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Chez Vallet frères, les piquets un savoir-faire héréditaire

Entreprise de fabrication de piquets de clôture et d’échalas depuis près de cinquante ans, la Scierie Vallet frères poursuit son développement. À Lens-Lestang dans la Drôme, la troisième génération est désormais aux manettes de la société familiale.

Chez Vallet frères, les piquets un savoir-faire héréditaire
Cyprien et Lucie, les petits enfants du fondateur, sont les deux gérants de Vallet frères. ©AD_PDeDeus

L’histoire commence dans les années 1960. Pierre Vallet est fermier, il a des bêtes et à côté de cela, « il aimait le bois », raconte sa petite-fille, Lucie Vallet. Au départ, il fabriquait des piquets de clôture pour sa ferme, puis pour les voisins et amis agriculteurs. Progressivement, cette activité saisonnière, en parallèle de l’agriculture, prend de l’ampleur. C’est ainsi que naît l’entreprise Vallet Père et fils, une dizaine d’années plus tard, avec Pierre Vallet et ses deux fils. Ces derniers, Jean-Luc et François- Joseph Vallet, reprennent l’affaire en 1992 et donnent un nouveau coup d’accélérateur à l’entreprise, alors renommée Vallet frères. La production est alors assurée par les deux gérants ainsi que cinq salariés. Près de trois décennies plus tard, les enfants de Jean-Luc ont pris la relève. D’abord Lucie, qui est entrée dans l’entreprise en 2018, puis son frère Cyprien, deux ans plus tard.

Un chiffre d’affaires multiplié par deux

Aujourd’hui Jean-Luc est président de l’entreprise transformée en SAS, tandis que Lucie et Cyprien sont devenus associés. Tous deux peuvent profiter de compétences acquises dans leur précédente profession, Lucie a été fonctionnaire au ministère de la Justice et Cyprien était ingénieur pour Alstom. Ensemble, ils développent encore l’entreprise familiale. Entre 2018 et 2024, le nombre de salariés a doublé, passant de 15 à 34 (notamment à la production), et le chiffre d’affaires a suivi la même courbe, passant de 2,7 millions en 2018 à 5 millions en 2023. « Nous avons acquis la scierie de Paul-Luc Brun, juste en face de la nôtre, au moment de son départ à la retraite. Mais ça ne représente que 500 000 € supplémentaires sur le chiffre d’affaires, explique Lucie. Si on s’est développé c’est surtout parce qu’on a beaucoup investi. »

Les clôtures ganivelles, un nouveau marché

Ces cinq dernières années, la scierie Vallet frères est partie à la conquête d’un nouveau marché : les clôtures ganivelles, fabriquées avec des échalas et une machine pour les relier. « On en fait depuis quinze ans, mais ça fait trois ans qu’on a vraiment développé cette partie. Aujourd’hui, c’est notre produit vedette », annonce fièrement Lucie Vallet. Ces clôtures, qui représentent 50 % de l’activité de l’entreprise, sont très demandées notamment par les collectivités et les paysagistes. Les débris sont aussi vendus en plaquettes forestières. L’activité historique de l’entreprise, tournée vers l’agriculture, reste également bien présente avec 50 références de piquets de clôture, ainsi que des tuteurs pour la vigne. Pour ce qui est de la commercialisation, Vallet frères passe surtout par des coopératives, dans toute la France, avec notamment un marché important dans le Nord. « Bizarrement, on a assez peu de clients en Rhône-Alpes pour les piquets de clôture, remarque Lucie Vallet. En vigne, là en revanche, il s’agit de viticulteurs de la vallée du Rhône. »

Du bois de châtaigniers ou de robiniers

Pour ce qui est de la matière première, l’entreprise mise principalement sur le local. Les quelque 20 000 m3 de bois transformés chaque année à la scierie Vallet, sont issus de châtaigniers ou de robiniers, non traités, et récoltés dans un périmètre de 50 kilomètres, notamment dans les massifs de Chambaran et de Bonnevaux.

« L’approvisionnement est un poste stratégique. 80 % du bois est acheté sur pied aux propriétaires et tous les acheteurs se battent pour les bonnes parcelles », détaille Lucie Vallet. Outre le morcellement, le travail est aussi compliqué par le contexte actuel, avec des tarifs d’exploitation qui explosent et une pénurie généralisée de personnel. « Des bûcherons, des débardeurs, des transporteurs… C’est compliqué d’en trouver, mais on dépend d’eux, ce n’est pas notre métier », insiste la cogérante. La concurrence à l’achat s’est aussi accrue depuis une dizaine d’années, avec une hausse de la demande en bois-énergie, « notamment pour alimenter les chaufferies industrielles dans les bassins de Lyon ou Grenoble et pour l’industrie de l’aluminium de la vallée de la Maurienne », détaille Jean-Luc Vallet, le président de l’entreprise. In fine, le bénéfice de l’entreprise s’en trouve impacté. D’autant plus que les tarifs doivent rester attractifs, dans un secteur où la concurrence est rude. Malgré tous ces défis, les associés se veulent optimistes. Pour Lucie, la force de la scierie Vallet frères réside surtout dans les hommes qui la composent : « Ce sont des métiers très techniques. Rien ne peut remplacer le savoir-faire ! »

Pauline De Deus

Le climat rebat les cartes
Vallet frères est une importante scierie du territoire, chaque année 20 000 m3 de bois sont transformés dans ses ateliers. ©AD_PDeDeus

Le climat rebat les cartes

Aujourd’hui, la scierie Vallet frères travaille avec 60 % de châtaigniers et 40 % de robiniers. « Ce sont deux essences qu’on a chez nous et qui sont du bois de classe 4, c’est-à-dire que ces essences sont naturellement résistantes, imputrescibles et leurs repousses se font naturellement sans plantation », détaille la gérante, Lucie Vallet. Pourtant, le contexte actuel pourrait rebattre les cartes. « Le changement climatique interfère beaucoup sur le dépérissement du châtaignier », précise Jean-Luc Vallet, président de l’entreprise, chargé de l’approvisionnement. Résultat : les arbres sont moins nombreux et la qualité en est aussi affectée. Pour l’instant, les châtaigniers du secteur peuvent encore répondre aux besoins de la scierie mais les manques pourraient se manifester d’ici deux décennies, d’après les prédictions du président de Vallet frères.

Un bois naturel et local

Actuellement sans solution, l’entreprise cherche toutefois des idées pour remplacer le châtaignier et le robinier. « Ce qui est recherché en piquets de clôture, c’est une durabilité naturelle grâce aux tanins. Une essence qui pourrait fonctionner pour ça, c’est l’eucalyptus », remarque Jean- Luc Vallet. « On n’en a pas en France, mais on pourrait imaginer l’implanter avec les changements climatiques. Le problème, c’est qu’il s’agit d’un bois très inflammable », nuance-t-il. Et si d’autres solutions existent telles que les traitements chimiques du bois pour éviter les dépérissements, Jean-Luc Vallet souhaite, lui, continuer de s’appuyer sur la caractéristique qui fait la renommée de son entreprise : un bois naturel et local.