes, avec de l’accueil pour des stages découvertes, en organisant un road-trip en lien avec le SRVEL et le groupement technique vétérinaire (GTV), en créant un modèle d’offre d’emploi... L’objectif est aussi d’alléger la charge liée à la permanence et à la continuité de soins, mutualiser les compétences entre structures vétérinaires, mobiliser des aides à l’installation et à l’investissement de ces dernières auprès des collectivités, et renforcer les liens entre éleveurs et vétérinaires, notamment par le biais du suivi d’une thèse sur la contractualisation.

A.L.

1. Direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations.

« Il faut avoir des approches et des solutions locales »
Matthieu Mourou. ©AAA_AL
QUESTIONS À

« Il faut avoir des approches et des solutions locales »

Matthieu Mourou, membre du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, a présenté la synthèse des travaux nationaux sur la dégradation du maillage vétérinaire, réalisés dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI).

Quels sont les objectifs de l’AMI lancé en 2022 pour accompagner les territoires touchés par la dégradation du maillage vétérinaire ?

Matthieu Mourou : « À la suite du vote de la loi DDADUE en 2020, une convention entre la DGAL1 et le conseil national de l’Ordre des vétérinaires a été signée pour essayer de mettre en musique ce texte de loi à l’échelle nationale, et pour cela faire des diagnostics de territoire. Nous avons eu 27 dossiers de candidatures qui représentaient les huit régions de France. Cela nous a permis de sélectionner 11 territoires avec des profils différents. L’objectif est de mettre en place une méthodologie et des plans d’action applicables un peu n’importe où en France, pour que chaque territoire puisse faire son diagnostic. L’idée est de réunir tous les partenaires locaux et qu’ils trouvent des solutions adaptées à leurs besoins. Il faut avoir des approches et des solutions locales adaptées aux problématiques locales. »

Comment avez-vous sélectionné ces dossiers ?

M.M. : « Une partie des dossiers concernent des situations subcliniques, avec des difficultés qui se présentaient dans les 5 à 10 ans à venir, d’un point de vue démographique, vétérinaire et agricole, de l’attractivité des territoires. Pour un autre groupe de dossiers, dans lequel fait partie l’Ardèche, nous estimons que la situation était déjà très dégradée voire trop. Un troisième groupe distingue des particularités géographiques où il fallait remettre des vétérinaires en activité auprès des animaux de rente, comme la région Île-de-France où il n’y en a plus alors qu’on voit se multiplier des détenteurs non professionnels d’animaux de rente (ovins, caprins, volailles) avec potentiellement des risques sanitaires derrière. »

Qu’est-ce qu’il ressort du diagnostic de l’Ardèche ?

M.M. : « Nous rencontrons une grande difficulté en matière de densité de vétérinaires, d’élevages aussi et derrière, bien évidemment, des problèmes économiques qui ressortent, que ce soit chez les éleveurs ou les vétérinaires. Il y a quelques solutions qui sont proposées, notamment en matière de permanences et de continuité de soins, de prise en charge de pas mal de choses. Derrière, il faut mettre en place ces actions pour pouvoir essayer de trouver une solution locale et maintenir un maillage vétérinaire sur le territoire. »

Propos recueillis par A.L.

1. Direction générale de l’alimentation.

À NOTER / Les chiffres clés du maillage vétérinaire de l’Ardèche

  • 99 vétérinaires inscrits au tableau de l’Ordre des vétérinaires installés en Ardèche.
  • 34 cabinets vétérinaires sont établis dans le département.
  • 9 cabinets vétérinaires ont une réelle activité mixte rurale et canine.
  • 12 cabinets vétérinaires implantés dans les départements frontaliers (Drôme, Gard, Loire, Haute-Loire et Lozère) interviennent en pratique rurale.
  • 210 vétérinaires extérieurs au département disposent d’une habilitation sanitaire pour réaliser des interventions dans le cadre de leur mandat sanitaire.